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L’égérie Meloni et l’hirondelle Sunak

25 octobre 2022, 09:24

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L’égérie Meloni et l’hirondelle Sunak

Même si, génétiquement, il l’était qu’à demi, Barack Obama, en 2008, a cassé un tabou. Du moins au sein de la presse mondiale. Qui a pu titrer, sans rougir, “le premier noir à la Maison Blanche”. Avant cela, on aurait crié au racisme, au politiquement incorrect. Si ce tabou ou interdit a été brisé, cela n’a pas pour autant signifié que les racines ethniques ou religieuses allaient progressivement, par une évolution naturelle des choses, devenir moins écrasantes, fatidiques, inexorables...Au contraire !

 Le vieux continent, qui a propagé le colonialisme, vient nous rappeler que l’extrême droite a plutôt tendance à gagner du terrain ces jours-ci. En Italie, elle a revêtu les traits et habits, tirés à quatre épingles, d’une Giorgia Meloni, qui parait, en apparence, moins sardonique qu’une Marine Le Pen. Dans la réalité, sans perdre son sourire de séductrice, et sans aucune anesthésie, Meloni vient d’accoucher du gouvernement le plus à droite de l’Italie, avec la bénédiction des autorités européennes, qui redoutent une percée de la Russie de Poutine, au sein de l’Union. 

Au sortir de la seconde guerre mondiale, sur les ruines des champs de bataille, le discours dominant s’érigeait contre les idées de l’extrême-droîte, un peu comme si le bien commun prenait le pas sur la doctrine autocratique. Aujourd’hui, en Suède comme en Italie, et à un degré moindre en Grande-Bretagne (qui avait préféré Liz Truss à Rishi Sunak sur des critères autres que la compétence ou le mérite), nous assistons à une normalisation des idées traditionnelles de l’extrême droite qui puise sa force sur le dos de la mondialisation. Ce qui donne naissance à des politiciens nationalistes, et anti-écologistes, comme Trump, Erdogan, Bolsonaro Maduro, Duterte , Orban, Le Pen ou Meloni. Ces derniers, sauf Le Pen (qui progresse toutefois dangereusement), ont raflé le pouvoir, à l’issue des urnes, par la force de leurs idées et mots. Ils ont su opposer l’électorat contre les élites politiques et/ou économiques. 

Mais attention à ne pas trop forcer l’amalgame. Même s’ils puisent du même livre des souvenirs d’un autre temps, chacun tisse et adapte sa propre idéologie, calquée sur les peurs de leurs semblables, en refaisant les noeuds des liens sociaux. Les placer sous l’ombrelle du populisme serait forcément réducteur, mais pas trompeur. Edgar Morin (depuis 2013) admet les similitudes mais demande à ce qu’on reste lucide :  « Le mot “populisme” mis à toutes les sauces perd toute signification et empêche tout diagnostic pertinent ». Par rapport à un contexte et une période spécifiques.

Si on analyse leur discours respectif, on se rendra compte que les populistes du XXIe siècle n’ont pas vraiment changé d’idéologie, mais ont su se fondre dans le débat public, et occuper l’espace médiatique, toujours en prenant le pays comme objectif suprême, en promettant un destin meilleur. De « Make America great again » (Redonnons sa grandeur à l’Amérique) à « Pronti a risollevare l’Italia » (Prêts à relancer l’Italie), l’on touche aux mêmes cordes sensibles, celles qui vibrent à la même nostalgie d’un peuple jadis dominant. Les méthodes peuvent varier d’un continent à un autre, mais les thèmes restent souvent les mêmes : insécurité, immigration, trafic de drogue. 

Les Meloni qui émergent brandissent le mythe du déclin et promettent d’inverser la tendance. Ils se réclament “du peuple”. Mais d’un peuple, seulement…

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Une seule hirondelle ne fait pas le printemps ! Certes, en devenant le premier Premier ministre britannique d’origine indienne, il fait la fierté de la diaspora. Car il s’agit clairement d’un retour de manivelle de l’histoire. Hier les Britanniques dirigeaient, par la force des armes, la destinée de la Grande péninsule et des centaines de millions d’Indiens colonisés. Aujourd’hui, un Rishi Sunak est à la tête de l'empire britannique qui vient de perdre la reine Elizabeth. Rishi Sunak, qui a rencontré le roi Charles III hier, voit son dessin scellé avec celui du nouveau roi; les deux sont condamnés à oeuvrer ensemble pour sortir leur pays de l’impasse économique et politique.

Dans la rue, Sunak qui n’a pas été élu par le peuple mais “hand picked” par les députés aura fort à faire. Il est le troisième PM en trois mois (le mois dernier il avait été battu par Liz Truss parmi ceux qui ont besoin de lui aujourdhui) et les Britanniques en ont un peu marre du cirque qui ébranle le parti conservateur. À 42 ans, Sunak devient, outre le premier PM non-blanc, mais aussi le plus jeune ! Mais il aura peu de temps pour faire ses preuves avant les prochaines élections (peut-être en janvier 2025) et beaucoup de dossiers (inflation record, crise énergétique, la guerre en Ukraine)…Comme Obama, néanmoins, Sunak a bousculé l’Histoire contemporaine. Quant au bilan qu’il laissera, il est encore tôt. Et les brumes londoniennes ne se sont pas dissipées.