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Nos carences maritimes

25 février 2022, 09:07

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Le 25 juillet 2020, quand le Wakashio, un mastodonte en acier, vient lourdement s’imbriquer dans la frêle barrière de corail qui protège Pointe-d’Esny, aucun radar, aucun service, aucune police, ne l’avait vu venir. Et alors que les autorités s’adonnaient à d’autres activités, des citoyens riverains, sous le choc d’un tel naufrage, sont les premiers à informer le reste du pays. Le désastre écologique qui s’est ensuivi, provoqué largement par l’immobilisme, l’incompétence, l’irresponsabilité des autorités, relevait de la négligence criminelle, a fini par conclure l’opinion publique, malgré les vaines tentatives gouvernementales de se dédouaner, avec des «Akot mon foté ?» qui n’ont pas fait rire. 

Pratiquement deux ans après l’épisode Wakashio, le naufrage du Tresta Star à La Réunion et, maintenant, le triple échouement en tête de rade viennent nous rappeler que les leçons n’ont pas été apprises ! Et ce, malgré l’échouement du remorqueur Sir Gaëtan appartenant à la Mauritius Ports Authority (qui a provoqué mort d’hommes) et les enquêtes y relatives. On ne s’est pas encore ressaisi. 

En attendant, nos confrères de La Réunion, qui ne battent jamais de pavillon de complaisance, questionnent les carences mauriciennes en matière de sécurité maritime. Le Tresta Star illustre, selon eux, le fait que nos carences à nous s’avèrent une menace pour eux. «Maurice étant un pavillon de complaisance, «open registry», il y est facile d’opérer des bateaux avec des équipages cosmopolites, à peu de frais, sans trop d’impôts et d’ennuis administratifs, ainsi le Tresta Star était doté d’un équipage composé de sept marins indiens et quatre marins bangladeshis, totalement dévoués à son armateur indien, lequel sous-traite la gestion et la paie du personnel à une autre société, Amba Shipping and Logistics PVT Ltd…On trouve là le genre de montages en poupées russes qui permettent de délayer les responsabilités dans le cadre d’activité vouées à l’optimisation fiscale», écrivent-ils. Il nous est difficile de leur répondre surtout quand nos lacunes sautent aux yeux. 

Pourtant, cela fait des décennies que l’on affiche nos ambitions d’Etat-océan en discourant sur l’ «industrie océanique» ou l’«économie bleue». Pour un pays comme Maurice, qui entend reconquérir les Chagos à bord du Bleu de Nîmes, alors même que la 3e guerre mondiale se prépare, il faut impérativement une stratégie maritime globale pouvant nous permettre d’utiliser pleinement nos amples ressources maritimes afin de parvenir à un développement durable. Cependant, il ne faut pas être naïf : cela restera dans le domaine du rêve si on n’arrive pas à évaluer les différentes menaces de sécurité émanant du domaine maritime. 

Outre la surveillance de nos côtes, les diverses menaces comprennent la pêche illégale, non déclarée et non réglementée; le vol de ressources («bois de rose»); le trafic d’êtres humains et de biens, notamment d’armes et de stupéfiants; l’immigration illégale; la piraterie et l’insécurité des voies de navigation ; le blanchiment d’argent; le changement climatique et l’érosion côtière; et la dégradation de l’environnement, qui comprend les pratiques de pêche imprudentes et destructrices, le déversement illégal (y compris les déchets toxiques), la pollution et les déversements de pétrole et de produits chimiques, entre autres. 

Au-delà de ces menaces tangibles, il y a aussi des défis de capacité de l’État, comme c’est évidemment le cas pour nous. En règle générale, les dirigeants de notre sousrégion, hormis peut-être ceux de La Réunion, manquent de plans d’urgence réalisables pour faire face aux menaces maritimes. Cette faiblesse institutionnelle est encore aggravée par les défis structurels liés à l’immaturité politique et la corruption. Bien que ces questions puissent vous sembler éloignées du domaine maritime immédiat, elles ont des effets très réels et tangibles sur la sûreté et la sécurité maritimes et la capacité à concevoir des stratégies maritimes réalisables.

Outre ces menaces maritimes directes et ces défis institutionnels, d’autres défis doivent être pris en compte : la sous-surveillance chronique par les États de leurs eaux territoriales et de leurs zones économiques exclusives (ZEE) ; l’incapacité de nombreux États à équiper et à maintenir une force maritime capable ; les obligations internationales telles que la sécurité maritime et les capacités de recherche et de sauvetage ; une mauvaise coordination et communication entre les acteurs du domaine maritime ; et le manque de volonté politique des gouvernements pour établir des priorités et engager des ressources dans cette entreprise, qui est en concurrence pour des ressources rares avec d’autres priorités nationales et régionales...