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Quelques pages d’histoire

20 mars 2022, 09:07

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Quelques pages d’histoire

L’histoire est un perpétuel recommencement et c’est pourquoi Karl Marx insistait que «celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre». Cependant, le monde moderne n’est pas très excité à l’idée de relire l’histoire, car c’est souvent inconfortable et révélateur d’êtres humains pas toujours reluisants et que l’on espérait disparus dans les méandres du passé, avec l’avènement des conforts de la globalisation et de la société de consommation. Ça va d’ailleurs être pire avec la promesse des mondes virtuels du métavers ! (NdlR, monde virtuel; le terme est régulièrement utilisé pour décrire une future version d’Internet où des espaces virtuels, persistants et partagés, sont accessibles via interaction 3D). 

Or ces hommes de l’histoire, c’est nous-mêmes et sous un vernis quelque peu satiné, nous ne changeons pas beaucoup ! Nous et surtout nos dirigeants, sommes toujours des bêtes, avides de pouvoir, friands de conquêtes et de reconnaissance, machos invétérés, même si on est souvent mieux déguisé. On a beau prétendre connaître l’histoire, on la revit pourtant sans cesse ! Il est aussi vrai que l’histoire est parfois réécrite par certains pour tenter de se justifier… 

L’Europe est en état de choc depuis l’invasion de l’Ukraine. Elle avait jugé que la guerre ne pouvait plus jamais prendre corps sur le vieux continent. Les coups de boutoir de Trump avaient même mené Macron à décréter que l’OTAN était en état de «mort cérébrale». Maintenant, on sait, à nouveau, que la guerre en Europe est possible. Pardon ! J’oubliais ! Ce n’est pas une «guerre», mais une «opération militaire spéciale»… La distinction n’étant pas très évidente, la Douma russe vient de voter une loi promettant jusqu’à 15 ans de prison à quiconque qualifierait ce conflit de ce qu’il est, en fait : une invasion et une guerre ! 

L’Holodomor, vous connaissez ? Cela s’est passé en 1932 /33. La République d’Ukraine était alors décimée par une terrible famine, à la volonté d’un homme : Staline ! (*)

Dans les années 1920-30, l’Ukraine est la vitrine paisible de la jeune Union soviétique. Au-delà de ses riches terres céréalières, l’Ukraine est en pleine expansion industrielle. À cette époque, elle représente 22,5 % de l’exploitation agricole de l’URSS et 18 % de sa production industrielle. La Nouvelle Politique Économique instituée par Lénine en 1921 permet même un retour à la propriété privée, notamment des paysans. La langue ukrainienne est reconnue à l’école et dans les universités. Tout baigne. 

En 1924, quand Staline prend les rênes, il ferme cette parenthèse et nationalise les activités économiques. Son souci ? Que ces libertés de marché, pour limitées qu’elles soient, n’entravent l’édification du rêve socialiste et qu’elles n’encouragent les minorités, notamment les Ukrainiens, vers une remontée des nationalismes. 

Staline se fixe d’autre part l’objectif d’accélérer l’industrialisation de l’URSS. Pour cela, il faut acheter les machines et les outillages aux étrangers. Il décide donc en 1930 que les exportations céréalières de l’Ukraine payeraient la note. L’État prélève donc brutalement 30 % des grains, puis 41 % l’année suivante. Le «petit père des peuples» décrète la collectivisation, le règne des Sovkhozes et des Kolkhozes et devant la révolte prévisible des paysans, il lance ses ‘brigades de choc’ pour imposer sa loi. Les fermes sont fouillées, les stocks pillés, y compris les semences, les récalcitrants battus. C’est le 7 août 1932 que fut promulguée la «loi des épis», qui punissait de mort toute personne qui conserverait même quelques grains de blé ou de seigle sur sa personne. Le janvier suivant, une circulaire privait les paysans de leur passeport. Sur les routes de sortie d’Ukraine s’installent, en plus, des barrages routiers de l’armée russe. Le piège est fermé. La famine qui menace depuis des mois éclate lors de l’hiver glacial de 1932- 33. Les affamés errent en quête de nourriture. On mange les chevaux, les chiens, les racines, puis débutent même des actes de cannibalisme, d’abord avec les enfants, plus vulnérables. On meurt de faim et de froid et les suicides se multiplient. On estime le nombre de morts de l’Holodomor à cinq millions d’Ukrainiens. Cachée par Staline, cette famine orchestrée se passe dans le silence et dans l’indifférence totale du monde, y compris après les révélations du journaliste Gareth Jones en mars 1933, après une enquête impromptue en Ukraine qui lui vaut des menaces et une expulsion par les Russes. Si les milieux officiels en Europe se taisent c’est, qu’en 1933, les relations internationales se détériorent et que les discours de guerre se multiplient en Europe et que personne ne veut provoquer Staline… Pas même Hitler qui, en 1939, signera le fameux accord Molotov-Ribbentrop, qui permettait alors à la Russie, grâce à un protocole ‘secret’ plutôt gênant pour la suite, de s’emparer des pays baltes, de la Finlande, de la Bessarabie (actuelle Moldavie) puis de la Bucovine du Nord, dans l’actuelle Ukraine. L’Union soviétique regagnait ainsi les territoires qu’elle avait ‘perdus’ lors de la Première Guerre mondiale ! (**). Ce protocole ‘secret’ disparaît à Moscou, mais est cependant retrouvé à Berlin… 

Dans la plupart des conflits, il n’y a pas une partie parfaitement coupable et une partie totalement innocente, mais outre l’Holodomor et les visées des Russes, depuis Molotov, sur leurs zones d’influence apparemment «imprescriptibles», il y a aussi les réactions russes face aux soulèvements de Budapest (1956) ou de Varsovie (1968), l’invasion de l’Afghanistan (1979-89), leurs ‘initiatives’ en Géorgie (1991- 93), en Ossétie du Nord (1992), en Tchétchénie (1994-96 et 1999-2009), en Crimée et au Donbass (2014) et en Ukraine (2022) ; qui mènent à reconnaître qu’il y a une sacrée constance dans l’effort ! En outre, même si l’Ukraine a une fâcheuse réputation de corruption endémique, on ne peut pas dire qu’elle ait jamais commencé aucune opération militaire préventive, ‘spéciale’ ou pas, chez ses voisins… 

L’unité historique de la Russie et de l’Ukraine, ce n’est pas seulement le patriarche Kirill de l’Église orthodoxe russe qui en parle. Mais pour quoi faire avec ? Serait-on, à nouveau, en mal de ‘petit frère’ à dominer ?

Quand on compare la liste des guerres ayant concerné les États-Unis, la Russie et la Chine, des différences marquées apparaissent. Pour la Russie, à partir du 20e siècle, cela, a été, la plupart du temps, une affaire de frontières et de ‘zones d’influence à préserver’ (voir ci-dessus), même si des conflits internes, surtout contre des factions musulmanes comme en Tchétchénie, au Tadjikistan ou en Ciscaucasie émaillent aussi leur histoire. Les Américains évoquent volontiers leur guerre civile, leur guerre d’Indépendance ainsi que les deux guerres ‘mondiales’, mais sont beaucoup plus gênés d’évoquer plus d’un siècle de guerres inégales pour éliminer les peaux rouges et les parquer dans des ‘réserves’ (Wikipédia en recense plus de 38 jusqu’en 1915…), ou la guerre des Philippines, ou celles de Corée, du Vietnam, du Laos, du Cambodge, de l’Afghanistan ou de l’Irak… où ils se posent en ‘gendarmes du monde’. Les Chinois, l’empire du ‘milieu’ fameusement introverti, passe 22 ans de guerre civile entre 1927 et 1949 pour introniser Mao, avant de tourner son regard vers l’extérieur et d’annexer le Tibet en 1950. Elle est engagée aux côtés de la Corée du Nord et de l’URSS dans la guerre de Corée (1950- 53) à un moment où les économies libérales s’opposent à l’expansionnisme communiste partout au monde. En 1954-55 et encore en 1958 et en 1996, la République populaire de Chine bombarde et tente de reprendre Taïwan, mais ne réussit pas, les États-Unis protégeant Taipeh. Le conflit interne du Xinjiang débute en 1960 et n’est pas tout à fait terminé. Des escarmouches ont lieu à la frontière sino-indienne en 1962, 2017, 2020-21, à la frontière russe en 1969 et avec le Vietnam en 1974, 1979-91. Ses prétentions sur toute la mer de Chine à partir de 2014, sur la base d’une «mappe» à neuf tirets datée de 1947 (***), tente d’opposer son droit du plus fort aux Philippines, à Brunéi, au Vietnam, à l’Indonésie, la Malaisie et Taïwan.

Conclusion ? Le regard de la Chine n’est plus exclusivement tourné vers l’intérieur. There is a new kid around the block ! Cependant, contrairement à Poutine, Xi a maintenant plus de billes posées sur la case ‘développement‘ que sur la case ‘conquêtes’ et les deux sont loin d’être compatibles… 

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Quand on invite à n’acheter que 2 L d’huile, on en vend en plus ou on en vend en moins ? 

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Le rapport sur les dialysés, qui n’est pas rendu public en raison de contenu médical personnel, pourquoi ne pas le publier dedacted, à l’aide d’un stylo noir et ainsi ‘masquer’ les bouts jugés sensibles ?


(*) https://www.geo.fr/histoire/holodomor-lextermination-par-la-faim-en-ukraine-206333
(**) https://www.geo.fr/histoire/pacte-germano-sovietique-les-coulisses-dun-accord-secret-entre-hitler-et-staline-205978
(***) Le gouvernement chinois est alors dirigé par le Kuomintang !