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Pourquoi pas un cessez-le-feu budgétaire ?
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Pourquoi pas un cessez-le-feu budgétaire ?
Les consultations pré-budgétaires se déroulent selon le même rituel – dans notre jargon journalistique, on dit que c’est un marronnier; un sujet qui revient chaque année. Avant la grand-messe du Budget de l’État, qui se veut un show davantage politique qu’un simple exercice comptable, le ministre des Finances du jour rencontre les stakeholders de l’économie qui soumettent leur liste ou memorandum. Dans les médias, Pierre Dinan et Rama Sithanen refont surface, brandissent des statistiques savantes et expliquent pourquoi on est mené en bateau et comment on persiste à vivre au-dessus de nos moyens. Le naufrage économique semble de plus en plus évident ; le grand public n’a pas besoin de grandes théories quand il pousse son caddie au supermarché ou quand il veut acheter quelques dollars pour envoyer à son enfant qui étudie à l’étranger.
Presque huit ans plus tard, le 2e miracle de SAJ, promis en 2014, est resté un mirage. SAJ n’est plus de ce monde et Vishnu Lutchmeenaraidoo a disparu de la circulation après avoir parié sur l’or. Les héritiers politiques du tandem des années 80 ne semblent pas capables de rééditer l’exploit d’un nouveau boom. Malgré cela, les Rs 13 500 de pension universelle resteront une carotte pour tenter de maintenir la dynastie Jugnauth au pouvoir. Même s’il faut défoncer les coffres-forts pour cela...
En face, prise dans une guerre intestine, l’opposition n’arrive pas à accorder ses violons. Trop d’acteurs se battent pour un front bench alternatif qui maintient un fantasme kaléidoscopique d’un temps révolu. Au lieu de faire des contre-propositions concrètes pour faire repartir l’économie, l’on se bat surtout pour des places, tickets, circonscriptions, alliances en vue des municipales, tant repoussées par le régime qui craint de révéler le terrain qui glisse sous ses petits pieds.
Ceux qui ne se battent pas pour leur survie politique ou pour servir les dynasties, c.-à-d. ceux qui ne portent pas de visières ou de casaques, reconnaissent que le fardeau de la dette publique est intenable à plus de 100 % du PIB. La croissance de la dette dépasse celle des revenus, soit le ratio dette/revenus (ou dette/ flux de trésorerie pour les entreprises).
Dans le public et dans le privé, l’on fait semblant que tout va bien. On croule pourtant sous une montagne de dettes, mais on ne montre pas ces garanties tenaces qui soustendent les emprunts. Inévitablement, à ce rythme, on va atteindre un sommet, comme cela a été le cas avec la crise financière mondiale de 2008. Et à ce pic, les dépenses régressent, les emprunts stagnent, les revenus chutent, l’investissement dans l’économie baisse, la valeur des actifs régresse, les marchés boursiers s’effondrent et les tensions sociales augmentent. Les gens ne peuvent plus manger à leur faim. Des émeutes peuvent éclater. La stabilité, condition sine qua non du développement, deviendra alors précaire. Et alors que le Budget se prépare et que les fonds de la MIC vont soutenir les entreprises et les groupes, il ne faut pas que l’on oublie que le secteur privé avait des soucis au niveau du cash flow et de la liquidité bien avant 2020. L’investissement privé local était relativement assez faible. Grâce à la dette et à l’aide étrangère, le gouvernement a essayé de stimuler la consommation avec, par exemple, l’augmentation des pensions et l’instauration du salaire minimum. Il a aussi tenté d’investir tant bien que mal dans les infrastructures publiques. On a aussi essayé de vendre plus de villas aux étrangers. Le secteur privé a tenté de prendre avantage de l’excès de liquidités sur le marché financier en émettant des obligations et en restructurant sa dette (de court terme à long terme). Mais le Covid-19 a tout simplement fait empirer les choses. Et puis il y a l’inflation et Poutine !
Comment alors réparer l’économie ? Il n’y a pas 10 000 solutions. Il y a quelques leviers que nous devons actionner : 1) Réduire les dépenses (mais attention la baisse des dépenses peut être déflationniste et douloureuse, et à mesure que les entreprises réduisent davantage leurs coûts, cela signifie moins d’emplois et un taux de chômage plus élevé); 2) Se focaliser sur la réduction de la dette afin de ne pas trop pénaliser les générations futures; 3) Redistribuer les revenus (les riches ne seront alors plus contents, avec le risque que leur argent aille ailleurs).
Au lieu de jouer aux populistes obsédés par leur cote de popularité, nos décideurs politiques doivent «met latet ansam» pour oeuvrer en faveur d’un désendettement qui serait juste. Quand le désendettement est juste, nous rappelait notre compatriote Sameer Sharma (désormais bien installé à la Bank of America), la dette diminue par rapport à la croissance des revenus, la croissance économique réelle est positive et l’inflation n’est plus un problème majeur. Un équilibre délicat doit être trouvé entre la baisse des dépenses, la réduction de la dette, le transfert de richesses et l’impression de monnaie. On doit également veiller à ce que la croissance des salaires ne dépasse pas la croissance annuelle de la productivité et nous devons également nous assurer que les revenus augmentent plus rapidement que celui du niveau de la dette.
En raison de la situation critique, Renganaden Padayachy aurait dû échanger avec Rama Sithanen, Xavier Duval, Paul Bérenger et des jeunes comme Sharma, mais à Maurice nous n’avons pas la culture du dialogue, encore moins une approche Whole of Society... Dommage, car en période de crise, tout le monde doit faire un effort et mettre son ego de côté. Il nous manque des réflexions croisées sur le temps long. C’est une question de décence et de patriotisme.
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