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La guerre totale
2023 serait donc une année qui s’annonce particulièrement chaude, mouvementée et éprouvante sur les plans politique, économique et social. Pas tant à cause du changement climatique qu’en raison des élections générales qui se profilent. LA question qui dominera : Pravind Jugnauth pourra-t-il conserver le pouvoir ou est-ce que Navin Ramgoolam saura composer une alliance pour lui arracher ce pouvoir tant convoité ? Bien évidemment d’autres acteurs politiques sont en échauffement le long du terrain, mais les Mauriciens, dans une large mesure, ne sentent pas encore leur poids pour l’instant. Dommage !
Les lois et règlements liberticides, l’agitation des institutions, les déclarations ministérielles et la servitude amplifiée de la MBC, la mise sous bol des conseils de district et de l’appareil d’État, presque tout porte à croire que nous allons assister à unevraie guerre ouverte, pas à une simple bataille électorale. Une guerre, avec encore plus de moyens qu’en 2019, qui sera sans pitié, non pas entre deux adversaires, mais entre deux ennemis personnels, deux fils des deux dynasties qui ont régné et qui voudraient, coûte que coûte, protéger leurs acquis. Quitte à couper le pays en deux. Et nous tous avec.
Il nous faudra aussi conjuguer avec les suiveurs du MSM qui vont se mesurer à ceux du PTr. Tant pis pour ceux, comme nous, qui n’ont pas une vision manichéenne de la vie. Les principes absolus du bien et du mal nous seront servis à la sauce orange ou rouge. Sans nuances, et sans état intermédiaire. Les autres influenceurs politiques, at some point in time, vont se ranger à l’un ou l’autre camp. Ayant réalisé, sans doute par manque d’audace, ou par pure complaisance exotique, que Maurice n’est pas encore prêt à se débarrasser à la fois d’un Jugnauth et d’un Ramgoolam, afin d’écrire un nouveau chapitre.
À se demander si nous serons, un jour, enfin prêts à dire non aux alliances stratégiques de convenance, contractées sur l’autel du communalisme (ou communautarisme), pour parachever notre ultime émancipation politique ?
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Comme l’affaire MedPoint, au Privy Council, était déterminante pour les législatives 2019, le procès de Suren Dayal contre les élus du numéro 8 aura, directement ou indirectement, un impact sur les élections qui se profilent. C’est la deuxième fois, après MedPoint, qu’un sitting Prime Minister d’un pays souverain aura à faire face à une cour de justice britannique, pour démêler l’écheveau d’une affaire de corruption électorale, qui ne nous choque plus, tant les électeurs sont devenus complices. En attendant, puisque tout le monde est un peu expert en tout chez nous, chacun revêt la toge d’un Law Lord et nous donne un avis, pas du tout autorisé ou éclairé, sur le verdict à venir.
Ici aussi, la dualité oppose ceux qui affirment que le Privy Council ne prendrait pas le risque de «déstabiliser» le gouvernement d’un pays, alors que d’autres expliquent qu’au contraire, le Conseil privé de Sa Majesté le roi, indépendamment des considérations politiques bien mauriciennes, pourrait s’élever au-dessus de la mêlée et sonner un utile rappel à l’ordre, en guise d’avertissement à tous ces leaders des pays (en développement) sur la moralité publique. Dont un principe cartésien voudrait qu’un dirigeant politique se doit de s’abstenir de puiser dans les caisses de l’État. En rappelant, précisément, le distinguo entre État et gouvernement.
Dépendant du verdict de Londres, qui, une fois encore, orientera notre cheminement politique, on sera fixé sur le calendrier électoral. Les conseillers des Jugnauth ne veulent pas miser sur un jugement favorable avant de rappeler le pays aux urnes; le risque est bien trop grand.
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Et l’express dans tout cela ? Témoins des acteurs politiques qui tantôt nous caressent, tantôt nous étranglent, nous maintiendrons notre ligne éditoriale qui n’est assujettie à aucune des familles dynastiques de Maurice. Alors que les flagorneurs de service vont chanter les louanges de leur prince respectif, nous soulignerons, nous, les spectres de l’instabilité politique qui impactent foncièrement l’économie ; le secteur privé, face au duel Jugnauth/Ramgoolam, risque de s’enfermer dans un attentisme prudent, pour ne pas dire opportuniste. Sur le plan économique précisément, la visibilité demeure faible. Malgré ces mesures sociales, progressistes, il devient évident qu’on n’arrivera pas à inverser la tendance, et que notre taux de croissance, qui est au centre d’une bataille de chiffres et de méthodologies, ne dépassera pas le niveau prépandémique.
Peut-être cultivons-nous, un peu trop, cette fâcheuse tendance à mélanger politique – qui devrait être un art noble – et politiciens (des personnes aux postures dynastiques que nous voyons quotidiennement se battre, en portant leur cash et leur caste en bandoulière). Ces quelques propriétaires de partis, qui semblent ne pas vouloir que Maurice s’émancipe du Best Loser System, du présent système électoral inique, et d’autres reliques coloniales…
Et cette question qui taraude : la presse est-elle le reflet de la politique ou son moteur ? Les travaux, entrepris depuis quelques décennies dans les nouvelles sciences sociales, et nos observations, au quotidien, permettent de nuancer fortement cette idée d’une presse toute-puissante. Comme chacun est finalement libre de son opinion et de ses choix (comme celui d’acheter ou pas un journal), politicien comme journaliste, le chassé-croisé entre ces deux corps de métier risque de demeurer imparable. Tant mieux. Certes, avec des moyens déloyaux ou immoraux, certains propagandistes, sous le manteau de journalistes indépendants et libres, vont, plus que jamais, nous imposer leur propagande ; la télévision nationale est, du reste, au service du gouvernement (du jour) pour intoxiquer les esprits à cet effet. L’objectivité ou l’impartialité journalistique, nous l’avons toujours dit, restera un mythe. Ceux qui estiment que la fonction du journaliste ne consiste qu’à regarder et enregistrer (en d’autres mots être des «spectateurs») puis à reproduire des propos, disons de Pravind Jugnauth ou de Navin Ramgoolam, sans les relativiser, sans les questionner, sans enquêter, ne comprennent, en fait, pas grand-chose au monde de la presse. Autant donc les laisser braire !
Si, par essence, on ne peut pas être objectif, en revanche, nous continuerons, contre vents et marées, notre devoir – moral et légal – d’être honnête vis-à-vis des faits d’actualité, pourtant loin d’être transparents à Maurice. La liberté d’informer, les règles de transparence (ces promesses jamais tenues par le pouvoir, quel qu’il soit) font de l’activité journalistique un pari audacieux – et risqué, surtout dans un pays en voie d’autocratisation.
À l’entame de cette année électorale, nous allons poursuivre notre mission de service public en mettant en relief, quand l’actualité le permet, la marchandisation de la pratique politique et l’indifférence au principe qui veut que l’action politique doit reposer sur des convictions. En attendant, chers lecteurs, toute l’équipe de l’express et de La Sentinelle se joint à moi pour vous présenter nos meilleurs vœux pour Noël et la nouvelle année. Merci pour la confiance que vous nous accordez chaque jour. Oui, contrairement au MSM et au PTr, l’express va aux élections générales chaque matin… depuis 1963. C’est dire que nous avons été témoins à quel point certains hommes et femmes préfèrent la guerre des clans au travail collectif. Encore une fois dommage…
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