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COP 26: Violons discordants

4 novembre 2021, 09:37

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À Glasgow, le monde réfléchit sur les enjeux pluriels du changement climatique, tout en sachant qu’il sera difficile, voire impossible, d’accorder tous les violons sur les mêmes notes d’avenir, tant les stratégies de développement et les capacités d’adaptation divergent d’un pays à un autre.

Certes, il faut saluer deux nouveaux accords historiques de la présente COP26 : i) la fin de la déforestation à l’horizon 2030 qui réunit une centaine de pays, dont le Brésil, sur les 197 pays qui participent à la COP26. ii) la réduction des émissions de méthane (MH4) grâce au «pacte global», une initiative des États-Unis et de l’Union européenne pour contrôler ce gaz à effet de serre qui est plus nocif que le CO2 et qui est responsable d’au moins 25 % du réchauffement climatique depuis l’ère préindustrielle.

Mais le pessimisme ambiant, dans lequel baignent les COP depuis le Protocole de Kyoto (signé en 1997 et entré en vigueur en 2005), règne par rapport aux quatre objectifs de base : 1) réduire les gaz à effet de serre ; 2) stimuler la production d’énergie renouvelable ; 3) maintenir l’augmentation de la température mondiale «bien en dessous» de 2°C et viser à la limiter à 1,5°C; et 4) engager des milliards de dollars pour aider les pays les plus pauvres à faire face aux conséquences du changement climatique. Alors que la COP26 se déroule avec un an de retard dû à la pandémie, nous sommes encore loin du compte. Nous sommes actuellement sur une trajectoire de 2,7 °C de réchauffement d’ici à la fin du siècle, et non pas au seuil de 1,5 °C prévu dans l’accord de Paris.

À chaque COP, les positionnements stratégiques des uns et zigzags diplomatiques des autres illustrent la complexité du challenge commun. L’humanité n’a pas une gouvernance mais plusieurs et, à Glasgow, l’absence des présidents de la Chine (plus gros émetteur des gaz à effet de serre qui sont les moteurs du réchauffement climatique), et de la Russie envoient un mauvais signal. Les présidents Xi Jinping et Vladimir Poutine cassent le momentum requis pour pousser vers une harmonie multilatérale. Les divergences ne concernent pas que les gouvernements ou les regroupements géographiques des États. De nombreuses propositions émanent également des ONG afin d’obtenir des concessions ou des aides. Les pays pauvres et émergents, qui pointent le doigt vers les pays industrialisés ou riches, veulent faire matérialiser les promesses de ces derniers pour financer les coûts de la transition énergétique.

Depuis 2015, les experts croient de moins en moins en la possibilité de réduire les gaz à effet de serre et maintenir l’augmentation de la température mondiale sous les 2°C, car, dans les faits, le processus de hausse continue sa folle course destructrice. Pour respecter l’Accord de Paris, TOUS les États doivent réduire leurs émissions nettes de dioxyde de carbone de 45 % en 2030 par rapport à 2010 et les réduire à zéro d’ici 2050.

Fait intéressant : les 48 pays regroupés au sein du groupe des pays dits «les moins avancés», dont la République centrafricaine, l’Ethiopie, le Népal ou le Sénégal, partagent, pour cette COP26, les mêmes positions que les petits États insulaires en développement comme les Seychelles et Maurice (qui n’a pas intérêt à parler de son projet d’Offshore Petroleum Bill) par rapport à leur grande vulnérabilité au réchauffement d’une part et leur faible responsabilité dans le réchauffement global. Ce groupe élargi de victimes du dérèglement milite historiquement pour le principe d’une aide financière des pays du Nord. Si, en 2009, à Copenhague, il avait obtenu – sur papier seulement – un engagement de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, cette promesse n’a pas été honorée jusqu’ici ; elle reste plafonnée à 80 milliards. À Glasgow, leur mantra n’a pas changé : «Les pays les moins avancés sont les plus affectés par le réchauffement climatique même s’ils ont le moins contribué à le provoquer. Les pays riches avec une grande responsabilité doivent urgemment réduire leurs émissions, et augmenter leur soutien aux pays en développement (…) Les financements accordés sont bien inférieurs aux besoins de nos pays et de nos peuples, et ce déficit coûte des vies.»

Un autre groupe de pays qui se forme naturellement englobe ceux qui ont, eux, bien profité des énergies fossiles. Parmi eux, au moins cinq sont de grands producteurs d’énergies fossiles : le charbon pour l’Australie et les États-Unis, le pétrole pour la Norvège et la Russie, le gaz de schiste pour les États-Unis, les sables bitumineux pour le Canada ou le gaz pour la Russie. À en juger par leur note décernée par Climate Action Tracker, ils sont souvent qualifiés de mauvais élèves des différentes COP, en raison de leur intransigeance à changer de modèle. Mais Joe Biden a néanmoins promis de tourner la page d’unilatéralisme de Donald Trump.

Même si les pays européens sont loin d’être exemplaires, comme ils ont tendance à le faire croire dans leurs discours, c’est le seul bloc de pays qui participent pleinement aux différentes COP. Le problème, ici aussi, c’est un manque de cohésion : la Pologne ou l’Allemagne restent trop attachés au charbon.

Il y a aussi le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), un bloc qui ne se montrait pas vraiment concerné par les réductions d’émissions dans le cadre du Protocole de Kyoto, par rapport au principe des «responsabilités communes mais différenciées». Ce principe demeure au cœur de leur position, même si la Chine est devenue depuis le premier émetteur mondial de GES. Afin de justifier leur inaction… Le charbon continue d’occuper une place importante dans leur mix énergétique : 57,64 % en Chine, 54,67 % en Inde, et 70,61 % en Afrique du Sud, alors qu’au Brésil, grâce à l’hydroélectricité, le mix est plus encourageant, avec 46,18 % de l’énergie générée par les renouvelables ; et heureusement que le pays de Pelé est d’accord pour arrêter la déforestation de l’Amazonie. Bonne nouvelle : l’Inde a créé la surprise, lundi, en se fixant comme objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2070, a annoncé Narendra Modi, dans son discours, prononcé au lendemain de l’ouverture de la COP26. L’Inde, troisième émetteur de gaz à effet de serre derrière la Chine et les États-Unis, était le seul pays parmi les plus gros pollueurs de la planète à ne pas avoir pris d’engagement sur la question de la neutralité carbone.

Et parmi les mauvais élèves, les exportateurs de pétrole et de gaz : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Irak, l’Iran, le Koweït, le Qatar, entre autres. Qui veulent profiter des énergies fossiles jusqu’au bout de la nuit.

La COP26 devrait être le premier sommet au cours duquel seront notés les progrès accomplis – ou non – depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat en 2015. L’Accord de Paris n’étant rien d’autre qu’un plan tactique de l’humanité – et la biodiversité dont nous sommes les gardiens pour les générations futures – pour éviter une catastrophe climatique qui va nous affecter tous, peu importe si nous sommes riches ou pauvres, ou du Nord ou du Sud, habitant sur terre ou dans les océans…