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Où avons-nous fauté ?

2 janvier 2022, 09:24

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Pour cette fin d’année, on a pavoisé pour le PRB et pour s’en être sorti de ‘listes’ peu recommandables et bien peu recommandées.

Les bénéficiaires du PRB ne se sont pas posé de questions. Un cadeau de plus, après la CSG qui sera payée par l’employeur qu’est le gouvernement et une pension de plus qui sera donc décaissée éventuellement à tous les serviteurs publics, sans qu’ils y aient contribué, cela ne se discute pas, cela s’encaisse, peu importe les conséquences. Qui seront, bien sûr, pour ‘les autres ‘ ! Les bénéficiaires des ‘sorties de listes’, que ces dernières soient noires, rouge écarlate ou grise n’ont pas d’état d’âme non plus ; par exemple, par rapport à ce qui nous aura menés à figurer sur ces listes de prime abord et ils sont donc retournés aux petits soucis quotidiens qui parsèment l’activité de faire des profits… ou de sauver les meubles. C’est selon…

Mais la toile de fond sur laquelle ces petites satisfactions se déroulent se confirme être, malheureusement, extrêmement inquiétante.

Sur le plan économique, le FMI et la Banque mondiale ne se sont pas cachés pour dire combien la petite pirouette budgétaire de Rs 60 milliards venant de la Banque centrale ne les avait pas du tout impressionnés. Pourtant, avec cet épisode de notre passé récent, ne voilà-t-il pas que le 9 décembre, la Mauritius Investment Company (MIC), alimentée par Rs 80 milliards de fonds publics provenant de la Banque centrale, aurait, selon le mauricien, et confirmé depuis, aligné Rs 25 milliards pour racheter 49 % d’Airport Holdings ltd.

S’il est vrai qu’un gouvernement peut légitimement vendre ses actifs pour générer des revenus, est-ce que le FMI et la Banque mondiale peuvent accepter qu’une telle vente ne se fasse pas ‘at arms length’, mais au moins indirectement… à soi-même ? Il est permis d’en douter ! Le ministère des Finances va sûrement arguer que la MIC et la Banque centrale agissent de manière totalement indépendante et transparente ? On n’en est, malheureusement, pas à une démonstration du contraire près…

Cette transaction de Rs 25 milliards, non dénoncée jusqu’ici à l’officiel, ce qui équivaut à une confirmation pour une transaction aussi matérielle, n’apparaît pourtant pas sur le site web de la MIC aux côtés des Rs 16 milliards, plus modestes, destinées à l’hôtellerie et aux Rs 10,4 milliards alignées pour le secteur «agriculture, sylviculture et pêche». Il faudra pourtant éventuellement essayer de réconcilier cela avec l’affirmation de la MIC, sur son site web, que : «We believe in transparency, independence and good governance…» ?

Ce qui est clair c’est que sans annonce officielle, toutes les spéculations sont possibles.

Il est aussi signalé que ces Rs 25 milliards auraient permis alors au gouvernement de rembourser les Rs 7 milliards avancées par le National Resilience Fund et encore Rs 5 milliards avancées par le Covid-19 Projects Development Fund ; ces avances ayant été nécessaires pour régler les créances dues par Air Mauritius (désormais un ‘actif’ d’Airport Holdings ltd), après le DOCA* approuvé au watershed meeting. Rappelons que 9,5 milliards étaient nécessaires pour payer les créanciers, alignés en trois catégories différentes, autour de 50 % de leurs créances et Rs 2,5 milliards pour redémarrer Air Mauritius. De plus, la balance de Rs 13 milliards aurait alors rendu possible au gouvernement de payer sa dette d’avance au NPF (Rs 11 milliards) et au NSF (Rs 2 milliards) – car, en effet, le remplacement de la NPF par la CSG laissait le NPF avec des obligations futures non couvertes. 

Voilà encore Rs 25 milliards d’obligations publiques qu’on espère ne pas voir sous le chapeau de la dette nationale ?

Cependant, le fait est que dans sa démarche systématique de créer l’illusion que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes et que nous pouvons continuer pareil comme avant, il y a quand même quelques victimes et pas des moindres !

Rappelons, pour commencer la parité de la roupie.

Entre janvier 2020 et aujourd’hui, la roupie s’est affaiblit de 21.8 % face à la livre sterling, de 20,3 % face à l’euro et plus grave pour le prix de nos importations, de 18,1 % face au dollar et 13,6 % face à la roupie indienne. L’étonnant c’est qu’avec, en plus, des commodités en hausse, l’on affiche un taux officiel d’inflation de 2,5 % en 2020 et de 4 % seulement en 2021…Toutefois, cette érosion de la roupie va finir par nous rattraper, c’est certain ! Et il n’est, par ailleurs, pas du tout couru que cette roupie plus compétitive stimule nos exportations par suffisamment pour justifier un tel avachissement de notre monnaie nationale. En revanche, c’est utile pour créer des ‘profits’ théoriques sur nos réserves en devises à la BoM… Utile pour qui ?

Qui peut, par ailleurs, encore s’étonner que le prix de l’essence augmente alors que le gouvernement ne peut pas réduire ses taxes sur ce produit, sauf au coût de déficits budgétaires additionnels, et face à une commodité qui coûte effectivement plus cher sur le marché mondial (+89 % en 1 an), qui coûte plus cher à transporter (le Red Eagle nous aurait-il protégé des fluctuations ‘pandémiques ‘ ?), avec un dollar qui s’est apprécié face à notre roupie…

Par ailleurs, selon le Monthly Statistical Bulletin le plus récent de la Banque centrale, soit celui de novembre, la balance des comptes courants à juin 2021 était déficitaire de Rs 69 milliards, soit presque le double de l’année précédente et plus que le triple de la moyenne depuis 2013 ! L’endettement budgétaire a atteint 100 % du PIB (avant le PRB et malgré l’apport des contributions CSG – cette dernière étant payable en juillet 2023 seulement). Le déficit commercial est à Rs 120 milliards, les importations ayant augmenté de Rs 32 milliards depuis 2013 alors que les exportations flanchaient par Rs 10 milliards sur la même période…

C’est plutôt effrayant tout ça !

S’il est clair que notre environnement économique a souffert des effets collatéraux ‘exceptionnels’ de la pandémie, le gouvernement a aussi fauté en gardant les frontières fermées bien trop longtemps**, en plombant plutôt allègrement les finances nationales en amont du Covid, en y rajoutant les promesses électorales sur la pension et le poids de la CSG, en ne réduisant pas le train de vie des ministères par 9 %, comme évoqué en 2020... Tout cela aurait pu avoir été géré autrement et nous aurions alors été moins gênés aux entournures…

Mais il n’y a pas que l’économie, pour importante qu’elle soit.

Sur le plan de la démocratie, nous avons vu voter des lois liberticides comme l’IBA Act , avons dû constater et avaler le fait que le parlement ne fonctionne plus comme il le devrait ( questions bafouées ou sans réponse, speakership adultéré et partisan) ; nous avons constaté que la MBC croit pouvoir censurer ce qui gênerait l’image factice véhiculée à l’officiel que «tout va très bien Madame la marquise» dans la même semaine où l’on reproche à TOP FM un manque d’équilibre des débats organisés sur… l’IBA ACT, notons le boycott constant de l’opinion et des médias libres ! C’est gros tout ça, mais le pire, c’est qu’à un moment où il faut unifier, en expliquant, on choisisse plutôt le tribalisme et l’on favorise l’opacité a la place de la transparence. C’est une faute impardonnable. Qui divise, qui sème le doute, qui fait perdre confiance et qui handicape le pays.

Ajoutons-y les ‘affaires’ de toute nature, les passe-droits, l’affairisme, les gaspillages, les manœuvres dilatoires, le népotisme, tous invasifs, décadents, systémiques et nous aurons le troisième volet des fautes graves ; car pas à pas, la nation s’habitue, prend exemple, et se laisse même parfois convaincre par cette véritable culture de la médiocrité et du chienlit.


*DOCA: Deed of Company Arrangement

** Pour rappel, les Maldives rouvraient leurs frontières en juillet 2020 et les Seychelles en février 2021. Si seulement notre politique de zéro Covid, avec une ouverture du ciel tardive et tellement coûteuse, nous avait évité autant de mortalités que constatées ! Mais, en fin de compte, nous avons payé sur les deux tableaux !