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Leur doctrine c’est le noyautage

29 mai 2022, 10:18

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Le mal qu’on inflige aujourd’hui au pays et à l’économie s’avère une tare dont on paie déjà le prix. La dette est collective et va perdurer bien après la fin du mandat de ce gouvernement. Il est immoral et injuste de pénaliser les générations actuelles et futures pour des réserves nationales volatilisées et des abus enregistrés antérieurement par mauvaise gouvernance. On ne peut changer le passé, et il est encore plus évident qu’une doctrine de rétribution aux dépens d’un innocent est insoutenable en logique comme en éthique. Trois décennies après la chute du mur de Berlin, la situation internationale et nationale reste dominée par l’idée de revanche. On retrouve un esprit de revanche/vengeance pour lequel les erreurs et les méfaits passés servent de modèle. La réalité locale est tout aussi instructive. Le Mauricien d’aujourd’hui porte le fardeau des erreurs commises dans le passé par d’autres, dont beaucoup sont morts depuis longtemps; mais ces erreurs demeurent exploitables. Après un demi-siècle de souveraineté mauricienne, les stigmates de la «colonisation» ou de l’immigration attisent toujours, d’une part, un esprit revanchard et, de l’autre, la psychose d’une spoliation quelconque sous une façade de «démocratisation», comme ces joursci au Champ-de-Mars. Ou seraitce, plutôt, de l’«autocratisation» en cours, selon les chercheurs de l’institut VDem. 

Nous cultivons les maux de notre héritage commun et les empêchons de disparaître parce qu’ils servent nos intérêts étroits. Il y aura ainsi, des deux côtés de l’histoire, un mindset qui empêche de vivre au présent et dont toute la raison du XXIe siècle ne pourra nous libérer. Nos langues, souvent fourchues, tiennent deux langages sans exciter ni rire, ni mépris, ni révolte. Un écrivain mauricien a posé depuis longtemps son diagnostic : «Nos esprits ne sont pas exorcisés de leurs ténèbres. L’Homo mauricianus ne mérite pas son nom. Il est encore au stade du Mauripithecus. Le siècle va vite, sauf dans ses dogmes et ses préjugés contre lesquels la lucidité fait pâle figure...» 

En attendant, les invectives pleuvent au Parlement, sur les estrades, dans la rue et aux rayons des supermarchés et sur les stationsservice. Le porte-monnaie se vide à vue d’oeil. La frustration enfle à mesure que le pouvoir d’achat s’érode. La colère bouillonne. Clichés, lieux communs, idées reçues, préjugés, et stéréotypes s’entrechoquent et circulent dans les groupes sociaux, et la plupart sont porteurs du trait de soupçon et des effluves de corruption, quand les vérités sont énoncées. Chaque bloc ou alliance a son mobile caché ; chaque mesure a sa couleur. L’objectivité, on le sait, c’est la subjectivité des autres. 

*** 

Le Premier ministre, acculé de partout, sauf parmi les siens, saitil vraiment quoi dire ? Devrait-il continuer à maintenir que l’économie est résiliente (pour rassurer les investisseurs) ou devrait-il avouer que la situation reste compliquée et difficile parce qu’il n’y a «pas de visibilité» ? Le recours aux fonds non-conventionnels, qualifiés de Helicopter Money, sera-t-il encore une fois à l’agenda du prochain exercice budgétaire, malgré les sirènes du FMI, de la Banque mondiale et de Moody’s ? Sur les deux tableaux, le gouvernement de Pravind Jugnauth sembler jouer à l’équilibriste. Pile, le Premier ministre affirme que son équipe (avec ses faux-conseillers bénévoles) a bien géré le Covid-19, pour s’attribuer des notes de satisfecit, et pour tenter de relancer le tourisme. Face, il doit maintenir les mesures de précaution sanitaire – dont le port du masque même quand on fait du sport – et ainsi éviter des élections municipales, qui peuvent potentiellement casser l’image gouvernementale et enrayer la formidable machinerie du MSM, bien huilée par l’apport de l’appareil d’État, à tous les échelons... 

Pour contrer la vie chère et contenir la colère populaire, le troisième Budget de Renganaden Padayachy (dont la thèse universitaire portait le titre prémonitoire de ‘Mesures de la Pauvreté à Maurice’) va tenter de tenir parole par rapport aux Rs 13 500 promises au 3e âge. Sauf que les caisses sont désespérément vides et que l’endettement a déjà crevé le plafond. Comment faire quand le duo Padayachy-Seegolam a déjà brûlé les réserves et que la communauté internationale nous surveille, comme une mère ou un père surveille le lait (du biberon) sur le feu ? 

Il faut alors créer de la diversion. En accusant l’opposition de «faire de la politique sur les cadavres», il place l’opposition parlementaire et extraparlementaire dans un même panier. «Après les pétitions électorales, ils ont tenté de faire du désordre dans le pays. Maintenant, ils veulent obstruer les routes et bloquer le trafic.» Brandissant le Slovaque Peter Uricek, il pointe le PTr et le MMM du doigt, parce qu’ils veulent, selon lui, «défendre les trafiquants de drogue». Et ce, alors même que la cour se penche sur la tentative de l’Attorney General de faire avorter l’enquête du DPP sur l’exfiltration du Slovaque !

Cette même Cour suprême devra prochainement statuer si le speaker, Sooroojdev Phookeer, et le Premier ministre ont enfreint les droits constitutionnels d’Arvin Boolell. En le privant de plusieurs séances parlementaires, le speaker et le PM ont-ils violé les articles 3, 12 et 16 de notre Constitution ? C’est ce que devront déterminer les juges Karuna Devi Gunesh-Balaghee et Denis Mootoo. L’article 3 de la Constitution a trait aux «fundamental rights and freedoms of the individual» alors que l’article 12 parle de «protection of freedom of expression» et l’article 16 fait état de «protection from discrimination». L’article 12 stipule justement qu’«except with his own consent, no person shall be hindered in the enjoyment of his freedom of expression, that is to say, freedom to hold opinions and to receive and impart ideas and information without interference, and freedom from interference with his correspondence». 

Or la doctrine du MSM privilégie, aux libertés individuelles, la force et le noyautage de toutes les institutions, publiques et privées…