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31 janvier 2022, 16:23

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Quinze mois après la découverte du corps calciné de l’activiste MSM, Soopramanien Kistnen, la police, qui avait d’abord conclu à un suicide !, retrouve le dossier après une longue et minutieuse enquête judiciaire (qui aura, elle, duré sept mois) et des recommandations du DPP sur la base des faits mis en avant par la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath. Tout pointe vers un homicide sur le papier, mais est-ce une bonne chose de retourner le dossier vers les mêmes enquêteurs qui ne voulaient pas privilégier la thèse de foul play et qui n’avaient pas pris au sérieux les dépositions initiales de la veuve Kistnen – ce qui a alors déclenché l’enquête judiciaire par le DPP, qui avait été informé des zones d’ombre autour de cette sinistre affaire qui n’en finit pas de nous hanter.

Mais avec ce nouveau développement, ne va-t-on pas tourner en rond ? N’est-ce pas l’heure de relancer le débat sur des juges ou magistrats d’instruction qui pourraient encadrer, comme il le faut, des policiers, afin qu’ils restent dans les paramètres des codes civil et pénal, et à l’abri de l’ingérence politicienne ?

Quand vous avez un exécutif qui voulait abolir l’indépendance du DPP à travers le Prosecution Bill, devrait-on s’attendre à ce que la police collabore pleinement dans une affaire qui concerne directement le MSM et un ex-ministre du gouvernement, par ailleurs colistier du Premier ministre ?

Si, au fil des actualités et des années, on a fini par s’habituer aux scandales impliquant des membres du gouvernement, l’on a clairement franchi, avec l’affaire Kistnen, une ligne rouge, tant l’intrigue, la trame, les acteurs interpellent.

Les terribles révélations qui remontent à la surface depuis le 18 octobre 2020, quand Kistnen est retrouvé mort brûlé (vif ?) dans un champ de cannes, les pieds nus, et sans son téléphone, sont venues exposer les liens mafieux qui existent entre le pouvoir et ceux qui gravitent autour du pouvoir et des institutions publiques. Elles jettent une lumière crue, en particulier, sur les relations entre ministres et leurs agents politiques, qui se croient souvent au-dessus des lois du commun des mortels.

Récemment, l’affaire Molnupiravir vient confirmer l’affairisme ambiant autour des contrats publics. Le modus operandi est connu : des appels d’offres sont lancés sous les procédures d’urgence pour l’achat des équipements médicaux ou la fourniture des médicaments ou des masques sanitaires durant la pandémie, avec la complicité experte de plusieurs ministères et fonctionnaires, des compagnies, contrats et emplois fictifs, du trafic d’influence, de la corruption (petite et grande), de l’enrichissement illicite et des courriels qui disparaissent. Ce n’est pas fini : il y a aussi comme ingrédients le rôle ambigu de la police et l’état des caméras de Safe City, les agissements des gardes du corps, les dessous de table, les instructions criminelles, les élections et les moeurs électorales, une justice à vitesses multiples, avec la commission anti-corruption qui saisit des documents qu’elle refuse ensuite de partager, y compris quand le bureau de l’Audit les réclame...

La pandémie est révélatrice des dérives pouvoiristes et des pratiques mafieuses de chez nous. L’impossibilité de résoudre le crime odieux qui a coûté la vie à Soopramanien Kistnen est la preuve que le système est vicié, malgré la détermination de plusieurs de faire triompher, enfin, la vérité.