Publicité
Elizabeth II et le Commonwealth
Par
Partager cet article
Elizabeth II et le Commonwealth
En stricts termes de longévité et de notoriété, elle dépasse Indira Gandhi, Nelson Mandela, Lady Di, Michael Jackson ou Jean-Paul II. On se souviendra encore longtemps de l’endroit où l’on se trouvait quand on a appris le décès de la reine Elizabeth II. C’est l’immortalité réservée aux icônes dans la mémoire collective.
C’est un peu normal puisqu’on a grandi avec elle, on la regardait et la touchait presque au quotidien : elle était imprimée sur nos billets de banque, nos pièces de monnaie, les posters dans les salons, les timbres, même sur certaines assiettes qui restent inutilisées dans les panetières. La reine était notre cheffe d’État, avant qu’on n’accède, en 1992, au statut de République, un statut qui n’existe que sur papier, cela va sans dire. Avant 1968, lors de la colonisation anglaise, on était ses sujets et on pouvait nous envoyer faire la guerre en Egypte ou en Europe, affronter des hommes qu’on ne connaissait même pas.
Mais Elizabeth II est un personnage d’une histoire politique qui n’existe plus : de la guerre froide au terrorisme international en passant par la récente invasion de l’Ukraine. Elle a vu la chute de l’empire britannique dans le sillage de la Seconde guerre mondiale, et avait intériorisé la tentative de reconquête du pouvoir avec la mise sur pied du Commonwealth (en 1949), qui fédère les anciens territoires britanniques sous la forme d’une union de pays «libres et égaux». La reine d’Angleterre était une marraine respectée et pouvait donc créer le ciment entre ces pays qui sont aujourd’hui soumis à d’autres courants idéologiques, politiques, et économiques, avec la montée en puissance de la Chine, l’Inde, la Russie…
Aujourd’hui, alors que les hommages pleuvent des quatre coins de la planète, comme un rappel du prestige d’antan de l’empire britannique, la mort d’Elizabeth II, un personnage consensuel, évoque aussi la fin d’un système politique – comme le Commonwealth – que d’aucuns considèrent comme dépassé.
Si les Britanniques dans leur majorité restent attachés à la famille royale et entonnent déjà avec bonheur God Save the King, plusieurs pays penchent pour l’abandon de la monarchie constitutionnelle. L’idée d’une République, comme aux États-Unis ou en France, fait rêver plus d’un. Au Canada, un groupe de citoyens en faveur d’une République canadienne met en avant l’absurdité «d’avoir au Canada un chef d’État né et vivant à l’étranger. Notre monarque n’habite pas ici. Il ne paie pas de taxes ici. Et ses fonctions sont assumées pas un vice-roi. Est-ce que cette situation est normale au XXIe siècle ?».
Parmi les pays du Commonwealth, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Jamaïque, les débats se poursuivent. Le plébiscite australien en 1999 s’est soldé par une victoire à 55 % du maintien de la monarchie constitutionnelle, alors qu’en 2021, la Barbade a opté pour la transition, devenant la première monarchie constitutionnelle à devenir une République depuis Maurice en 1992.
Mouvement contraire en Afrique de l’Ouest. Pour contrer la toujours puissante Françafrique, le Gabon et le Togo, deux pays francophones, veulent, eux, intégrer le Commonwealth qui comprend 56 États souverains (dont notre pays, malgré quelques menaces en l’air, notamment de Bérenger pour qu’on quitte le groupe, à cause du conflit autour des Chagos). Cette adhésion ne change fondamentalement pas les relations économiques et diplomatiques en termes d’attraction et de diversification des partenaires économiques. Pour preuve : le premier partenaire économique du Gabon aujourd’hui, c’est la Chine. Mais le message que souhaitent véhiculer les deux pays de l’Afrique de l’Ouest est de tourner la page sur la France, un peu comme le Rwanda, pour s’ouvrir au reste du monde… Mais la question demeure, Charles III pourrat-il tenir le Commonwealth comme Elizabeth II l’a tenu avec grâce, sourire, calme et cet air si fragile, si innocent ?
Publicité
Les plus récents