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Je voudrais tant y croire…
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Je voudrais tant y croire…
C’est une île qui a un métro et qui, malgré les contraintes économiques du moment, est en train de l’étendre vers le centre. C’est une île qui a des hôtels de grande classe, avec un service reconnu mondialement au point que le personnel se fait débaucher vers l’étranger et vers les croisières, causant même des difficultés de recrutement localement, malgré de bonnes écoles de formation. C’est une île qui a apparemment le vent en poupe pour les visiteurs d’IRS, de RES, de PDS, de Smart City, de Ground + 2, de résidences de retraite aux étrangers. Tout étant affaire de contraste, il paraît que suffisamment d’étrangers basés en Europe, en Asie, en Afrique du Sud trouvent que cette île est potentiellement attrayante par rapport aux alternatives au Portugal, en Afrique du Sud, à Dubaï, aux Bahamas, en Malaisie, en Namibie… C’est pour cela aussi que l’on semble construire aussi ‘follement’ dans cette île au pouvoir d’achat clairement limité ? De Mont-Choisy à Moka City, d’Uniciti à Beau-Plan, de Cap-Tamarin à Tribeca, de Gros-Bois à Roches-Noires, de Jin Fei à l’Harmonie, de Mon-Trésor à Manhattan…, ça va en faire du développement, certains diront – avec dépit – du béton, des possibilités d’emplois, du pouvoir d’achat additionnel, même, parfois, de l’activité économique nouvelle.
Dans cette île, les élans fraternels de solidarité et de partage sont encore présents, solides, parfois admirables. C’est une île qui postule cette année à dépasser le million de touristes et où les intervenants principaux, dont Gilbert E. Noël, pensent que c’est «atteignable». C’est une île qui ambitionne, jusqu’en 2030, de produire 60 % de ses besoins d’énergie à partir de sources renouvelables (20,7 % en 2018, selon l’UNDP). C’est une île qui a triplé le budget de la pension de vieillesse entre 2014 et 2021, où la CSG (Rs 13 500 en tout) est promise pour 2023. C’est une île qui est capable de, et qui vient de mettre 200 millions USD sur le marché bancaire pour renforcer sa monnaie et dont le secteur financier respire la bonne santé. C’est une île qui termine ces jours-ci la transformation de sa Place Victoria fatiguée en un emplacement esthétiquement plaisant, plus fonctionnel, salubre et propre. C’est une île verte après les grandes pluies, avec de somptueux lagons miroitant tous les bleus possibles de la palette et qui promet tant !
C’est malheureusement aussi une île qui n’a pas encore maîtrisé la qualité de son équation éducation / formation au point que bien trop de femmes et de jeunes sont exclus du marché du travail ou condamnés à des activités à faible valeur ajoutée. C’est malheureusement aussi une île qui n’a pas encore résolu son problème de déchets. On en déverse pour 540 000 tonnes chaque année à Mare-Chicose, dont 75 000 tonnes de plastique, souvent à usage unique et environ 250 000 tonnes de déchets organiques qui peuvent soit fournir de l’énergie, soit être compostées pour remplacer, du moins en partie, les fertilisants chimiques russes. C’est tristement aussi une île qui renvoie des élections municipales au motif pitoyable du Covid, alors que la présidentielle peut se tenir en France, qu’Orban peut se fait réélire en Hongrie et que l’Inde réussissait ses élections législatives, notamment en Uttar Pradesh et au Pendjab, en mars dernier, tous trois dans des conditions au moins aussi mauvaises que dans cet îlot qui n’a pourtant de cesse de se vanter de sa maîtrise de ‘sa’ pandémie. C’est contrariant que dans cette île, le mot ‘gopia’ (stupide) puisse mener à une arrestation si le ‘gopia’ bien connecté fait une déclaration à la police ! C’est aussi désolant d’y trouver de plus en plus d’affairisme, de mensonges, d’iniquité, de gaspillages, d’opacité et de corruption. De plus, c’est triste d’observer cette île où l’éthique du travail ne fait pas toujours sa gloire, où l’on reste à la maison pour 100 mm de pluie en 12 heures, où l’on nomme ses partisans plutôt que des indépendants reconnus à l’Electoral Supervisory Commission, où l’on peut renvoyer le conseil d’administration entier du bureau des standards nationaux et faire redéfinir la fonction du CEO pour pouvoir caser une protégée.
C’est notoirement aussi une île qui vit depuis des années au-dessus de ses moyens, qui est viscéralement si prudente qu’elle rate régulièrement ses chances et qui est assez biscornue pour accueillir ceux qu’il ne faut pas, comme Sobrinho, et refroidir certains de ceux qui nous feraient, par contre, du bien, grâce aux douches froides spéciales administrées par sa bureaucratie à court de discernement… Cette île dont le succès économique relatif en Afrique a étonné plus d’un pendant des décades, a pourtant vu ses exportations chuter de 57 % du PIB à 40 % entre 2009 et 2019, souffrira en 2022 d’un affreux déficit des comptes courants de 14,3 % et affiche désormais un endettement budgétaire de plus de 100 % du PIB. Quant aux IRS dans cette île, si on visite plus, on signe bien moins et les acheteurs potentiels commencent à poser des questions non anodines sur l’avenir de l’économie et de la démocratie…
C’est une île qui souffre de politicotinite aiguë, la politique s’incrustant partout, au point d’être un sujet que ses habitants trouvent aujourd’hui bien plus excitant, par exemple, que l’avenir énergétique du pays, la méritocratie ou l’état de santé de nos finances publiques ! Surtout au vu de ses attentes récurrentes sur les mamelles déjà lourdement pompées de l’État ? Cette politicotinite aiguë engendre malheureusement bien plus de petitesse d’esprit, de grossièreté, de méchanceté, d’avidité, de tribalisme que nécessaire et a graduellement modelé une mentalité d’assistanat plus pernicieuse que souhaitable. Cette île, selon ses statistiques nationales, fait étalage d’une population dont 23 % est affligée de diabète de type 2, 28 % souffre d’hypertension et 54 % est en surpoids ou franchement obèse. Des comorbidités dont on ne s’occupe pas assez en amont et dont un coronavirus mal intentionné profiterait sans doute avec appétit ?!
Dans cette île, on se fiche pas mal de la productivité du port, de l’inutilité relative des Rs 16 milliards dépensées pour Safe City ou des Rs 6 milliards dépensées à Côte-d’Or ou même des milliards du métro, que l’on aurait pu avoir mieux investi ailleurs. L’on affiche, par contre, les ambitions de la CSG à partir de 2023, sans avoir jamais explicité ce que cela coûtera comme effort additionnel au budget national et alors que la Banque mondiale suggère qu’il serait peut-être plus raisonnable de ne payer que ce qui est encaissé, de passer l’âge de la retraite à 65 ans et de ne réserver cette pension qu’à ceux qui en ont vraiment besoin ! Les lagons de cette île sont bien vides et l’on perd toujours, en route vers les robinets, plus de 50 % de l’eau traitée par la CWA ! Dans cette île, on spéculait cette semaine que la médecine traditionnelle qui motivait notre PM à aller rencontrer Modi en Inde pourrait comprendre un remède très spécial appelé «dollars»… Allons bon !
Qui va réconcilier toutes ces discordances iliennes, pour ramener à plus de cohérence nationale ?
Cette île, c’est la nôtre ! C’est difficile, je le concède, mais je voudrais néanmoins toujours y croire…
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