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Qui gagne vraiment par la démission des députés de l’Espoir ?

25 décembre 2021, 08:12

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Qui gagne vraiment par la démission des députés de l’Espoir ?

D’intéressants débats sont actuellement engagés sur l’opportunité de la démission en bloc de tous les députés de l’opposition pour que le gouvernement soit contraint de dissoudre le Parlement et organiser de nouvelles élections générales. 

Excluant les best losers, ils sont 22 députés élus, 12 de l’alliance de l’Espoir et 10 du Parti travailliste, siégeant sur les bancs de l’opposition, Salim Abbas Mamode ayant rejoint le gouvernement. Même si 22 élus démissionnaient, on ne voit pas pourquoi un gouvernement qui compte 40 élus, sans compter ses best losers et le soutien des parlementaires rodriguais,  devrait procéder à la dissolution du Parlement. Au contraire, le MSM et ses alliés-croupions disposeraient alors d’une majorité de 100 %. Le gouvernement n’aurait qu’à organiser des élections partielles étalées sur le temps, pas toutes simultanément. Cela pour amortir l’effet spectaculaire d’élections partielles dans 12 circonscriptions du pays, le MSM ayant enlevé les trois sièges dans huit circonscriptions. 

Un tel événement pourrait se produire si le Parti travailliste soutient l’alliance de l’Espoir. Or, rien n’indique que les Rouges voudraient cautionner une telle initiative. Leur leader, Navin Ramgoolam, a d’emblée rejeté cette proposition. Ce qui fait que des partielles auraient lieu dans seulement huit circonscriptions, en excluant les quatre qui ont élu les Travaillistes Ranjiv Woochit, Mahend Gungapersad, Ritesh Ramful et Michael Sik Yuen. Donc, seulement les circonscriptions N°1, 2, 3, 15, 16, 18, 19 et 20 seraient touchées par des élections suivant la démission des élus Patrice Armance, Reza Uteem, Aadil Ameer Meea, Khushal Lobine, Joanna Bérenger, Nando Bodha, Xavier Duval, Paul Bérenger, Deven Nagalingum, Rajesh Bhagwan, Karen Foo Kune et Franco Quirin. 

Dans ce cas de figure, on pourrait dire que la majorité dans le pays ne serait pas concernée par ces partielles car même des circonscriptions urbaines ne seraient touchées par l’événement encore moins les régions rurales. 

Ce qui est absolument sûr, vu la mise en place graduelle et inéluctable d’un régime autoritaire, c’est que le MSM ne serait nullement ébranlé par ces démissions. Inutile de parler de paralysie du Parlement et du gouvernement pendant la durée de la démission des députés. Certains soutiennent l’idée que le gouvernement ne pourrait entreprendre des initiatives draconiennes au niveau de la Constitution faute de la majorité de trois quarts mais des spécialistes sont convaincus que la limitation de trois quarts ne se calcule pas sur les 70 députés élus et nommés mais sur le nombre des députés en fonction. On en exclut évidemment les démissionnaires. 

Dans ce cas de figure, le MSM, avec ses 48 élus sans compter ses correctifs, contrôlerait 100 % des sièges après la démission de l’opposition. Le MSM pourrait alors prendre plusieurs initiatives en modifiant la Constitution. Par exemple, il lui serait possible d’abolir le droit à la propriété privée et faire main basse sur tous les campements du pays. Ou même imposer le bhojpuri comme langue officielle au même titre que l’anglais. Ou contraindre tous les hommes à porter le sari. Ou établir un régime à parti unique. Dans un cas extrême, il pourrait même jeter la Constitution dans la poubelle. 

Certains éléments soutenant l’appel à la démission ont cité des cas notamment en Inde pour dire que des instances légales interviendraient pour défendre la Constitution. Un tel raisonnement ne tient pas compte d’une faiblesse majeure dans le judiciaire mauricien. C’est qu’il prend trop de temps pour trancher. En attendant, kabri manz salad. En fait, des pétitions électorales logées dans les 21 jours suivant le dernier scrutin sont encore au stade préliminaire. Dans des pays civilisés, les contestations électorales font l’objet d’un verdict dans les meilleurs délais. Croire à la capacité de la Cour suprême de Maurice d’agir à la manière de la plus haute instance judiciaire indienne relèverait de la fantaisie politico-légale. 

D’autre part, un élément politique majeur pourrait totalement bousculer les calculs de ceux qui invitent à la démission des parlementaires de l’Espoir. Il s’agit de la stratégie que les Travaillistes mettraient en place. En effet, exception faite des circonscriptions N°19 et 20, une contestation des partielles par les Travaillistes disposant d’une fighting chance reste crédible dans les N°1, 2, 3, 15, 16, 17 et 18. On se souviendra du fait que lors de la partielle au N°18 en 2017, Arvin Boolell avait battu MMM, PMSD et Roshi Bhadain. 

La moindre victoire travailliste aux dépens d’un élément de l’Espoir aurait une grande valeur symbolique. Aussi, si l’Espoir ne parvient pas à faire élire tous ses démissionnaires, cela prendrait des allures de catastrophe politique car non seulement des élections générales n’auront pas été tenues mais cette alliance retournerait au Parlement endommagée. 

Enfin, bien que ne prenant pas le risque d’essuyer des défaites dans plusieurs circonscriptions, le MSM se garderait de toute participation aux partielles. Mais cela n’exclut pas une assistance tactique et subtile mais efficace à un camp ou un autre. Le MSM aurait alors à réfléchir sur qui des deux camps représente le moindre mal à ses intérêts. 

C’est ce genre de réflexion à laquelle s’était livré le Premier ministre Navin Ramgoolam en 2009 quand une élection partielle s’annonça dans le No 8. Le dirigeant travailliste avait alors estimé qu’une élection de Pravind Kumar Jugnauth du MSM plutôt que d’Ashock Jugnauth, l’homme de Paul Bérenger, lui conviendrait mieux. C’était au moment de la belle histoire d’amour entre l’Hôtel du gouvernement et le Château du Réduit de sir Anerood Jugnauth. Navin Ramgoolam s’assura alors de l’accès au Parlement du fils Jugnauth. Tout en ouvrant la boîte de Pandore, décision qui lui fut bien néfaste cinq ans après.