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Dictature constitutionnelle

15 septembre 2022, 14:45

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Dictature constitutionnelle

Comme chaque année depuis 1997, le monde célèbre, aujourd’hui, 15 septembre, la journée internationale de la démocratie. La Déclaration universelle sur la démocratie, un idéal probablement jamais atteint dans la vraie vie, pose et repose les principes constitutifs d’une démocratie et définit, sur le papier, les caractéristiques d’un gouvernement démocratique.

À Maurice, si nous avons un gouvernement qui a été élu de manière démocratique, selon nos normes électorales, il devient de plus en plus évident que nous faisons face à une dictature qui s’installe de manière durable au lieu d’une démocratie qui s’approfondit. Notre rôle à l’express est de souligner cette construction contraire à la démocratie. Ce qui ne plaît pas aux gouvernements qui se succèdent.

La Constitution s’avère souvent la voie utilisée pour obtenir le pouvoir absolu, derrière lequel courent les dynasties et les politiciens. Pourtant, dans l’idéal, une Constitution n’est pas au service d’un Premier ministre ou de sa famille, mais est conçue pour un pays, une nation, soit pour le bien commun.

Et alors que la Grande-Bretagne salue sa monarchie, l’histoire nous démontre que les plus grands despotes n’ont pas été des reines ou rois, mais des chefs d’État ou de gouvernement dûment «élus», comme Hitler.

Contrairement aux États-Unis ou en Europe, dans les pays en voie d’autocratisation, comme le nôtre, les chefs de gouvernement ne gouvernent pas, mais ils règnent ! Et quand on règne, c’est le règne total ! Si la gouvernance est un moyen d’atteindre un objectif de progrès, de développement, de prospérité, etc., le règne, lui, fait du pouvoir une fin en soi.

Une dictature constitutionnelle s’empare des institutions publiques (administration, justice, investisseurs institutionnels, médias complaisants) en les plaçant sous tutelle pour les mettre au service de la dictature qui se prépare. Nous le disons depuis une vingtaine d’années : la dictature constitutionnelle est, au départ, difficilement attaquable : elle reste dans le cadre de la loi, mais en la détournant de son esprit pour n’en retenir que la lettre. Les lois existantes sont complétées ou remplacées par d’autres lois plus favorables aux intérêts des oligarques.

Quels sont les principaux critères de démocratie ? Nous avons plusieurs indices et la plupart se fondent sur cinq catégories.

  1. «Electoral process and pluralism». Est-ce parce que depuis 1982 nous avons des élections tous les cinq ans que nous serions parfaits ? Et quid du système qui attend d’être réformé depuis des lustres ? Et ces sempiternels patronymes ou dynasties qui ont leurs places réservées au sein des partis ou dans des circonscriptions spécifiques, taillées sur mesure ?
  2. «Civil liberties». Est-ce parce que la police autorise des marches pacifiques de l’opposition que nous sommes irréprochables ? Qu’en est-il des tentatives d’intimidation de nos politiciens (du pouvoir comme de l’opposition) vis-à-vis de la presse libre et indépendante ? Ou encore la faible présence des femmes au cabinet ou d’une Freedom of Information Act, ou de transparence dans le financement des partis politiques.
  3. «The functioning of government». Relisons tous les abus du système qui reviennent chaque année dans les rapports de l’Audit ou demandons aux fonctionnaires qui sont transférés à chaque changement de régime ou de ministres leur avis.
  4. «Political participation». Les quelque 40 % d’indécis ne seront sûrement pas d’accord, de même que les fonctionnaires qui n’ont pas le droit de parler à la presse ou de participer aux manifestations antigouvernementales.
  5. «Political culture». Théoriquement, nous sommes une démocratie, mais dans la réalité, la culture qui se développe à Maurice est la suivante : restez discrets, postez des commentaires sous le couvert des pseudonymes ou soyez persécutés comme les Hassenjee Ruhomally ou Ish Sookun. Autre culture tenace : le noubanisme couplé au roderboutisme !

La «bonne gouvernance» (notion subjective à souhait) doit avant tout se fonder sur une réflexion philosophique préalable, faute de quoi les indices vont rester irréalistes. Ces indices comparent des pays qui n’ont pas les mêmes ressources, les mêmes systèmes politiques ou électoraux, quand ils ne mélangent pas des données de liberté de la presse, de santé publique, d’éducation, de rapports économiques, de droits, de culture. Selon Joseph Stiglitz, qui a souvent critiqué ces indices, cette manière de réduire, sans l’expliciter, la complexité de la notion de valeur à des indicateurs quantitatifs de performance ne peut pas s’appliquer à l’Afrique, car elle procède d’une sorte de mondialisation dans la manière de penser le monde. Or, l’Afrique, en raison des cicatrices historiques, dont la colonisation, a une autre temporalité.