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Clivages politiques

10 janvier 2022, 10:14

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Quand un homme politique se retrouve en campagne électorale, et joue sa réélection, il cherche à cliver l’électorat. C’est ce qu’a cyniquement fait, cette semaine, Emmanuel Macron en montant les vaccinés contre les anti-vax — voir, ci-contre, la rubrique Il a dit.

Faire de la politique, c’est d’abord cliver et polariser, et une fois le pouvoir obtenu, on cherche alors à rassembler. Et quand vient l’heure d’aller affronter l’électorat de nouveau, il faut taper fort (verbalement) et monter les uns contre les autres. Les sondages ayant révélé que le Covid-19 demeure la préoccupation majeure des Français et que les vaccinés sont bien plus nombreux que les anti-vax, il n’a pas été difficile pour que Macron choisisse son camp, en insinuant que ceux qui ne sont pas vaccinés ne sont pas dignes d’être des… citoyens.

Le Covid-19 s’érige en paradigme aujourd’hui, comme hier George Bush Jr avait fait de la guerre contre le terrorisme, dans le sillage des attentats du World Trade Center, sa priorité absolue. Le Covid-19 est ainsi devenu, ces temps-ci, le prisme par lequel l’action gouvernementale est jugée. S’appuyant, comme la guerre, sur la peur, la pandémie relègue les autres thématiques aux plans inférieurs. Ainsi en France l’identité française, chère à Marine Le Pen et Eric Zemmour, devient un sous-thème face à la pandémie.

Dans Heaven in Disorder, le philosophe Slavoj Zizek avance que le chaos actuel ne pourra pas durer éternellement. Il parle de la pandémie qui ne s’essouffle toujours pas, le capitalisme et les inégalités qu’il génère, le dérèglement climatique, et le discours politique post-Truth. Il maintient que le monde peut sortir de la crise durable en remettant au goût du jour… le socialisme.

«One of Mao Zedong’s best-known sayings is: ‘There is great disorder under heaven; the situation is excellent.’ It is easy to understand what Mao meant here: when the existing social order is disintegrating, the ensuing chaos offers revolutionary forces a great chance to act decisively and take political power. Today, there certainly is great disorder under heaven, with the Covid-19 pandemic, global warming, signs of a new Cold War, and the eruption of popular protests and social antagonisms worldwide naming but a few of the crises that beset us. But does this chaos still make the situation excellent, or is the danger of self-destruction too high? The difference between the situation that Mao had in mind and our own situation can be best rendered by a tiny terminological distinction. Mao speaks about disorder under heaven, wherein «heaven,» or the big Other in whatever form—the inexorable logic of historical processes, the laws of social development— still exists and discreetly regulates social chaos. Today, we should talk about heaven itself as being in disorder…», écrit-il dans son dernier livre qui mérite d’être lu par nos apprentis-révolutionnaires. Qui veulent barrer la route au régime de plus en plus autoritaire qui nous gouverne.

En voyant les fonds mirobolants qui sont puisés des coffres quasi communes de la Banque centrale Mauritius Investment Corporation pour être redirigés vers Airport Holdings et d’autres entités où l’État détient des parts, il devient clair que Maurice est dans la situation d’un Welfare State «gone wrong».

Depuis près d’un demi-siècle, notre politique économique a été surtout la poursuite d’une redistribution de richesse afin d’accéder au paradis de l’État providence. Le monde était divisé en deux : les gros méchants, source intarissable de taxes et les ti-dimounn, qui devaient manifester aux gouvernants une reconnaissance éternelle.

Dans les années 80, comme on n’avait pas trouvé du pétrole sur les bancs de Saya de Malha :1) Le budget de l’État puisait des richesses nationales pour les redistribuer en largesses improductives. 2) Il n’y avait qu’une fraction qui restait pour créer des richesses additionnelles. 3) Avec une pression fiscale «absurde», personne ne voulait se lancer pour augmenter le gâteau national. 4) La balance de paiement devint fortement déficitaire ; ce qui entraîna deux douloureuses dévaluations. 5) Avec une démographie galopante (qui n’allait pas de pair avec les infrastructures et travaux publics), le chômage prit des proportions alarmantes.

Pour redresser le cap, le remède était connu : l’économie avait besoin de consommation et davantage de production. Pour sortir de la crise, l’express du Dr Forget prescrivait des investissements pour accroître les exportations et les produits de substitution; des emplois productifs et permanents qui vont générer d’autres emplois («grâce à l’effet multiplicateur»); moins de dépenses pour canaliser les économies vers l’investissement ; moins d’importations énergétiques et davantage de développement des sources d’énergie indigènes et renouvelables (solaire et éolienne) ainsi que celui des ressources négligées (lagon, mer, barachois)…

Nous sommes en 2022. Pravind Jugnauth a promis au monde, lors de la COP 26, de virer au vert, mais il fait exactement le contraire en revenant ici, en se pliant devant l’or noir ! Qui, selon lui, ne va pas encourager la corruption déjà bien implantée, mais qui pourrait, toujours selon lui, compenser notre décroissance économique. Quand cela ne marchera pas, il pourra alors cliver le peuple à sa guise, en agitant la fibre communale, et peut-être même en disant, comme son père, «Je vous emmerde !»…