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Les défis du pays en 2022
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Les défis du pays en 2022
Dans son avant-propos au rapport annuel de la Banque de Maurice au 30 juin 2021 (notons que la lettre de couverture par laquelle ce document est transmis au ministre des Finances est datée du 27 octobre, alors que le rapport est lui-même rendu public seulement le 7 décembre), le gouverneur, Harvesh Seegolam, reconnaît que «inflation has been on the rise lately», mais explique que cette inflation est le résultat de «supply side factors» telles les perturbations engendrées par la pandémie sur les chaînes d’approvisionnement, l’augmentation du prix des commodités, de l’énergie et du fret. Il postule même qu’avec une normalisation des conditions sanitaires, ces pressions évidemment très réelles côté ‘offre’ vont fléchir et réduire les pressions inflationnistes.
Cependant pas un seul mot n’est écrit par lui à propos de la dépréciation de la roupie qui en rajoute pourtant définitivement aux coûts de ce que nous importons. Il faut attendre le 5e paragraphe, à la page 27, pour y voir une référence dans le rapport annuel. Pourtant, notre note d’importation se situe déjà à presque Rs 200 milliards en 2021 (avec Rs 120 milliards de déficit) et en un an, depuis janvier 2021, il faut 21,8 % plus de roupies pour acheter une livre sterling, 20,3 % de plus pour un euro, 18,1 % de plus pour un dollar et 13,6 % pour une roupie indienne. Ce n’est pas de la tarte tout ça et l’inflation va mordre de plus en plus, c’est à peu près certain, même si on utilise l’artifice des subsides de toutes sortes et qu’on essaie d’aligner des importations moins chères parce que de qualité ‘différente’, style Amul.
L’inflation, qui mord déjà depuis l’an dernier, sera le défi principal de ceux qui nous dirigent cette année.
Mais il n’y a pas que cela malheureusement.
Plus de la moitié des ressources de la MIC est déjà engagée à ce stade. En effet, aux Rs 24,872 milliards déjà approuvées au 30 juin 2021 (dont Rs 400 millions éventuellement refusées par Lux Collective et Island Resorts Ltd), il faut maintenant au moins ajouter les Rs 25 milliards injectées dans Airport Holdings Ltd en décembre. Cependant, très peu de ces deux montants va assurer du développement, à proprement parler ! En effet, les Rs 25 milliards d’AHL aident directement à baisser les engagements et l’endettement du gouvernement (et il reste à démontrer que cela obtiendra l’assentiment du FMI et de la BM, selon leurs normes de ce qui constitue des sources de financement ‘légitimes’ pour un gouvernement), alors que les montants engagés dans l’hôtellerie ou la zone franche (voir la liste ci-jointe) sont essentiellement défensifs de nature, aidant à boucher divers trous et combler une partie des pertes causées par la pandémie et la fermeture bien trop prolongée du pays depuis mars 2020.
Le but premier de la MIC était bien raisonnablement de soutenir et de protéger les compagnies systémiquement importantes pour le pays afin de mieux protéger le système bancaire dont la BoM a la responsabilité. On y a depuis ajouté, si l’on se réfère au premier rapport annuel de la MIC à juin 2021, l’objectif d’investir dans des compagnies qui assurent au pays ses Basic necessities ou dans celles qui sont Smart and innovation driven ou encore dans celles fournissant une rentabilité dans des Key strategic assets localement ou dans la région.
Si Ava Techno Park (Rs 350 M) représente du développement a priori innovant, est-ce que l’investissement effectivement confirmé dans le ‘Luxury Retirement Village’ (Rs 350 millions) ou Akai Fisheries (Rs 250 M) ou la Ferme Marine de Mahébourg (Rs 150 M), à défaut d’être des Key strategic assets ou d’être particulièrement smart et innovants, assurent nos Basic necessities ? La pomme de terre ou les gâteaux piments feraient-ils partie de nos Basic necessities ? Et selon quels critères a-t-on retenu les projets de Sharma Ltd – aucun C/A et un bilan, que l’on présume relevant de l’audio-visuel, laminé – (Rs 400 M) ou de La Trobe Ltd – Rs 325 M de C/A – (Rs 175 M) ? Ce serait intéressant de comprendre…
«L’inflation, qui mord déjà depuis l’an dernier, sera le défi principal de ceux qui nous dirigent cette année»
Ce qui est certain, c’est que la MIC ne peut justifier Rs 25 milliards dans AHL qu’au motif que c’est un Key strategic asset. Reste à démontrer que c’est effectivement ‘rentable’ avec Air Mauritius dans l’équation… Ce qui est aussi illustré, c’est combien la promesse du ‘one-off’ annoncé pour les Rs 60 milliards destinées au budget gouvernemental en 2020 est impossible à tenir : une fois que l’on y a goûté, comme une drogue dure, impossible de ne pas y revenir semble-t-il… ce qui ne va sûrement pas échapper à Moody’s !
Par ailleurs, la projection budgétaire déjà optimiste du ministre des Finances pour 650 000 touristes à juin 2022 ne sera sûrement pas atteinte maintenant, la période faste de fin d’année ayant été passablement secouée par Omicron, notre décision stupide de fermer la porte aux Sud-Africains, l’épisode tout aussi stupide de la liste rouge-écarlate (comme ci que c’était envisageable d’empêcher l’Omicron de voyager… La preuve !) et la restriction de voyage maintenue un temps par La Réunion. Le résultat en est que nous n’avons accueilli que 170 320 touristes à Plaisance depuis le 1er octobre au lieu des 350 000 escomptés, soit seulement 49 % de l’objectif visé. Cela va évidemment avoir des conséquences sur le Budget, sur la balance des paiements, sur le bilan des compagnies hôtelières et peut-être même sur les provisions bancaires ; la politique correctement accommodante de la Banque centrale jusqu’ici pouvant mener à des effets pervers à terme si elle traîne trop. Enlever ces mesures accommodantes trop brusquement comporte aussi des risques, bien évidemment. Trouver le bon équilibre et, à terme, des cash-flows permettant de repayer les dettes raisonnablement, voilà qui va sans doute faire l’objet de bien des discussions cette année ! Espérons des solutions plutôt !
Cela fait maintenant presque deux ans que nous sommes englués dans une pandémie. Deux lockdowns et 18 mois sans aéroport plus tard, notre pays de ‘poules mouillées’ est fatigué, amoindri et n’a pas nécessairement pris ses leçons. Prenons, par exemple, le discours du Premier ministre pour marquer la nouvelle année qui annonce des gâteries, des subventions, un nouveau jour de congé, mais aucune contrition, aucun changement d’approche à celle d’un tribalisme plutôt primaire et au culte de l’opacité. On attend toujours, par exemple, la quantification détaillée de l’opération CSG, y compris sa composante de coûts laissés derrière à la NPF/NSF. Toujours rien. On attend toujours la quantification détaillée de ce que coûte le métro opérationnellement, de ce que la fermeture de la BAI a coûté au Trésor public, de ce que nous a coûté la rupture intempestive de contrat avec le Red Eagle, des droits qu’aura acquis le gouvernement indien à Agalega en contrepartie d’y avoir financé un quai moderne et une piste d’atterrissage de 3 000 mètres de long. Car rien n’est gratuit en ce bas monde. On ferme toujours l’école. Pourquoi ?
Eux, ceux qui gouvernent, ce ne sont pourtant que les représentants de la population, mais ils se conduisent comme s’ils nous possédaient. Peut-être bien que c’est le cas et qu’ils nous ont déjà possédés ? L’opacité a cependant un coût, comme ils le savent, car en l’absence de faits, on peut spéculer et fabuler sans limite, d’Angus Road à Pack n Blister à Dufry/Heinemann à Molnupiravir… Enquête de l’ICAC ou pas.
De la transparence pourrait, par contre, ramener la confiance et permettre de mobiliser une nation réconciliée. On verra bien s’ils sont capables de s’adapter aux exigences et aux défis du moment ! Le pays, affaibli et méfiant, en a terriblement besoin pour sortir de sa lente glissade vers l’enfer…
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