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De vie à trépas...

8 novembre 2021, 18:41

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42 décès en une semaine, 197 morts directement du Covid-19 depuis le 5 mars 2021, et environ 200 indirectement. Ces chiffres seraient largement sous-estimés, martèle le leader de l’opposition alors que les conseillers du PMO congratulent le gouvernement et évoquent le chiffre de 12 000 décès potentiels si la vaccination de la première et deuxième dose n’était pas un succès, contrairement à la laborieuse campagne pour injecter la troisième dose, qui ne convainc pas grand monde. De par le monde, au moins 5 millions de personnes sont décédées depuis décembre 2019, selon un comptage de l’AFP. Personne n’est dupe. Le tour du monde tient compte des décès comptabilisés par les autorités de santé nationales et ne représente qu’une part des décès réellement liés au coronavirus. L’OMS estime qu’en considérant la surmortalité directement et indirectement liée au Covid-19, le bilan de la pandémie pourrait être deux à trois fois plus élevé que celui officiellement recensé... Tandis que le nombre de décès quotidiens à travers le monde est repassé, pour la première fois depuis près d’un an, sous les 8 000 début octobre, la situation est disparate selon les continents.

Derrière chaque décès, statistique ou chiffre mortifère, il y a un drame intime, une histoire charcutée, une famille brisée, des larmes sous les masques. Souvent les morts du Covid sont incinérés ou enterrés à la va-vite, avec des protocoles inhumains, sans qu’on puisse honorer leur passage sur terre, ou tout simplement leur mémoire, bref ce qui reste quand le cœur s’arrête, quand commence le deuil.

Mais relativisons. Le Covid-19, qui occupe la une de nos journaux depuis bientôt deux ans, est parti... pour rester. Si elle est la plus récente cause de décès, elle n’est PAS la plus dangereuse. Les causes de mortalité qui devancent le coronavirus demeurent le cancer (toutes causes confondues) avec quelque 10 millions de morts par an (source : Agence internationale de la recherche sur le cancer). Suivent ensuite la pollution de l’air (intérieur et extérieur) avec 8 millions de morts, et le tabagisme actif et ses complications avec 7,8 millions. Au bas du classement, l’on retrouve la malnutrition (3,1 millions), l’alcoolisme (3 millions) et l’obésité (2,8 millions).

Face aux terribles épreuves du coronavirus, les philosophes peuvent nous amener à nous interroger, à prendre le recul nécessaire pour appréhender le monde comme un tout et non à la mesure d’un espace étriqué qui n’offre aucune place à l’autre. Leur voix peut nous faire rappeler le sens de notre présence sur terre.

Quand Montaigne, le philosophe du présent, parle de la mort, ce n’est pas tant pour parler de la fin de la vie que de la vie tout entière : «Nous troublons la vie par le souci de la mort, et la mort par le souci de la vie. L’une nous cause du regret, l’autre nous effraie. Ce n’est pas contre la mort que nous nous préparons, c’est une chose trop momentanée : un quart d’heure de souffrance passive sans conséquence, sans dommage, ne mérite pas des préceptes particuliers. À dire vrai, nous nous préparons contre les préparations à la mort.»

La philosophie nous demande de garder la mort en ligne de mire, de la prévoir et de la considérer avant le temps où elle viendra. Elle fournit aussi des règles et des précautions afin que cette prévoyance et cette pensée ne nous blessent pas. «Ainsi font les médecins qui nous jettent dans les maladies afin qu’ils aient des sujets sur lesquels ils puissent employer leurs drogues et exercer leur art. Si nous n’avons pas su vivre, c’est une injustice de nous apprendre à mourir et de donner à la fin une forme différente de son tout. Si nous avons su vivre avec constance et tranquillité, nous saurons mourir de même. Les philosophes se vanteront à ce sujet tant qu’il leur plaira, mais il me semble que la mort est bien le bout, non pas pour autant le but de la vie. C’est sa fin, son extrémité, non pas pour autant son objet.»

Plus récemment, des philosophes contemporains, à l’instar de Yuval Noah Harari, dans son opus Sapiens : une brève histoire de l’humanité, nous poussent aussi à confronter nos actes en tant qu’humains, et ce qui nous a conduits jusqu’à cet instant précis où nous semblons basculer dans l’au-delà. Dans sa conclusion, Harari écrit ceci : «Par malheur, le régime de Sapiens sur terre n’a pas conduit à grand-chose dont nous puissions être fiers. Nous avons maîtrisé ce qui nous entoure, accru la production alimentaire, construit des villes, bâti des empires et créé de vastes réseaux commerciaux. Mais avons-nous fait régresser la masse de souffrance dans le monde ? (…) Selfmade-dieux (…), nous n’avons de comptes à rendre à personne. Ainsi faisons-nous des ravages parmi les autres animaux et dans l’écosystème environnant en ne cherchant guère plus que nos aises et notre amusement, sans jamais trouver satisfaction. Y a-t-il rien de plus dangereux que des dieux insatisfaits et irresponsables qui ne savent pas ce qu’ils veulent ?»

Beaucoup d’écrivains estiment que la philosophie nous apprend à nous interroger, à questionner, à utiliser notre propre jugement pour comprendre le monde. Ananda Devi me confiait récemment que «la philosophie est d’autant plus importante que nous sommes aujourd’hui assaillis, non d’opinions ou de réflexions, mais de déclarations intempestives énoncées comme des vérités. Vraies, fausses, absurdes, fondées, toutes bénéficient du même statut et sont reçues en tant que telles». Comme d’autres, elle s’interroge aussi sur les diverses théories concernant l’origine du virus, qui ont circulé.

Alors comment faire la part des choses et rendre hommage à la fois à la vie et au trépas ?