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Qui sont les vrais militants ?
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Qui sont les vrais militants ?
La pétition électorale du numéro 19 et le recomptage subséquent n’ont pas fini de provoquer des remous tant sur le plan politique que sur le plan institutionnel.
On l’aura compris. Il s’agit d’abord et avant tout d’une bataille personnelle entre deux hommes qui se disputent l’héritage d’un MMM qui rétrécit comme une peau de chagrin au soleil. Une victoire de Jenny Adebiro lors du recomptage aurait contribué à évincer Ivan Collendavelloo de l’échiquier, terni la victoire du MSM dans d’autres circonscriptions, entaché davantage la commission électorale et embarrassé le régime, qui a été porté au pouvoir par 37 % des suffrages seulement. Paradoxalement, elle aurait aussi gêné le MMM qui ne croyait/croit pas vraiment aux pétitions électorales et qui a choisi de suivre Navin Ramgoolam davantage par complaisance que par conviction. Histoire de faciliter un rapprochement.
Au contraire, avec une confirmation de sa victoire de 2019, Ivan Collendavelloo est sorti ragaillardi du recomptage. D’humeur taquine, il est manifestement prêt à sortir de son mutisme et à en découdre afin de reprendre le flambeau de la supposée lutte militante des mains d’autres seconds couteaux comme Ganoo, Obeegadoo et Ramano, qui ont adapté les valeurs du militantisme à la sauce du Sun Trust.
Contrairement à Atma Bumma, qui veut nous faire croire que Pravind Jugnauth est le seul bâtisseur à l’oeuvre à Maurice, Jenny Adebiro n’a pas encore flatté le leader du MSM. Elle surfe pour le moment sur le fait que Paul Bérenger et ses suiveurs ne semblent pas intéressés à aller jusqu’au bout des anomalies électorales notées lors du recomptage, malgré la détermination d’un Reza Uteem, quelque peu isolé.
Si, face à la presse hier, Adebiro n’a pas mâché ses mots par rapport à l’absence de démocratie à l’intérieur du MMM, elle se garde bien de souligner le fait que sa démission du MMM signifie la fin de toute éventuelle procédure de contestation de l’exercice de recomptage. Affaire classée.
En attendant, Jenny Adebiro dit vouloir se consacrer à son bébé et à sa vie personnelle. Après son congé de maternité, l’on saura alors si elle va rejoindre l’écurie du MSM, comme tant d’autres avant elle. Si elle le fait, cela va confirmer la mort de l’idéologie en politique puisque tout ou presque se négocie à l’autel «Money Politics». Si Adebiro arrive à prouver qu’elle n’est aucunement à la recherche de son «boute», alors le rapprochement imminent entre le PTr (qui rejette les derniers résultats des législatives de 2019) et le MMM (qui respecte le verdict des urnes) risque d’être durablement compromis. Car ce serait encore une fois une alliance artificielle.
***
Nous vivons dans un désert intellectuel. La méritocratie n’a pratiquement plus sa place chez nous car elle est en manque de militants authentiques comme il en existait avant. C’est le résultat du fait que les mêmes patronymes s’alternent au pouvoir sous nos yeux blasés. C’est aussi pourquoi les fils à papa et les filles à papa, aidés par une clique de flagorneurs et de profiteurs, poussent comme des champignons dans notre arrière-cour de préjugés. Pourtant le désir d’une vraie alternance, la soif de la démocratie et d’un État de droit demeurent une aspiration universelle, surtout pour un pays qui a vécu sous le diktat de trois ou quatre familles politiques depuis un demisiècle d’indépendance.
Nous nous tirons, en fait, une balle dans le pied après chaque élection générale. Seules 50 % de nos ressources humaines – déjà rares – sont mises à contribution, et les autres 50 % sont ostracisées ou occultées de notre équation nationale. On aime se tenir sur une seule jambe et regarder avec un seul oeil. Puis vient l’alternance. Ce que nous appelons changement. Nous changeons alors de pied et d’oeil – mais toujours un seul pied, et un seul oeil à la fois. Jamais les deux en même temps pour mieux marcher ou pour mieux voir.
Nous prenons plaisir à nous amputer ainsi de nos moyens. Dès lors comment voulezvous qu’on sorte de la mélasse, surtout que nous n’avons pas de ressources naturelles comme d’autres pays ? Deux exemples : les dossiers Chagos et Agalega. Alors qu’il nous faut présenter un front uni face aux intérêts étrangers, l’on assiste, surtout, à un duel sans merci entre les deux dynasties : Ramgoolam et Jugnauth, avec l’arbitrage souvent opportuniste du MMM. Pas de trêve possible ici. Elles ont réussi à couper Maurice en deux et s’invectivent en permanence, en faisant monter la tension dans le pays.
Si les attaques sous la ceinture entre la bande à Pravind Jugnauth et celle de Navin Ramgoolam sont de plus en plus nombreuses, nos voix citoyennes, elles, demeurent plus ou moins silencieuses dans l’espace public agité par les tapageurs politiciens qui donnent l’impression de tout maîtriser alors qu’ils sont surtout des représentations ethniques ou patronymiques pour la plupart, avec pas grand-chose, pour beaucoup, dans la tête. Mais qu’à cela ne tienne, la grosse majorité d’entre nous préfèrent rester muets et regarder ailleurs. C’est plus facile de se taire, de profiter de son week-end, en famille, entre voisins, ou, encore, à palabrer sur des gens qu’on ne connaît même pas. Et puis de critiquer sur la Toile (comme pour se vider de sa frustration). Pourtant, la critique sociale, la vraie, est incontournable si l’on veut s’ériger en un peuple «smart» au lieu d’être un pays peuplé de «smart cities» en béton armé.
Pour garantir un développement durable et réduire les inégalités, nous ne pouvons que regretter le manque de cohérence de nos acteurs politiques. Si les politiciens qui composent le gouvernement et l’opposition nous ont (suffisamment) démontré qu’ils jouent au même jeu de chaises musicales, l’opinion publique, elle, a le devoir de s’assurer qu’on ne perpétue pas l’immobilisme, en prenant les mêmes et en les réalignant mandat après mandat, sans restriction aucune. Il nous faut lutter contre les inamovibles et les dynasties ou le règne sans partage au sein des partis politiques. S’il n’y a pas de démocratie au sein des partis, ou s’il y a une forme de démocratie qui maintient un leader ou une famille aux commandes pendant cinq décennies, alors il faut revoir tout le fonctionnement sans tarder. La méritocratie doit prendre le pas sur le règne des dynasties et des chatwas.
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