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Interrogations festives

26 décembre 2021, 09:04

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Interrogations festives

Ce mercredi, j’avais commencé la chronique comme suit :

«Interrogations.

Il y avait environ 570 000 Mauriciens déjà doublement vaccinés au 30 juin 2021, soit environ 45 % de la population. Peu importe le vaccin utilisé, l’efficacité de tous ces vaccins baisse, certains plus rapidement ou plus fortement que d’autres, dans les 6 mois environ. Comme il n’y avait que 173 009 Mauriciens ayant fait leur ‘booster shot’ au 21 décembre 2021, cela voudrait dire que le nombre de citoyens qui sont adéquatement vaccinés n’est pas nécessairement de 908 920 comme affiché au 21 décembre sur le site de BeSafeMoris, mais en fait le chiffre arrondi de 512 000 seulement (soit 908,920-(570,000-173,009)) ?

Le taux réel de ‘fully vaccinated’ du pays qui est affiché à 71,8 % au 21 décembre serait donc effectivement plus près de 40 % ? Pas nécessairement, non plus…

En fait, si l’on veut faire un calcul plus précis, il faudrait prendre chaque vaccin individuellement avec son taux d’efficacité moyen mois par mois et calculer un taux d’efficacité global au niveau du pays de manière dynamique, booster compris, pour arriver à un chiffre plus utile de ‘functionally vaccinated’.

Ceci serait d’autant plus réaliste dans un pays comme le nôtre, où nous avons utilisé tant de vaccins si différents…»

Dans la même après-midi, le ministre de la Santé, Jagutpal, annonçait que le statut de fully vaccinated ne durerait désormais que six mois et qu’il faudrait obligatoirement faire une 3e dose entre les 4e et 6e mois pour le prolonger. Ce nouveau règlement sous la Quarantine Act entre en vigueur le 15 janvier prochain. Bravo messieurs pour votre initiative ! Petit rayon de soleil dans une semaine bien grisâtre… Même si cela semble entériner deux ou trois vaccins par an, tous les ans !

On peut, par ailleurs, avoir de la sympathie pour le ministre qui plaide que ce n’est pas sa fonction de vérifier la justesse des milliers d’achats effectués annuellement pour le système de santé, allant des médicaments aux victuailles achetées pour les cuisines, des équipements médicaux aux contrats de maintenance ou de construction. Mais son problème est au moins double ici. Il y a eu un tel déficit d’éthique et de gouvernance depuis 2014 que le citoyen est de moins en moins enclin à essayer de comprendre et de plus en plus disposé à condamner et à lyncher. Pensez Pack & Blister. C’est ce qu’on appelle l’usure du pouvoir. Mais d’autre part, il y a aussi la Quarantine Act qui a amoindri les contrôles et les freins face à l’appétit des affairistes et qui érige le ‘certificat d’urgence’ en opportunité de ‘bizness’.

Le ministre n’est peut-être pas coupable, mais il est certainement responsable d’avoir laissé opérer, sous le prétexte de ‘l’urgence’, un système capable de commander trois fois plus de Molnupiravir que requis, à plus cher que ce n’était nécessaire, alors même que l’efficacité du produit dégringolait de 50 % à 30 % !

Et si le ministre ne peut pas, en effet, être responsable de TOUS les achats, n’était-il pas sa responsabilité, au moins, de passer au peigne fin tout ce qui s’achetait (et qui s’achète toujours…) sous le couvert de l’urgence ? Ce qui est sûrement plus l’exception que la règle ?

***

Le mensuel new yorkais Spy faisait une enquête fort intéressante en 1990 pour tenter d’établir les bases scientifiques de l’existence du Père Noël. Si vous en avez déjà connaissance, relisez quand même pour reconfirmer vos convictions.

Le principal défi du Père Noël est de trouver du temps pour livrer ses cadeaux en une seule nuit. S’il voyage d’Est en Ouest, profitant de la rotation du globe, il a 31 heures sans soleil qui lui sont disponibles. En 1990, Spy minimisait l’impact de son calcul en limitant les maisonnées visitées à celle des enfants chrétiens seulement. La situation s’est beaucoup démocratisée depuis, me semble-t-il, d’autant que personne n’a jamais démontré ou même seulement proclamé que le Père Noël relevait de l’autorité du pape !

Admettons donc, version actualisée, que 60 % des enfants de la planète de moins de sept ans (l’âge de raison !) reçoivent au moins un cadeau le soir de Noël, cela fait au moins 600 millions de colis et donc au moins 200 millions de visites à raison de trois enfants par famille. Si les calculs sont bons, cela implique 1 792 visites à la seconde, soit bien moins qu’un millième de seconde pour repérer la bonne maison, se garer, sortir de son traîneau, repérer les cadeaux qui correspondent, se laisser tomber par la cheminée – quand il y en a – les déposer dans les chaussures appropriées, distribuer le reste des présents, boire le jus laissé avec émotion par les enfants la veille, ramasser les carottes pour les rennes du traîneau, remonter dans la cheminée, se remettre en position assise, fouet à la main et redémarrer pour la prochaine maison !

À l’hypothèse que les 200 millions d’arrêts soient repartis équitablement sur le globe (une simplification qui ne prend pas en compte ni les océans, ni les pauses pipi du Père Noël, ni les déserts, ni les pauses carottes des rennes), il y aurait en moyenne, 0,36 miles entre chaque maison et un parcours de 72 522 000 miles – quoique les concentrations de HLM et des bidonvilles auront certainement simplifié la gageure pour Santa, depuis 1990. Ceci veut dire une vitesse moyenne d’environ 650 miles par seconde, ce qui garantirait du renne grillé – que dis-je, carbonisé – dans un grand feu d’artifice multicolore qui durerait malheureusement moins d’une seconde, vu le poids du traîneau chargé de cadeaux et des 430 000 rennes nécessaires pour transporter ne serait-ce que des cadeaux pesant en moyenne 1 kilo chacun – un modeste jeu de Lego, quoi !

Sous ces conditions, le Père Noël ne pourrait pas… faire long feu, c’est sûr !

Conclusion : le Père Noël est sûrement mort ! Est-ce possible que ce soit, avec bien d’autres idées bienveillantes et romantiques aussi ?

*****

En cette période de fêtes, notamment gustatives, il est une question qui mérite d’être posée.

Vu que l’homme que nous connaissons aujourd’hui évolue depuis des millions d’années ; Lucy ayant vécu il y a 3,5 millions d’années et l’homme moderne, homo sapiens ayant émergé il y a 300 000 ans environ et que leurs diètes devaient être particulièrement restreintes et ‘naturelles ‘ ; comment avons-nous fait pour développer des papilles gustatives, et même des ressources olfactives aussi affinées, aussi discriminantes et aussi exigeantes ?

Je n’ai pas trouvé de réponse compréhensive et la recherche ne s’y est intéressée que récemment apparemment (1) parce que pendant longtemps le sens du goût a été associé à nos «bas instincts», la gourmandise ayant même été cataloguée comme un des sept péchés capitaux, alors que nos autres sens, la vue ou l’ouïe, par exemple, étaient exempts de cette contrainte et plus facile à étudier.

Comment est-ce qu’une espèce qui a vécu de racines, de feuilles et de fruits, agrémentés occasionnellement de viande crue ou faisandée pendant des millions d’années, ayant découvert le feu il y a environ un million d’années de cela, probablement d’abord pour se réchauffer d’ailleurs, a soudain trouvé goût à une viande cuite, ou à un bouillon de matières végétales diverses ? Comment est-ce que l’ajout du sel, extrêmement rare dans la brousse, a révolutionné son goût ?

Une partie de la réponse se trouverait dans ce que le goût a évolué pour générer de la satisfaction (c’est au niveau du cerveau que ça se passe…), à partir de ce qui est consommé, ‘récompensant’ en fonction de la consommation, ce qui est bon pour le métabolisme et, à long terme, la survie de l’espèce. Notre goût incarne fondamentalement le fait que nous avons longtemps été un animal sauvage. Au cours des âges, notre palais et notre langue ont appris à distinguer quatre composantes du goût : l’amer, le sucré, le salé et l’aigre. Aujourd’hui, quand on trouve quelque chose ‘bon’, c’est que l’on déclenche une gâchette primaire qui ‘récompense’ en fonction. C’est une thèse généralement acceptée qui explique, par exemple, que nous aimions le sel, car le corps a besoin des minéraux divers et variés qui y sont contenus. Pensez aux salt licks des mammifères ou des papillons ! Le goût du sucre, pense-t-on, est associé à la grande valeur nutritive du miel, même face aux dards des abeilles. L’aigre et l’amer, faisant grimacer, protégeaient de ce qui était moins bon pour le corps. Du moins en grande quantité. Comment nous avons développé un ‘goût’ pour l’aigre-doux, la margoze, un McDo ou le gin tonic reste, pour moi, un mystère ! La trop grande disponibilité moderne de ce que notre goût ancestral recherchait et qui était alors rare (sucre, sel), cause certains de nos problèmes diététiques majeurs (diabète, obésité pour le sucre et les carbohydrates (les glucides) ; rétention d’eau ou maladies cardiovasculaires pour le sel, par exemple).

Le problème est complexe et passionnant. Quand vous aurez trouvé les mécanismes de satisfaction qui expliquent que l’on sirote un Petit Figeac, que certains hument un bon cigare, que d’autres se gavent de foie gras et que d’autres encore préfèrent le parfum du durian, n’oubliez pas de nous expliquer…

Joyeux repas de Noël !

(1) Tasty : The art and science of what we eat, by John McQuaid