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La sécurité alimentaire
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La sécurité alimentaire
La guerre en Ukraine a réveillé et le gouvernement et le grand secteur privé sur le besoin d’assurer la sécurité alimentaire. Malgré la pandémie de Covid-19, on était plus préoccupé du manque d’acheteurs étrangers pour les villas. On s’alarme maintenant devant le fait que les pays producteurs peuvent restreindre leurs exportations d’aliments, et que l’inflation alimentaire à Maurice monte en flèche (18,3 % pour l’année se terminant au 31 mars 2022).
Il convient d’abord de bien définir la sécurité alimentaire : elle vise à garantir un accès régulier à une alimentation abordable, saine, nutritive et suffisante. Or la Chambre d’Agriculture admet que Maurice ne peut pas être 100 % autonome en production alimentaire : comment peut-on se sentir en sécurité même avec une autosuffisance alimentaire qui doublerait à 50 % ?
Ensuite, d’aucuns vont au-delà de la sécurité alimentaire pour mettre en jeu la souveraineté alimentaire. Celle-ci consiste à favoriser une agriculture de proximité qui recentre la production vers la communauté locale, tout en érigeant des barrières aux échanges agricoles avec l’extérieur. C’est une stratégie de substitution à l’importation, qui va toutefois à l’encontre d’une approche régionale, incontournable pour une petite île, et qui suscitera… l’insécurité alimentaire.
Un protectionnisme promouvant des denrées locales implique plus d’intrants (eau, engrais, pesticides) et se fera aux dépens des consommateurs qui paieront plus cher qu’un produit similaire importé et dépenseront moins sur les biens non agricoles pour lesquels les emplois diminueront. Aussi, l’agriculture de proximité requiert davantage de surfaces cultivées et pourrait nuire aux forêts et aux vastes espaces de verdure, à rebours du développement durable. Enfin, la souveraineté alimentaire concentre les risques inhérents aux productions agricoles (aléas climatiques, insectes, virus, bactéries) dans une seule zone géographique, d’où l’intérêt d’avoir plutôt une stratégie régionale.
Les échanges régionaux permettent de répartir ces risques et d’acheminer les surplus de certains pays vers ceux qui connaissent de mauvaises récoltes, empêchant une hausse autrement plus rapide des prix chez ces derniers. Les achats seront encore mieux sécurisés par une libéralisation du commerce agricole. Quant au supposé gain environnemental lié aux économies de transport, des études démontrent que la production proprement dite des aliments émet beaucoup plus de gaz à effet de serre que le transport des aliments.
Cependant, des problèmes sanitaires et phytosanitaires sont un obstacle à l’approvisionnement régional. On peut réduire, mais pas interdire, l’usage des produits phytosanitaires en diminuant les intrants chimiques. Quelques mois après avoir promu une agriculture 100 % biologique, le Sri Lanka s’est retrouvé en état d’urgence alimentaire et a dû autoriser de nouveau les intrants chimiques, «compte tenu de la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire». Une agriculture sans produits phytosanitaires, c’est créer des pénuries alimentaires.
S’il faut changer les pratiques culturales, c’est en ayant recours aux nouvelles technologies. Alors que la robotique est déjà entrée dans les champs, nos agriculteurs restent scotchés au modèle du XXe siècle et se plaignent du déclin de la main-d’œuvre. L’intelligence artificielle apporte la personnalisation et l’analyse des données en temps réel. Les algorithmes répondent à tous les besoins du maraîchage et de l’élevage – des drones qui surveillent les bêtes aux robots capables de biner la terre, de détecter les mauvaises herbes et de projeter les produits phytosanitaires au strict minimum, en passant par le tracteur autonome, truffé de capteurs, polyvalent et à voie variable. L’agriculture de précision ouvre de nouveaux métiers qui devraient attirer les jeunes aux compétences pointues.
De meilleures conditions de travail sont aussi possibles avec une autre innovation qui, de surcroît, réduit l’usage de produits phytosanitaires, de traitements insecticides et d’outils mécanisés : les biotechnologies végétales. Lesquelles améliorent les cultures agricoles et accroissent leur résistance aux sécheresses, donnent des rendements bien plus élevés que l’agriculture conventionnelle, et donc génèrent plus de revenus pour les agriculteurs. Grâce aux biotechnologies, les plantes génétiquement modifiées sont cultivées dans le monde sur plus de 190 millions d’hectares. Ce sont principalement du blé, du maïs et du soja – il en manquera à cause de l’invasion russe – mais aussi de nouvelles espèces comme la papaye résistante aux virus, l’aubergine qui neutralise les insectes ravageurs, la pomme de terre qui ne produit pas d’acrylamide à la cuisson, ou le riz enrichi en caroténoïdes.
Reste à convaincre les propriétaires des terres. Un moyen est de taxer les grands projets immobiliers pour subventionner la sécurité alimentaire, dans le cadre d’un partenariat public-privé. Les bénéficiaires seront les mêmes.
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