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Une petite virée africaine
Le président Yoweri Museveni de l’Ouganda n’est pas un rigolo. Pourtant dans une interview de télévision pour la chaîne Al Jazeera en avril 2017, répondant à la question : «Que retiendra l’histoire de Museveni : un dictateur ou un président démocratique ?», Museveni répondait : «Un dictateur. Qui est élu cinq fois. Cela doit être un dictateur merveilleux. Il doit être spécial !».
En effet !
Cet homme de 78 ans apparaît sur les radars des médias internationaux quand, en 1979, à la tête d’une armée de guérilleros, et avec l’aide de l’armée tanzanienne, il dépose Idi Amin Dada, lui-même auteur d’un coup de force contre Milton Obote en 1971. L’aide capitale de Julius Nyerere lui est acquise in extremis parce qu’Idi Amin a commis la bêtise d’annexer une région de la Tanzanie, une année plus tôt. Son parti et lui, pourtant populaires, sont largement battus aux élections vivement contestées de 1980 qui… ramènent Obote au pouvoir ! Alléguant des élections truquées, Museveni forme l’Armée de Résistance Nationale qui, dès février 1981, avec environ 30 hommes, dont Paul Kagamé – aujourd’hui à la tête du Rwanda – s’empare du stock d’armes de la caserne de Kabamba.
Après avoir publié un programme national en dix points qui fera date en promettant la démocratie, la justice sociale et la fin de la corruption, Museveni entre à Kampala en janvier 1986 et chasse Obote du pouvoir. Abandonnant ces quelques principes marxisants, il devient un des «bons élèves» du FMI, privatise une banque nationale et voit son économie croître de 6,5 % à 7 % entre 1990 et 2010. La pauvreté est réduite par un facteur de 3 dans le même temps. Il gagne les présidentielles de 1996 et 2001, avec 74 % et 69 % des voix respectivement et modifie la Constitution pour lui permettre plus que deux mandats. Sa dernière présidentielle de 2021 face au chanteur Bobi Wine, il l’emportait avec 58 % des voix et la commission électorale rejetait les accusations de fraude. De nombreuses ONG, USA, Nations unies ne croient pas, par contre que ces élections furent libre. La Constitution avait été à nouveau modifiée sur mesure en 2018 pour enlever la clause restrictive de 75 ans maximum pour exercer comme Président…
Il est à nouveau dans les nouvelles cette semaine parce qu’il a démis son fils, qui est clairement désigné pour le remplacer, de ses responsabilités comme chef des armées de terre après des tweets au moins désobligeants vis-à-vis du voisin kenyan. On ne sait pas s’il se sentait inspiré par Poutine, mais le fiston, le lieutenant général Muhoozi Kainerugaba avançait qu’il fallait se débarrasser des frontières «coloniales et artificielles» et refaire l’union des deux pays, en suggérant que son armée pouvait investir Nairobi en moins de deux semaines ! C’était d’ailleurs, si je me souviens bien, presque le temps que se donnait Poutine pour prendre Kiev. Le père Museveni a dû s’excuser vis-àvis du Kenya, malgré l’affirmation du fils que ses tweets étaient pour rire. Pour rire aussi, sans doute, le fils de Museveni est, dans le même temps promu général, avec galons !
La rigolade ne s’arrête pas là puisque parmi les tweets précédents, le (maintenant) général avait demandé combien de vaches il fallait offrir en dot pour épouser Giorgia Meloni, la probable prochaine première ministre de l’Italie, en proposant lui-même 100 vaches AnKole (*) pour la féliciter, déjà, pour son franc-parler.
Ça promet tout ça !
Dans l’Afrique de l’Ouest, en Gambie, dans un pays qui a déjà plus que sa part congrue de difficultés et de défis (PNB/ tête de 836$), 66 enfants sont décédés après avoir consommé du sirop anti-toux provenant de l’Inde. Ces mortalités ont été notées à partir de juillet déjà et ne sont sûrement pas les dernières, puisque les effets dévastateurs de ces antitussifs contaminés se font sentir sur les fonctions rénales, ce qui prend un certain temps. Le Hindustan Times qui élabore sur la question identifie deux substances mortelles dans ces produits fabriqués par Maiden Pharmaceuticals dans l’état du Haryana : di éthylène glycol et éthylène glycol et signale que ces produits avaient déjà causé des mortalités d’enfants à Gurgaon et au Jammu au début de 2020. 36 autres enfants âgés entre deux mois et six ans avaient aussi trouvé la mort en 1998, empoisonnés en Inde au di éthylène glycol. Le problème semble être qu’il est difficile de différencier entre ces poisons mortels et le propylène glycol, qui est, lui, inoffensif et utilisé comme un solvant. Même les contenants des deux produits sont identiques et les petits fabricants qui n’ont pas tous les moyens de tester leurs ingrédients sont dépendants de tests externes, où les méprises sont possibles …
Quoi qu’il en soit, des enfants sont morts, ce qui ramène aux dangers intrinsèques d’une industrie pharmaceutique produisant éventuellement à Maurice, qui utiliserait donc notre «label» mais qui pourrait accueillir de petites opérations sans renom, disposées à cut corners pour atteindre le marché africain, qui a moins de moyens pour se protéger ! Un peu comme certaines universités du ministre Jeetah de l’époque ….
Pour tout couronner, The Economic Times (**) rapporte que le ministère de la Santé de l’Inde précise que les quatre produits incriminés ne sont pas autorisés à la vente en Inde, même s’ils peuvent être exportés ! Ces quatre produits, au cas où ils traîneraient quelque part dans une pharmacie locale ou à la maison, sont le Prométhazine Oral Solution BP, le Kofexnalin Baby Cough Syrup, le Makoff Baby Cough Syrup et le MaGrip n Cold Syrup.
Dans la corne de l’Afrique, en Somalie, une terrible sècheresse sévit. Personne ne peut prouver que le réchauffement de la planète y est pour quelque chose, mais le fait est que cette sécheresse dure depuis bientôt une décade, que bien trop de ceux qui en sont responsables s’en balancent et que les victimes ne savent pas et n’y peuvent rien de toute façon. En Somalie, 59,5 % de la population est mal nourrie («undernourished»), 31,9 % des enfants sont chétifs ou rabougris et, ce qui encore moins acceptable, 11,7 % des enfants meurent avant cinq ans !
Comme si la sécheresse qui tue le bétail et dessèche les plantations ne suffisait pas, la Somalie est aussi parasitée par Al Shabaab. Ce mouvement se proclamant pur et religieux a été longtemps bien vu par les populations comme une réponse à un gouvernement absent et corrompu et à des chefs de guerre tribale repliés sur eux-mêmes et leur seul intérêt. Un programme de désarmement et de réintégration semble faire son chemin aidé en cela par l’hypocrisie et la violence des chefs Shabaab ; mais en attendant, même l’aide alimentaire est gênée parce que le donateur principal, c’est-à-dire les USA, est généreux à la condition stricte que rien ne doit finir chez Al Shabaab.
Ainsi l’initiative de discontinuer les distributions de vivres dans les camps de réfugiés, à qui l’on donne, à la place, un téléphone mobile sur lequel on crédite 100 dollars par mois. Fini les razzias de convois humanitaires. Encore faut-il qu’il y ait de quoi acheter dans ces camps et que les commerçants ne profitent pas trop !
Et comment ne pas terminer ce petit tour en Afrique en mentionnant l’Ebola. Si le 22 septembre dernier, le ministère de la santé de la République démocratique du Congo déclarait la fin du danger, n’ayant trouvé, selon les conventions de l’OMS, aucun nouveau cas, 42 jours après l’enterrement de la dernière victime (temps d’incubation de jusqu’à trois semaines), il y avait, sur ces deux dernières semaines, 63 cas en Ouganda, causant 29 mortalités ! Plus troublant encore, ce virus du type «Soudan» n’a pas de vaccin, contrairement à la souche fraîchement éliminée au Congo. Ajoutons-y deux cas authentifiés du virus Marburg au Ghana ...
On aurait intérêt à y prêter attention à l’aéroport de Plaisance !
(*) https://southafrica.co.za/ankole-cattle.html
(**) https://economictimes.indiatimes.com/industry/healthcare/biotech/pharmaceuticals/maiden-pharmaceuticals-had-license-to-export-not-locally-sell-cough-cold-syrup-india-says/articleshow/94685981.cms
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