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Libertés
Face à l’hécatombe quotidienne et la détresse collective, le Premier ministre semble avoir compris qu’il ne peut plus s’auto-congratuler, comme avant, par rapport à la gestion – pas irréprochable – du Covid-19. L’heure n’est pas à la fête. On n’est plus au temps où la Maison-Blanche saluait notre miracle sanitaire. Nous sommes en mode restrictions prolongées jusqu’à l’an prochain.
Pravind Jugnauth sait fort bien qu’il n’a pas la rue avec lui. Ses récentes initiatives législatives à fort relent liberticide, qui visent à tout contrôler, verrouiller, sur les réseaux sociaux et les ondes des radios privées, provoquent, aujourd’hui, dans la capitale, un rallye automobile pour défendre la liberté d’expression des citoyens et leur droit à l’information.
L’initiative conjointe de Top Fm et de Radio Plus mérite d’être encouragée. Car l’amendement à l’IBA Act, avec un Review Panel peuplé uniquement d’esprits «chatwa», pourrait viser toutes les radios indistinctement – tout comme ce dangereux conseil de presse que tenterait d’imposer ce gouvernement et qui serait contrôlé, comme d’autres institutions de l’État, par des gens, aux intérêts claniques, qui ne travaillent même plus dans la presse, et qui ne sont pas en prise directe avec les mutations profondes que connaît la presse indépendante depuis, disons, ces dix dernières années.
Le rallye pro-démocratie réunit pratiquement tous les partis de l’opposition parlementaire et extra-parlementaire, plusieurs membres actifs de la société civile, et des citoyens-internautes.
En termes de vision et d’idéal, la rue devance le gouvernement mauricien, en lui rappelant, sans relâche, l’alphabet de la démocratie et l’importance de la liberté, ou des libertés (d’expression, de la presse, des individus, etc.). Elle fait écho aux propos de… la Foreign Secretary britannique, Liz Truss, qui prône, en fin de semaine, une alliance mondiale de la liberté : «Hostile forces are using disinformation to undermine truth. Extremists are perpetuating malign ideologies through social media. Autocratic regimes are using this maelstrom of militancy, mistrust and misinformation to gain the upper hand. Now is the time for the free world to fight back, and to use the power of economics and technology to promote freedom not fear.»
Elle a raison de rappeler que quand on place la liberté avant d’autres considérations, on en sort tous gagnants. «The more freedom-loving countries trade with each other, build security links, invest in our partners and pull more countries into the orbit of freedom, the safer and freer we all are.»
***
À La Sentinelle, notre devise a toujours été et restera : l’information, la vraie – pas la com que contiennent les… communiqués officiels –, est un combat qui se livre chaque jour. «Nous allons aux élections générales tous les jours», phrase du Dr Philippe Forget devenue emblématique de notre réalité – l’acte d’achat ou pas de notre quotidien est un choix libre, pas imposé – et de notre ligne éditoriale qu’on tente de maintenir farouchement indépendante. Les journalistes sont des marathoniens, des soldats de guerre qui ne doivent consentir à aucun accommodement avec l’adversaire s’il entend remporter la victoire : l’information, la vraie, pas celle qu’on essaie de nous montrer ou nous faire croire. Même les anciens rédacteurs en chef devenus conseillers spéciaux ou officieux de ce gouvernement vous le confirmeront s’ils n’ont pas tout oublié : par définition, la presse ne peut qu’être contestataire du pouvoir. Faisant un travail de service public dans le privé, la presse indépendante n’a pas de relations avec les hommes qui gouvernent. Pour ma part, même si je connais beaucoup de ceux qui sont au, ou qui gravitent autour du, pouvoir, j’essaie d’en avoir le moins possible. Il y a des amitiés qu’on doit renier pour le bien commun. De toute façon, ces amitiés reprennent vite vie une fois hors du pouvoir, sur le pavé de la vie…
La presse qui fait face aux gouvernants mène une confrontation quasi perpétuelle. Parce qu’elle réclame sans cesse des comptes à ceux qui sont aux commandes. Nous bousculons forcément et irritons les princes du jour parce que nous œuvrons pour une amélioration des normes de gouvernance publique. Depuis 2013, l’express est passé de l’ennemi juré de Navin Ramgoolam au statut d’ennemi public sous le régime Jugnauth, dont les relations avec notre journal ont été historiquement mauvaises et difficiles.
Notre constat de journalistes : nos politiciens n’ont pas saisi le sens de la mission de la presse libre. Les détenteurs du pouvoir n’ont jamais aimé les journalistes, sauf, bien évidemment, ceux qui sont à leur botte, qui ont vendu leur âme au diable.
Il y a quelques années encore, avant d’intégrer le PMO, un ancien collègue insistait : «(…) il suffit que la presse libre assume son devoir moral et défende les citoyens face aux puissants pour qu’elle soit accusée par les dirigeants du pays comme étant dans le camp de l’opposition. Un journaliste qui parle des services publics défaillants devientil pour le coup un propagandiste de l’opposition ? Cette ineptie, si souvent constatée à Maurice, relève d’une inculture démocratique, sinon d’une étroitesse d’esprit affligeante…»
Voilà ce qui pourrait constituer un bon début pour parler conseil de presse.
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