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Redresser la démocratie

4 décembre 2022, 14:00

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Fallait le faire ! Des sept pays ayant connu le plus fort recul démocratique en 2021, nommément le Brésil, le Salvador, la Hongrie, la Pologne, l’Inde, Maurice et les États-Unis, notre pays est le seul du continent africain – selon les conclusions de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA), basé à Stockholm. 

Les contre-exemples d’une démocratie constituent une réalité que nous vivons au jour le jour, sans nous en apercevoir, peut-être. Il ne faudrait pas minimiser l’analyse d’IDEA, comme le fait ce gouvernement face aux critiques de la presse libre et indépendante, en utilisant la propagande. 

Les limites de la démocratie, ce système politique dominant, vanté depuis la chute du mur de Berlin comme la seule alternative au communisme, au fascisme et au nazisme, sont illustrées, dans la conduite des affaires publiques, que ce soit au PMO, au Parlement, aux Casernes centrales, dans les organismes de contrôle et de régulation. Nous ne cessons de documenter les passe-droits, abus, dérapages, scandales, etc. 

Pour changer de cap, on ne peut plus compter sur ceux qui nous dirigent. Il nous faut agir afin de redonner foi aux partis politiques et partant, à la démocratie. Surtout dans notre contexte où le débat politique (et économique) commence et s’arrête sur la continuation ou la discontinuation de quelques dynasties et patronymes, qui tiennent en otage la réforme électorale longtemps promise, mais jamais aboutie. 

Si la démocratie est indéniablement le produit de la modernité, il importe donc de lui donner un coup de neuf, en misant sur davantage de transparence et de bonne gouvernance. La réforme électorale devrait donc à la fois permettre une révision du rôle des partis traditionnels, mais également une réforme du financement de ces partis. Si on connaissait les noms des généreux donateurs, on pourrait comprendre comment fonctionnait, jadis, la démocratisation et, désormais, l’autocratisation du pays et de l’économie. Notre démocratie, comme celle de bien d’autres pays, est peuplée d’affairistes qui ne pensent qu’à leurs intérêts. Il lui manque un nouveau cadre, de nouveaux démocrates, bref de nouveaux joueurs sur le terrain. 

Sur le papier, la démocratie, terme fourre-tout, signifie le libre arbitre des peuples à choisir leur système politique, économique, social et culturel. Dans la pratique, c’est autre chose. Il ne faut pas croire que la démocratie se résume à la tenue des élections tous les cinq ans. D’ailleurs, c’est sur ce critère que Maurice était classé en tête de liste des pays démocratiques en Afrique, hormis le fait que nous n’avons pas de guerre civile, comme dans ces pays du continent qui se partagent des frontières artificiellement établies par les anciennes puissances coloniales. 

Chez nous, comme ailleurs, on constate la défiance des jeunes envers la vie politique et ses politiciens – des personnes qui usent de tactiques électoralistes qui sont loin d’être démocratiques (copinage, communalisme, castéisme, achat de tickets et autres financements occultes, etc.). 

*** 

Même si le nettoyage de nos écuries est une bonne chose pour l’assainissement de nos pratiques politiques occultes, le climat de «vendetta», si manifeste, n’est guère propice pour l’avancement du pays et l’image de sérénité que nous voulons véhiculer. Notre regard ne devrait pas se braquer uniquement sur les images des coffres regorgeant de billets de l’un ou la collection de casseroles de l’autre. Il doit dépasser l’anecdotique pour se porter sur les principes et enjeux démocratiques. 

Le Karcher doit aussi et surtout pointer sur les ramifications mafieuses qui transcendent le jeu politique. Ces mêmes tentacules font et défont les alliances, avec la complicité de quelques happy few qui se partagent le gros du gâteau. En vertu d’un modèle dit consociatif.

Il est grand temps pour nous de faire évoluer notre Constitution et de la faire progresser vers une IIe République. Celleci nous permettra, d’une part, de nous défaire de ce lourd héritage postcolonial britannique, dont les mécanismes (entre autres, la séparation incestueuse des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire) émanant du pernicieux système divide and rule ne sont plus adaptés au contexte actuel. On peut voir les dégâts que peut causer une concentration des pouvoirs aux mains du leader de l’exécutif quand il contrôle aussi le Parlement et le speaker. 

Il nous faut, d’autre part, préparer demain en misant sur notre avenir commun qui dépendra beaucoup des liens entre notre développement et l’écologie eu égard aux vulnérabilités de notre île. Enfin, toujours en raison de notre profil insulaire, et dans le sillage de l’interminable lutte pour retrouver notre souveraineté sur les Chagos, il y a lieu, pour les gouvernements mauricien et indien, de jouer pleinement la carte de la transparence sur Agalega. Le peuple a besoin de savoir ce que les gouvernements décident au nom de son patrimoine. Souvent les influences externes, qui ne prennent pas toujours la forme de coups d’État, ne sont pas étrangères au sort des pays et à l’identité du futur ou de la future Premier ministre…