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Ségas racistes, héritage esclavagiste
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Ségas racistes, héritage esclavagiste
L’affaire du séga entonné par des élèves du collège Royal de Curepipe risque de prendre une tournure extrêmement dangereuse car des mouvements sectaires cherchent à exploiter la situation afin d’en récolter des gains.
Ce qui est à craindre le plus, c’est que les premiers mouvements sectaires qui se soient manifestés jusqu’ici provoquent un backlash foudroyant et peut-être même violent de la part d’autres organisations qui cherchaient elles aussi à galvaniser leur base. Ce qui pourrait devenir l’épisode Kaya revisited.
Le plus grand danger qui pourrait tout chambouler prendrait la forme de gestes hostiles et même violents envers des étudiants de certains établissements scolaires du pays.
Les Mauriciens ont heureusement acquis une maturité remarquable en résistant éventuellement à l’appel d’incendiaires patentés. Comme cela s’était produit après quelques jours de violence dans le sillage de l’affaire Kaya.
Dans le contexte de 2023, une fois tous les risques d’escalade écartés, il faudrait organiser des séances de réflexion sur l’unité nationale et les causes de tension entre différentes composantes de la population. Au départ même, il faudrait remonter dans le passé pour comprendre dans quel contexte social, politique et culturel des ségas controversables furent composés et qui en furent les auteurs. Des compositeurs ont-ils donné libre cours à certains préjugés ?
Le séga controversé actuellement viserait à dénigrer trois composantes de la population. Mais les propos à l’encontre d’une section de notre société reflètent un sentiment de haine raciale inacceptable dans un pays qui célèbre les 55 ans de son indépendance.
Des réflexions devraient aussi se porter sur les limites de l’humour dans nos chansons quand il est question de références bénignes à des groupes ethniques. Par exemple, que dirait-on dans le contexte de 2023 du séga exécuté dans un accent oriental, il y a plus de 70 ans, où le chanteur exprime sa tristesse avec ces mots – «dal mo doné, douri mo doné, kifer to finn mor Tambi» ?
Lors de ces séances de réflexion, il faudrait aussi se pencher sur les séquelles de l’esclavage et de l’engagisme sur la psyché des Mauriciens. Il semblerait que l’expérience mauricienne du colonialisme tant français que britannique, de l’esclavage et de l’engagisme ait été marquée par une fragmentation sociétale, ethnique et communale inégalée par rapport à d’autres sociétés ayant connu le même processus d’assujettissement à l’Européen. Cela ne s’est pas produit dans des sociétés marquées par l’esclavagisme aux Caraïbes, aux États-Unis et en Amérique latine. Aux États-Unis, des divisions fines et subtiles basées sur la couleur de la peau et entretenues de génération en génération comme cela se pratique à Maurice n’existent pas. On dit aux USA que l’épiderme d’un Noir américain se décrit de White-White to Black-Black.
On a assisté ces derniers années à une remise en cause fondamentale des séquelles de l’esclavagisme en Amérique du Nord et en Grande Bretagne. On enlève graduellement mais inéluctablement les symboles de l’esclavage. En Grande Bretagne, dans le port de Bristol précisément, des manifestants, blancs comme noirs, soutenant le mouvement Black Lives Matter, ont déboulonné la statue sur la place publique d’un marchand d’esclaves, Edward Colson (1636-1721), pour la jeter dans une rivière. On a certes récupéré la statue mais elle n’est plus exhibée en public.
Si on laissait faire à Maurice ces Américains et ces Britanniques qui veulent sincèrement effacer les séquelles d’un système hautement condamnable qui oppressa les Noirs, ils commenceraient par donner de nouveaux noms à des localités comme le village de d’Epinay qui honorent des esclavagistes d’antan. Et le clou du spectacle serait l’immersion de la statue de Mahé de La Bourdonnais dans la rade de Port-Louis car le gouverneur français avait possédé des esclaves.
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