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Notre pays bien-aimé

28 décembre 2022, 12:00

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Notre pays bien-aimé

Tout va très bien, Madame la Marquise, rassurent les super conseillers… Il paraît même que 2023 sera l’année de sortie de la crise. Pas encore une année facile, certes, mais l’année des investissements, des chantiers et du retour de plus d’un million de touristes. Elle sera en même temps, selon les signes avantcoureurs, l’année de la vie chère et des porte-monnaie vides.

Chacun sait avec quelles sueurs froides les timorés de la majorité gouvernementale ont accueilli le dernier Budget. Après avoir atteint la limite des emprunts auprès des institutions de Bretton Woods, l’alternative d’un réalignement économique sud-sud a été rapidement brandie. Maurice s’est offert comme courtier et tête de pont entre les deux géants de l’Asie et les marchés africains – ce qui ne fut pas pour leur déplaire. L’intérêt grandissant de la Chine pour notre réseau Safe City et les équipements dernier cri de Huawei et celui de l’Inde pour Agalega font tiquer les autres ambassades dans un monde où chacun, du plus gros au plus petit, a plus ou moins le dos au mur. Mais le forcing économico-diplomatique a été mené avec conviction. Et, comme pour les soûlards, il y aurait un ange gardien pour Maurice. Cependant, la guerre pour éviter le pire et celle qu’a fait éclater Poutine en Ukraine ne sont pas finies – elles vont requérir patience, intelligence et effort pendant de nombreuses années pour rattraper l’économie pré-Covid/pré-guerre ukrainienne. En aucun cas on ne peut souffler.

C’est sur le front international qu’on trouve le plus facilement des raisons de blâmer les autres ; c’est sur le front intérieur que l’héritage du gouvernement présent reste imputable au régime précédent. Reconnaître soi-même ses torts est un exercice qui dérange le mindset moderne. Mais n’est-ce pas en nous-mêmes que pullulent les virus ? Quand nous étions bambins, la défense classique était «pa mwa sa, li sa». Nous sommes des bambins qui n’ont pas grandi.

Dans le domaine des institutions on ne trouve pas seulement la Mauritius Broadcasting Catastrophe (MBC). La Financial Crime Commission veut renaître sur les cendres de l’Independent Commission against Corruption (ICAC), pourtant frappée des mêmes malédictions. Et dire que l’ICAC a pris tout son temps pour éplucher les derniers rapports annuels de l’Audit pour donner la chasse à tous ceux qui, par négligence, ont laissé dilapider l’argent public, mais beaucoup de mandarins sont restés debout, intouchables.

La cupidité, le farniente ne sont pas de bonnes fréquentations pour un pays comme le nôtre, qui mérite une réforme sincère. L’ouvrier chargé d’un travail qui ne tient pas parole ; le journalier qui ne respecte ni les heures, ni l’esprit de son contrat ; l’emprunteur insolvable, qui pousse des cris de putois ; tout cela illustre la faillite des mentalités, l’habitude de l’indiscipline, la pourriture sociale que les institutions sont censées décourager et dont elles sont elles-mêmes de pernicieux exemples.

Non ! Tout ne va pas très bien, Madame la Marquise. Votre jument risque de périr parce que vos écuries vont brûler, et si elles brûlent c’est que le château va être englouti dans les flammes. Mais à part ça…

Que nos vœux ne soient pas «bonne année» mais «ne pleure plus mon pays bien-aimé».