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Coincé de toutes parts, il faudra trancher sec !
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Coincé de toutes parts, il faudra trancher sec !
Je n’aimerais pas être à la place du ministre des Finances, particulièrement cette année-ci. D’autant plus qu’il est clair qu’il est directement responsable, avec ses collègues et son PM, d’une bonne partie des problèmes qu’il confronte et qu’il nous faudra bien essayer d’endiguer.
La pression est forte et elle vient de toutes les directions à la fois !
Les commodités coûtent bien plus cher sur le marché mondial depuis un an et plus (*). Pour un pays qui importe tant, comme le nôtre, c’est la douleur ! Le coût de la pandémie de Covid au budget national a été exceptionnellement lourd, menant à une ponction ‘one off’ de Rs 60 milliards de la Banque centrale qui s’ajoutait aux Rs 18 milliards déjà entamées et qui a été suivie, pas plus tard qu’en décembre dernier, de Rs 25 milliards de plus, venant cette fois de la MIC (via Airport Holdings). L’endettement national a atteint les 100 % du PNB. Les chaînes d’approvisionnement mondiales ont été perturbées ces deux dernières années, sauf peut-être en Chine qui s’était mise à l’abri du Covid avec une discipline de fer. Cependant, même la production chinoise va cette fois souffrir au moins un peu, la moitié de Shanghai étant mise aux arrêts cette semaine, après les sérieuses alertes de cas d’Omicron dans les provinces de Jilin, de Guangdong (Shenzhen) et de Shandong.
«Ces jours-ci, les nouveaux tarifs s’affichent, se paient et ne se discutent pas ! Surtout quand on a un petit port insignifiant par la taille et inefficient dans ses moments les mieux inspirés…»
Pour le fret, il ne semble pas que les nouveaux tarifs vont se stabiliser avant 2024, nous suggère Global Maritime Hub. Si les profits les plus exorbitants sont affichés par le danois Maersk (qui triple son EBITDA en 2021) ou le français CGM (5,6 milliards de dollars au 3e trimestre de 2021), il faut, en plus, souligner que Maersk affiche, en 2021, le seul EBIT moyen de moins de 1 000 $/TEU alors que certaines lignes, dont l’israélien ZIM, atteignaient 2 100 $/TEU, cet index ayant été à moins de 250$/TEU les années précédentes ! Si on évoque volontiers les congestions portuaires et les containers ‘au mauvais endroit’, peut-on imaginer une telle flambée de prix sans concertation sur les tonnages disponibles (**) ? Quoi qu’il en soit, ces jours-ci, les nouveaux tarifs s’affichent, se paient et ne se discutent pas ! Surtout quand on a un petit port insignifiant par la taille et inefficient dans ses moments les mieux inspirés…
Les compagnies maritimes sont d’ailleurs, avec l’industrie pharmaceutique et les majors du pétrole, parmi les trois grands bénéficiaires récents d’énormes «windfalls» capitalistiques, organisés ou pas (***) ?
Même les composantes locales du CPI vont maintenant en rajouter à la fièvre du CPI. Les grosses pluies ayant ‘fondu’ bien des récoltes de légumes (poids de 3,7 % au CPI), l’effet sur les prix va être visible. Du chouchou à Rs 80 le kilo ou un avocat local à Rs 200, ça compte ! Je ne doute pas qu’il y ait, localement aussi, de l’opportunisme dans l’air et une tentative de ‘profiter’ du désordre des prix actuels.
«La Banque mondiale prévient : si on continue comme avant la pandémie pour les revenus et les dépenses et qu’on y rajoute la CSG et la population vieillissante, l’endettement du pays face au PIB va atteindre 120 % en 2035»
Là-dessus on est venu cette fois greffer l’invasion de l’Ukraine par M. Poutine (Merci M. Poutine !), ce qui enclenche des conséquences sur le prix des fertilisants, du blé, du pétrole, de l’huile et du gaz ; ce qui n’est pas pour aider.
Dans ce circonstanciel pourri, on se serait bien passé de la fermeture prolongée du pays, bien au-delà du raisonnable, qui était supposée protéger la santé publique ‘avant tout’. Ou de notre état dépensier dans les années pré-pandémie ; ce qui les a menés à dévaluer la roupie pour tenter d’éponger la dette. Cette dévaluation, de 18 % en 2 ans face au dollar, de 20,8 % face au sterling, de 18,4 % face à l’euro, de 11,5 % face à la roupie indienne et de 37,9 % face au rand qui, théoriquement, devrait aider le tourisme et les exportations, ne semble pas pour autant trop aider ces secteurs. Le premier objectif du gouvernement à l’ouverture des frontières était d’accueillir 650 000 touristes avant juin 2022. Cet objectif ne sera certainement pas atteint. On pirouette donc et on l’oublie et on vient fixer un nouvel objectif : un million de touristes pour l’année calendaire courante. Le miracle semble nécessaire… Espérons qu’une autre pirouette ne sera pas requise pour 2022-23 !
À part le tourisme, on mise aussi beaucoup d’espoir sur le secteur financier et notre sortie de la liste grise de la GAFI et de la liste noire de l’UE. Des espoirs sont sans doute permis, encore qu’un promoteur de ventes immobilières et d’IRS m’indiquait il y a quelque temps qu’il avait noté une sérieuse accélération de l’intérêt étranger pour nos villas au moment même où nous sommes officiellement entrés sur les listes grise et noire… Nous avons donc des défis, maintenant que certains oligarques ne seront plus acceuillis à New York, à Londres ou à Paris et que certains de nos compétiteurs restent remarquablement plus attrayants et arrangeants que nous. Prenez le cas de Dubaï. Sur le site de Damac, constructeur et promoteur immobilier, à qui au moins une des délégations gouvernementales mauriciennes a rendu visite récemment au prétexte de l’Expo 2020, on présente les avantages de l’émirat comme suit : (1) Devise stable, le Dirham étant fixé au dollar depuis 1997 (2) Fiscalité attrayante, les résidents ne payant PAS d’income tax, ni de TVA sur une résidence achetée (3) Services de santé de niveau mondial ! (4) Connectivité aérienne directe avec 97 pays (5) Harmonie communautaire, avec 200 différentes nationalités vivant sans discrimination et en toute sécurité (6) Law & order maîtrisé (7) Covid-19 sous contrôle (selon WorldoMeter, l’UAE est 149e au monde pour les mortalités par million de population (228 décès/m) alors que Maurice, pour réussis que nous soyons, est 109e mondial avec 759 mortalités par million de population) (8) Facilités de classe mondiale (restaurants, théâtres, hôtels, écoles, routes, etc. (9) Système ouvert et libre, minimum de contrôle gouvernemental, politiques économiques ouvertes.
Il reste quoi comme arguments pour l’EDB et le pays ? Qu’au lieu d’être au centre d’une région désertique et difficile, nous sommes verdoyants et isolés du monde et donc à l’abri de ses vicissitudes principales ? Que notre ‘couleur locale’ faite de médiocrités diverses, est supérieure à l’approche d’excellence de Dubaï ? Pensez Emirates comparée à MK ou DP World contrastée au tandem MPA/CHC ou encore au jardin de Pamplemousses. Ça vous en dit assez ?
Le prochain Budget sera social, nous a dit le ministre Padayachy. Je veux bien ! Surtout si c’est efficient ! Le Systematic Country Diagnostic (SCD) de la Banque mondiale de 2022 ayant confirmé que la part des dépenses sociales, qui était en moyenne à 22,2% du Budget en 2010/14, a atteint 28,2 % en 2015/19, rappelle que ça va encore augmenter avec la pension à Rs 9 000, puis à Rs 13 500 en 2023/24, avec une population vieillissante, une pension universelle qui reste payable à 60 ans (alors que notre espérance de vie se prolonge) et aucun effort de targeting… Est-il temps de plafonner ces dépenses sociales, comme on devrait plafonner nos dettes, en pourcentage du PIB ? Et de respecter ces plafonds ?
Ce SCD (le précédent remontant à 2015) n’est pas très rassurant. Il souligne une trajectoire de croissance de plus en plus dominée par la consommation, un investissement privé frileux avec environ 50 % dans l’immobilier, une productivité stagnante du capital investi, une perte de compétitivité systématique à l’exportation (qui baisse en pourcentage du PIB de 57 % à 40 % entre 2009 et 2019), des frictions dans le marché du travail menant à des inadéquations grandissantes entre l’offre et les besoins, la faillite de l’éducation qui condamne trop de femmes et de jeunes à l’exclusion ou à des tâches à faible valeur ajoutée, des déficits fiscaux continus menant à peu ou pas de croissance, ainsi qu’un ratio endettement/PIB qui dévisse.
La Banque mondiale prévient : si on continue comme avant la pandémie pour les revenus et les dépenses (en % du PIB) et qu’on y rajoute la CSG et la population vieillissante, l’endettement du pays face au PIB va croître encore, atteignant 120 % en 2035. Pour baisser ce ratio à seulement 90 % du PIB en 2035, il faudra (a) réduire les dépenses par 1,6 % face au ‘baseline’ de 2014-19 et ce jusqu’en 2035, (b) opérer la CSG de manière neutre (c’est-à-dire ne payer que ce qui est encaissé !) (c) plafonner la pension universelle et (d) augmenter les revenus par 1,4 % face au ‘baseline’ 2014-19. Sacré programme !
Qui demandera un sacré courage au pays des ‘poules mouillées’.
Pour pouvoir, dans le passé, continuer à vivre au-dessus de nos moyens, nous avons fait bien trop de compromis. Maintenant, c’est la bise !
(*) Selon Index Mundi, l’index consolidé des commodités a progressé de 38,9 % en 1 an, celui de la nourriture par 21,5 % et celui de l’énergie par 73,6 % !
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