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Maurice sous la menace d’une nouvelle récession mondiale
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Maurice sous la menace d’une nouvelle récession mondiale
Se dirige-t-on inéluctablement vers une nouvelle récession mondiale ? Des signes pour le moins réels sont là avec une nouvelle contraction du Produit intérieur brut (PIB) des États-Unis au deuxième trimestre. Ce qui vient du coup accroître les risques pour la première puissance économique mondiale de s’enliser dans un début de récession. Alors même que la Grande-Bretagne, grosse pointure anglo-saxonne, y est déjà. Des spécialistes de la finance en parlent ouvertement aujourd’hui et constatent qu’il serait difficile d’éviter une telle calamité économique.
Certes, the writing was on the wall aux Etats-Unis, dirait-on, avec l’inflation atteignant un nouveau record en juin à 9,1 % sur une année, amplifiée par l’effet de la guerre russo-ukrainienne qui dure depuis février 2022. L’urgence de la situation a dicté entre-temps la Réserve fédérale (Fed) à resserrer la politique monétaire en relevant le taux d’intérêt de 2,25 points de pourcentage depuis mars. Une démarche visant à contenir les effets inflationnistes mais qui n’a pas pour autant ralenti son rythme.
Une nouvelle récession américaine risque d’avoir un effet contagion à l’échelle mondiale, deux ans après la crise sanitaire qui a mis l’économie mondiale à genoux, entretenant un recul de son PIB de plus de 5 %. Aujourd’hui, des spécialistes se posent déjà la question : combien d’États pourraient résister à une nouvelle crise et maintenir la tête hors de l’eau, face à une architecture économique mondiale déjà fortement fragilisée par des tensions sociales et géopolitiques intervenant dans différentes régions stratégiques sur la carte mondiale ?
À bien y voir, une nouvelle récession internationale sonnera le glas des pays occidentaux, comme ceux des économies émergentes. Ces derniers n’ont pas joué le rôle de locomotive de l’économie mondiale tout au long de la crise pandémique, contrairement à la crise financière de 2008. Ils se voient toujours sévèrement touchés par de multiples chocs externes et disposent d’une marge de manœuvre réduite pour organiser une reprise rapide de leur économie.
C’est le cas de la Chine, où certains spécialistes évoquent déjà la fin de son modèle de croissance, avec un taux qui atteindra difficilement 4 %, bien en dessous des 5,5 % attendus cette année. La démonstration de force face à Taïwan et aux États-Unis, suivant la visite de la responsable politique américaine, Nancy Pelosi, sur la petite île autonome, où l’empire du Milieu revendique sa souveraineté, est venue bousculer le fragile équilibre en place et raviver de vieilles tensions géopolitiques. Conséquence des menaces chinoises : fuite accélérée des investisseurs, strictes mesures de confinement, surchauffe du marché immobilier et fortes réglementations contre les sociétés Internet chinoises.
«Nous ne pourrons pas, d’année en année, compter sur nos réserves en devises étrangères, déjà amenuisées par le financement de la ‘Mauritius Investment Corporation’ et du ‘Consolidated Fund’…»
Michael Pettis, considéré comme un fin observateur de la société chinoise, professeur de finance à l’Université de Pékin, avait déjà prévu la déconfiture de l’économie chinoise depuis plusieurs années. Il s’appuie sur ses nombreuses analyses publiées dans la presse économique pour pousser le bouchon plus loin, anticipant de longues années de croissance molle, soit de 2 % à 3 % contre une moyenne de 7,7 % qu’elle a connue pendant la période 2010-2019 et des 10,4 % de moyenne de la décennie précédente. «La Chine est le nouveau Japon, un autre pays qui a vu son miracle économique se crasher, et qui se trouve coincé depuis plusieurs décennies dans le bourbier de la stagnation économique», écrit-il.
Gestion hasardeuse
Face à ces menaces économiques couplées à d’autres, on est tenté de demander si les dirigeants mauriciens, enfermés dans leur bulle, trop préoccupés à gérer les scandales, les uns plus choquants que les autres, parviennent à appréhender les défis globaux qui tôt ou tard atteindront les rives de Maurice. Alors que Moody’s vient de tirer la sonnette d’alarme sur le niveau de l’endettement public et que le FMI et la Banque mondiale ont déjà diagnostiqué la faiblesse de l’économie du pays, pointant souvent sa gestion hasardeuse, il est urgent que les craintes d’une récession mondiale soient intégrées dans les réflexions de nos décideurs et dégagent des stratégies pour mieux amortir les chocs exogènes. D’autant plus que tous les partenaires commerciaux du pays nageront tôt ou tard en pleine récession à un certain moment.
À cet effet, l’économiste Pierre Dinan s’interroge : l’économie mauricienne relèvera-t-elle les défis qui se présentent déjà à l’horizon en déployant le mieux possible les ressources qui sont à sa disposition, dont sa population ? Et de préciser que la récession ne concerne pas uniquement les Etats-Unis, dans la mesure où d’autres pays développés, notamment ceux de l’Europe occidentale, risquent fort de contracter le virus de la récession. Et qu’ils constituent, dans l’ensemble, le gros des marchés d’exportation de services et de marchandises du pays, dont les produits manufacturés textiles et les sucres roux ou spéciaux, les services liés à l’hôtellerie et restauration, ainsi que les conseils et facilités opérationnelles pour des investisseurs transfrontaliers.
Dans la foulée, l’économiste Pierre Dinan se demande si «ces exportations de marchandises et de services sont essentielles à la bonne marche de l’économie mauricienne», en rappelant qu’en 2021, les exportations de biens et de services ont atteint Rs 281 milliards alors que les importations s’élevaient à Rs 325 milliards. «Nous ne pourrons pas, d’année en année, compter sur nos réserves en devises étrangères, déjà amenuisées par le financement de la Mauritius Investment Corporation et du Consolidated Fund, dans le sillage des mesures exceptionnelles occasionnées par la fermeture de nos frontières et la mise en sommeil de notre économie en 2020 et 2021», souligne l’économiste dans une longue analyse que nous reproduirons dans notre prochaine édition.
Imrith Ramtohul, analyste financier, prévoit, pour sa part, des répercussions sur l’industrie touristique vu que l’Europe réunit le plus grand nombre des pays émetteurs de touristes pour Maurice. «Une crise de récession implique moins de touristes pour la destination mauricienne et moins de devises étrangères. Or, selon Moody’s, cinq pays, nommément la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud et La Réunion, constituent 60 % des arrivées touristiques à Maurice. Tout ralentissement économique dans ces pays entraînera nécessairement une baisse du nombre de touristes séjournant dans les hôtels mauriciens.» D’où l’idée pour le gouvernement d’être proactif en identifiant de nouveaux marchés pour cette industrie.
Sans doute, il ne faut pas occulter le fait qu’à la base des risques de récession mondiale, il y a la flambée de l’inflation, découlant grandement de la guerre en Ukraine qui a déjà provoqué des perturbations dans la livraison du gaz russe en Europe condamnée à réduire sa consommation de 15 %. «Le niveau actuel de l’inflation représente des risques pour la stabilité macroéconomique actuelle et pour le futur. Les autorités doivent agir pour combattre l’inflation. Toutefois, le recours au levier monétaire pour augmenter agressivement le taux d’intérêt en vue de contenir ses effets néfastes peut conduire à réduire brutalement l’activité économique. D’où l’extrême vigilance nécessaire pour manipuler cet outil.» Et d’ajouter qu’il ne faut pas qu’on se trouve dans une autre extrême avec une demande en chute en raison des taux d’intérêt élevés.
D’une crise à une autre, le pays doit se préparer à rebondir… avec la population et ses dirigeants. Si la volonté y est, reste à savoir si nos gouvernants ont la clairvoyance et la capacité d’agir pour limiter la casse. Cela relève visiblement d’une autre paire de manches…
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