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Braises et cendres
Mettons de côté les partis traditionnels de l’opposition comme le PTr, le PMSD et le MMM, et attardons-nous sur les nouveaux partis qui agitent le landerneau politique. À écouter les Roshi Bhadain, Patrick Belcourt, Dev Sunassy, Géraldine Hennequin, Sherry Singh, il règne un sentiment de profonde désolation devant la gestion de notre pays. Chez beaucoup d’autres, c’est surtout un sentiment de dégoût. Mais pour ceux qui profitent du régime actuel, tout va bien, et nous avons le meilleur PM du monde. Selon ces chatwas, ce serait la presse ou l’opposition qui créent ce malaise ambiant dans le pays.
C’est dans ce climat que se déroulent les feuilletons Laurette et Franklin, deux films à rebondissements, sur fond de trafic de drogue et d’associations mafieuses. S’il est invraisemblable que le gouvernement tolère l’importation de drogue, en revanche, la perception que ceux qui entourent le Premier ministre soient impliqués est, elle, réelle. Hier la décision de Pravind Jugnauth de soutenir, jusqu’au bout, l’avocat fétiche de Veeren, en l’occurrence Me Raouf Gulbul (candidat battu aux dernières élections), qui avait été catapulté à la tête de la Gambling Regulatory Authority et de la Law Reform Commission, l’avait gêné, tout comme sa proximité avec Kala Prison, alias Roubina Jadoo-Jaunbocus. Aujourd’hui, la police du commissaire Dip, la Special Striking Team de Jagai et l’ICAC de Beekarry n’arrivent pas à convaincre le grand public de leur bonne foi, encore moins de leur indépendance.
Avant Laurette, les propos de Veeren, lors des audiences de la commission Lam Shang Leen, levaient quelque peu le voile sur le financement occulte des partis politiques. En l’absence de lois garantissant la transparence et la moralité en politique, n’importe quel trafiquant pourrait venir incriminer les politiciens de n’importe quel parti. Tant pis pour ces politiques s’ils ne veulent pas légiférer. Ils auront toujours des enfants sur la tête desquels ils pourraient faire serment, quand ils ne prient pas des divinités célestes.
…
21 février 1999. Pour avoir fumé un joint en public, le seggaeman Joseph Reginald Topize a trouvé la mort. Bon, l’histoire est un peu plus compliquée que cela. Tout commence par un concert pour la dépénalisation du gandia tenu le 16 février à Rose-Hill, organisé par le (défunt) Mouvement républicain de Rama Valayden. Ce jour-là, ils sont plusieurs à rouler leur joint au nez et à la barbe de la police. Kaya et d’autres artistes allument le leur sur scène. Le lendemain, la presse en parle pour démontrer que le gandia est banalisé, que la police s’en fiche, et qu’il y a lieu d’entamer ce débat redouté. Ce qui agace l’hôtel du gouvernement et les Casernes centrales.
Deux jours plus tard, à l’aube, la police vient cueillir à leur domicile les chanteurs identifiés sur les photos. Faute de preuves, elle les relâche. Sauf que Kaya avoue et insiste avoir fumé du gandia devant la foule. Pour lui et pour des milliers d’autres, cela ne devrait pas être un crime que de consommer du cannabis, légal à Maurice entre 1883 et 1934, sous la colonisation britannique. Kaya reste en cellule, son avocat se trouvant à Rodrigues. Malgré cela, sa famille réussit à réunir la somme pour payer la caution (qui n’était pas aussi élevée que les deux de Rs 1 million chacune réclamée à Laurette), mais sa libération est remise à lundi pour des raisons administratives.
Mais il ne verra pas la couleur du ciel. Il meurt en cellule, à Alcatraz, alors qu’il est censé être sous surveillance policière. La presse rapporte maladroitement qu’il aurait subi, dans sa cellule, une fracture du crâne. Ce qui provoque une onde de choc et de colère parmi la population.
Vingt-quatre ans plus tard, une vaste hypocrisie entoure encore la dépénalisation ou la légalisation du gandia, même s’il y a eu quelques progrès notables par rapport au cannabis medical. En attendant, les braises se consument loin des regards.
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