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L’air du temps
«Il faut opérer un changement dans la structure de nos affects où le ‘plus’ est toujours synonyme du ‘mieux’.» Kim Stanley Robinson, écrivain américain, auteur de The Ministry for the Future, dans un entretien au magazine Socialter.
Transpirant de Washington, DC, les chiffres ne sont pas bons, mais ils ne nous disent pas tout. Le Fonds monétaire international prévoit une croissance mondiale limitée à 2,7 % – et à 0,5 % dans la zone euro, en raison de la guerre en Ukraine. Plus inquiétant, à cause de l’effet de contagion (lui-même dû à l’interdépendance entre les marchés) : pas moins d’un tiers de l’économie globale connaîtrait une contraction en 2022 ou 2023.
Face à la crise du climat, qui avait connu une accalmie sans précédent durant la pandémie, le terme croissance devient de plus en plus problématique tant qu’il sera surtout quantifié par le PIB et marginalement par le potentiel de réchauffement global (PRG). À Maurice, nous mettons toujours l’accent sur la croissance de la profitabilité – ce qui alimente de sempiternels débats sur la privatisation des profits et la socialisation des pertes (surtout avec une MIC, peuplée de nominés politiques, qui ne joue pas la carte de la transparence).
Depuis des années, plusieurs voix s’élèvent pour une définition moins étroite de la croissance telle qu’elle est définie et vulgarisée par les institutions de Bretton Woods. L’idée est de souligner, au-delà des seuls chiffres d’un balance sheet, la croissance du bonheur, ou celle du bien-être humain. Avec l’accord de Paris, qui est une loi-cadre solide mais ineffective, il y a une promesse d’appuyer dorénavant un bien-être pour tous les humains.
Ce n’est pas nouveau; ici même, on en parlé plusieurs fois. La décroissance, terme aussi abstrait que la croissance, ne peut pas être la solution. Les partisans de la décroissance, qui viennent d’horizons divers, ne parlent pas le même langage, et ne peuvent donc pas s’accorder sur les mots ou les termes. Quand ils disent décroissance, disent-ils utiliser moins de ressources pour en obtenir davantage ? Chantent-ils les louanges de l’Innovation ou de la durabilité ? De l’adéquation des ressources ? Concédons qu’il est difficile de freiner la production mondiale quand il y a au moins deux milliards d’entre nous qui vivent dans la misère la plus abjecte…
À en croire Robinson, il faut commencer par lutter contre le récit dominant, selon lequel il n’y aurait pas d’alternative, et développer une littérature de combat. Pas de combats violents ou vains comme le souhaite Poutine, mais de vrais combats stratégiques. L’accord sur le climat de Paris est un bon début car il ouvre la voie à des actions concrètes (pas encore mises en œuvre jusqu’ici, parce que les dirigeants politiques opèrent dans un cadre national, alors que l’accord dépasse de loin leur mandat de politicien); il énonce les lois à promulguer, les normes à respecter et les comportements à développer.
Les jeunes nous le rappellent. Il est encore temps d’inverser certains dommages liés au capitalisme libéral, comme le cumul de CO2 dans l’atmosphère, même si nous ne pourrons peut-être pas réveiller les espèces éteintes, comme dans Jurassic Park. Cette acceptation du déclin de la diversité de la vie (et ses formes multiples) est sans doute l’antidote le plus puissant contre le système capitaliste – qui consiste à laisser le marché penser à la place des humains – dans lequel nous baignons tous.
Car on ne peut plus se permettre d’être utopiste, encore moins dystopique… et persister dans la même voie inhumaine, qui, au final, s’avère contraire au maintien de la prospérité, telle que préconisée, à une époque différente, par Keynes, au début du XXe siècle.
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