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L’année de la vie chère

9 février 2022, 14:46

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Après le passage de Batsirai, il devient un peu plus difficile de croire que 2022 soit l’année de sortie de la crise, des investissements, des chantiers, des emplois et de l’eau 24/7. Elle risque, selon des signes avant-coureurs, d’être surtout l’année de la roupie faible, de la vie chère et des porte-monnaie vides et d’un malaise social grandissant.

Dépendant de leurs intérêts ou du cash-flow de leur groupe, certains capitaines du privé et gros employeurs nous diront, tantôt, de ne pas trop se focaliser sur l’inflation, tantôt, de la gérer avec beaucoup de circonspection. Ayant reçu ces messages contradictoires, le gouvernement tentera alors de répondre à tous les appels et lobbies, ce qui n’est pas possible, surtout qu’il n’a plus de marge de manœuvre possible, sauf, peut-être, s’il consent à réduire son train de vie princier, par exemple en changeant sa flotte de grosses cylindrées de chez Leal pour de petites ou moyennes voitures électriques, à l’image de l’autobus qui a impressionné, quelque peu sur le tard, Pravind Jugnauth.

Le peuple qui souffre semble en avoir assez de tolérer les largesses que se paient les locataires de l’hôtel du gouvernement avec ses sous de contribuable. L’épisode McLaren, qui a provoqué à tort des critiques acerbes contre les princes qui nous gouvernent, témoigne en fait du profond malaise social qui s’est installé depuis que certains ont profité des procédures d’achat d’urgence pour s’en mettre plein les poches. Depuis l’éclatement de l’affaire Kistnen, qui a mis à nu les mœurs affairistes et électorales en cours, les nerfs sont désormais à vif. Nul besoin d’attendre le prochain coefficient de Gini pour confirmer que les écarts et les inégalités se creusent avec l’inflation et la pandémie.

Alors que certains peuvent s’estimer riches quand la valeur de leurs actifs augmente, nous ne devrions pas confondre les fausses allures du succès avec le succès en soi. Les gens peuvent emprunter et dépenser et se sentir riches, mais c’est à cause des garanties qui sous-tendent leurs emprunts. Au fur et à mesure que le fardeau de la dette augmente, cela entraîne des remboursements de la dette qui deviennent de plus en plus importants, et éventuellement on finit par atteindre un sommet, comme ce fut le cas avec la crise financière mondiale de 2008, avec le Japon en 1989 ou pendant la Grande Dépression en 1929. À ce stade, les dépenses régressent, les emprunts stagnent, les revenus chutent, l’investissement dans l’économie baisse, la valeur des actifs régresse, les marchés boursiers s’effondrent… Et les tensions sociales ne peuvent qu’augmenter.

Cela ressemble de plus en plus à ce qui se passe aujourd’hui chez nous.

Le secteur privé avait déjà des soucis au niveau du cash-flow et de la liquidité bien avant 2020. L’investissement privé local était relativement assez faible. Grâce à la dette et à l’aide étrangère, le gouvernement avait essayé de stimuler la consommation avec, par exemple, l’augmentation des pensions et l’instauration du salaire minimum. Il a aussi essayé d’investir tant bien que mal dans les infrastructures publiques. Nous avons aussi essayé de vendre plus de villas aux étrangers. Le secteur privé a essayé de tirer avantage de l’excès de liquidités sur le marché financier en émettant des obligations et en restructurant sa dette (de court terme à long terme). Le Covid-19 a tout simplement fait empirer les choses. À ce stade du cycle de la dette à long terme, les taux d’intérêt ne peuvent plus être utilisés comme outil afin de stimuler l’économie car ils sont déjà très bas. La différence entre une récession et un désendettement tel que nous le vivons c’est que le fardeau de la dette est trop lourd et ne peut être allégé par une baisse des taux d’intérêt, nous expliquait le financier Sameer Sharma dans une récente interview.

Quelques évidences demeurent têtues et le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque centrale ne peuvent plus jouer à l’autruche en évitant les questions qui fâchent. I) La roupie a perdu 20 % de sa valeur en deux ans, les marchandises coûtent plus cher, ainsi que le fret et le pétrole. Les chaînes logistiques sont perturbées. Comment alors atténuer l’inflation ? II) La balance commerciale est mauvaise, la balance des comptes courants aussi. Qu’est-ce qui va nous apporter des devises pour équilibrer la balance des paiements ? L’offshore ou des secteurs émergents ? III) La dette gouvernementale s’élève à quelque 100 % du PIB et la BoM a mobilisé Rs 80 milliards pour la MIC et Rs 78 milliards en faveur du gouvernement. Reste-t-il une marge de manœuvre en cas de catastrophe future (pandémie, cyclone, etc.) ? Les tours de passe-passe sont finis et on ne voit toujours pas le début du miracle.