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Briser le plafond de verre
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Briser le plafond de verre
Qu’on ne se voile pas la face. Le changement est en marche et nombreuses sont les femmes qui évoluent et gravitent autour des différents échelons de la hiérarchie de l’entreprise. Cependant, une lecture de la composition des conseils d’administration des grands conglomérats du pays figurant dans la dernière édition de Top 100 Companies, comme celles des éditions précédentes, démontre hélas une autre réalité, celle qui montre que les femmes Chief Executive Officer (CEO) ou celles s’apprêtant à le devenir peuvent se compter sur le doigt d’une main.
Du coup, faut-il s’étonner qu’on ne recense qu’un peu plus de 10 % de femmes siégeant aux conseils d’administration du privé alors que la moyenne en Europe est de plus de 35 % ? (Voir l’étude de Deloitte en page 14) Certes, on peut légitimement se demander pourquoi cette réticence du privé à faire valoir les compétences féminines dans ses conseils d’administration, celles susceptibles de mettre au profit d’une société en tant que membres indépendantes et non celles, qui en raison de leur patronyme avec la holding familiale, s’y retrouvent de facto.
À y voir plus clair, doit-on comprendre que dans la démarche de certains CEO de fermer la porte de leur board aux grosses pointures féminines, il y a forcément une certaine réalité à laquelle une cadre supérieure du privé est généralement confrontée, celle de se retrouver à un certain moment de sa vie professionnelle à la croisée des chemins et devoir choisir entre sa vie familiale et sa carrière. Difficile choix, certes, mais dans le passé des femmes sacrifiaient carrément leur carrière ou refusaient des promotions aux packages financièrement alléchants mais impliquant en contrepartie d’importantes responsabilités et des heures indues de travail.
Or, aujourd’hui, on retrouve un nouvel état d’esprit chez des professionnelles qui s’obstinent à faire des concessions sexistes quant à l’avenir de leur carrière et se disent prêtes à faire sauter des tabous. Tout en sachant que quelque part elles devront faire face à des dommages collatéraux, vu le fragile équilibre entre vie familiale et professionnelle. Pour autant, la représentation féminine progresse et s’améliorera au fur et à mesure, selon l’économiste Pierre Dinan. Ainsi, il y aura, dit-il, des voies disponibles pour que la femme grimpe au sommet de la hiérarchie au niveau de son entreprise, tout en rappelant qu’il existe des instances comme le Mauritius Institute of Directors (MIoD) qui préparent les femmes à faire leur entrée aux conseils d’administration.
Mais au-delà, il faut se rendre à l’évidence qu’aujourd’hui, plus qu’hier, les femmes ont pu vaincre des préjugés qui voudraient faire croire que certaines professions n’étaient réservées qu’aux hommes, telles que pilotes d’avion, ingénieurs mécaniques ou encore conducteurs de poids lourds, entre autres. On est tenté de croire qu’avec le temps, l’apport de l’éducation et l’esprit combatif et compétitif de jeunes filles qui refusent d’être enfermées dans des cages, le plafond de verre est en train d’être brisé. Tant mieux. Pierre Dinan maintient à juste titre que «ce n’est pas au sexe d’une personne qu’il revient d’évaluer son aptitude à remplir un poste, mais à l’étendue de sa formation professionnelle en la matière». Car on envisage mal, selon lui, «une femme remplissant un poste qui requiert une grande force physique, tel que celle d’un débardeur ; il y en avait à Port-Louis au siècle dernier, tout comme on envisage mal un homme agissant comme nourrice d’un nourrisson» Encore qu’on ne sache pas l’apport des nouvelles technologies à certaines professions…
Même si l’on observe un début de changement sur les boards, avec des femmes et des jeunes qui y font leur apparition, il y a encore un long chemin à parcourir pour rétablir l’égalité des genres. Cela, contrairement à la fonction publique où la gent féminine est largement représentée dans des postes de responsabilité au sein des ministères, des corps para-étatiques et autres entités gouvernementales où elles sont appelées à prendre des décisions quotidiennes. D’ailleurs, c’est une avancée significative face au privé que l’État se plaît à mettre en avant. Pas plus tard que dimanche, le Premier ministre s’est vanté des progrès réalisés à ce niveau en rappelant que l’égalité homme / femme doit être une priorité qui ne souffre d’aucune contestation.
En fait, l’égalité des sexes est un droit dont, par principe, tous sans distinction devraient profiter et dans tous les domaines de la vie. Ce droit, même s’il est édicté, continue de faire polémique dans certains pays, voire sa non-application pour diverses raisons, mais surtout à cause des préjugés socioculturels et comportementaux à l’égard des femmes. Malgré les efforts, voire la sensibilisation à ce sujet par l’Organisation internationale du travail, le phénomène continue d’exister. La problématique du genre présente plusieurs facettes car, outre la faible représentativité féminine dans certains secteurs, il y a parallèlement des abus sexuels.
Quoi qu’il en soit, les multinationales imposent aujourd’hui de nouveaux paramètres dans leur politique de recrutement car, outre la diversité de la main-d’oeuvre, il y a nécessairement un équilibre à respecter dans le travail égal pour un salaire égal afin d’éviter toute discrimination. Sans doute, on n’y arrivera pas totalement mais l’espoir est présent comme Michelle Obama, l’épouse de l’ex-président américain, soulignait, il y a quelques années, «qu’il n’y a pas de limites à ce qu’une femme peut accomplir et qu’une société qui se veut progressive doit offrir des opportunités à tout le monde».
Si les femmes sont sousreprésentées dans des postes décisionnels à Maurice, faut-il connaître les vraies raisons ? Des experts diront que l’espace décisionnel demeure foncièrement patriarcal et que les partisans de cette posture dans des conglomérats souhaitent qu’il reste ainsi. Pourtant, des études sur le sujet démontrent que les femmes occupant le poste de CEO sont tout aussi compétentes que leurs homologues masculins. De ce fait, il y a d’autres facteurs que la compétence, dont l’héritage socio-économique et culturel qui entraîne cette sousreprésentation des femmes et c’est loin d’être une spécificité mauricienne car le phénomène est mondial. Aux États-Unis, dans les 500 plus grandes entreprises, il n’y avait que 6 % de femmes CEO l’année dernière.
L’espoir est-il toujours permis ? À Maurice, certains conglomérats disposent-ils d’une feuille de route et d’une stratégie pour encourager la promotion des femmes aux postes décisionnels ? Oui, disent certains CEO, qui espèrent atteindre 35 % de femmes à des postes de management d’ici 2025 et 30 % aux conseils d’administration d’ici 2030. Entendons-nous bien ? Est-ce un engagement sincère, permettant une transition vers une meilleure parité dans les prochaines années ? L’avenir nous le dira.
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