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Freedom Fighters

19 août 2022, 13:00

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Nous sommes en décembre 2015. Sur un hôtel du littoral nord, l’express a rendez-vous avec Corinna Zarek, «Senior Advisor» à la Maison-Blanche et professeur de droit en communication à Washington, DC. L’Américaine, d’un optimisme débordant, est venue à Maurice pour assister le bureau de l’Attorney General à collecter des données qui aideront à préparer une ébauche de la tant attendue «Freedom of Information Act» (FOA). C’est encourageant, pensions-nous, à l’époque, vu que c’était une promesse électorale qui allait se matérialiser, si on en croyait l’excitation qui pétillait dans les yeux de la Washingtonienne, trop fière de nous guider sur la voie de la transparence. 

Au fil de notre conversation, à bâtons rompus, avec Corinna Zarek, on réalise assez vite que nous nous rejoignons sur pas mal de choses, notamment sur le fait «qu’il est primordial que le peuple puisse demander des comptes au gouvernement» et que «c’est certainement désagréable pour ceux qui sont au pouvoir de devoir répondre à leurs questions !» Car, en effet, il est tellement plus simple pour les dirigeants de ne pas offrir l’opportunité aux gens de mettre en lumière des informations préjudiciables ou embarrassantes, comme disons, l’affaire Angus Road, le sniffinggate, ou la lettre anonyme. 

Après avoir donné notre point de vue sur le paysage médiatique du pays, on demande à Corinna Zarek, ce qu’apporterait concrètement une FOA à une démocratie telle que la nôtre? Notre invitée, qui croyait fermement que le gouvernement allait réellement passer à l’action, n’a pas tari d’éloges : «Grâce à la FOA, les Mauriciens seront au courant de tout ce qui se passe dans les coulisses, ils pourront accéder à des informations pertinentes, avoir accès à des données qu’il est difficile d’obtenir aujourd’hui. Ils pourront participer activement aux débats avant que des décisions clés ne soient prises...» 

Si aux Etats-Unis, la FOA est en vigueur depuis 1966, il est quasi-certain qu’aujourd’hui, en 2022 à Maurice, avec des scandales qui se succèdent, le gouvernement MSM ne tiendra plus sa promesse électorale, car il a érigé le secret et l’opacité en doctrines politiques, c’està- dire en un ensemble de règles de pensée ou de conduite. 

Certes, on ne réclame pas la nudité totale. Nous comprenons qu’il y a des restrictions par rapport à l’accès à l’information non seulement aux États-Unis mais dans d’autres pays où la FOA existe. «L’on ne divulguera pas, par exemple, des données pouvant mettre en péril la sécurité intérieure ou celles qui relèvent du domaine privé ou du secret médical, entre autres.» Mais chaque pays se doit d’adapter la FOA selon ses besoins, et non pas selon ceux du gouvernement du jour, dont les travaux du High-Level Committee relatifs au Covid-19 ont été effectués sans un seul procès verbal. Et puis l’on s’étonne que le Molnupiravir soit déjà oublié... 

Chez nous, la formule d’«open government» ne s’est jamais muée en action. Avec le Covid-19, et les achats en Emergency Mode, nous avons vu exactement le contraire du concept qui veut que le gouvernement fournit l’information de nature publique sans que quelqu’un ait à le demander. Les informations sont mises en ligne, accessibles au public afin que celui-ci puisse participer à l’étape cruciale qu’est la prise de décision. Le gouvernement qui avait promis une FOA est le même qui fait fi de la transparence budgétaire qui est nécessaire afin que les citoyens soient au courant de ce que fait le gouvernement avec l’argent public. 

A l’heure où le Premier ministre malmène la presse, en essayant de ramener les journalistes au niveau de caniveau des politiciens de sa trempe, il convient aussi de souligner que les lois pour la liberté de la presse et la FOA vont de pair. Comme faisait remarquer Corinna Zarek, la liberté de la presse demeure primordiale partout dans le monde, et c’est un droit garanti aux États-Unis. «La liberté de la presse permet aux journalistes de s’exprimer sur des sujets sans que le gouvernement n’interfère dans leur travail. Par contre, la FOA confère à n’importe quel citoyen le droit de poser des questions au gouvernement.» 

En 2015, l’invitée du gouvernement maintenait qu’il est grand temps que la FOA entre en vigueur. Sept ans vont bientôt s’écouler et au lieu de faciliter l’accès aux informations, nous assistons à des attaques sur des journalistes et des groupes de presse, surtout quand le gouvernement chauffe ses troupes dans les villages. 

Si Corinna Zarek insistait, en 2015, qu’on allait bientôt voir une ébauche de la FOA, on était bien moins confiant qu’elle. Aujourd’hui, il en existe au moins une ébauche en circulation. C’est un progrès même si elle n’émane pas du gouvernement. On ne manquera pas d’envoyer la Freedom of Information Act 2022 de Linion Pep Morisien à Washington, DC !