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À la gloire de CCK

2 avril 2023, 00:35

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Hier, 1ᵉʳ avril, on aurait pu facilement croire à un poisson d’avril en parcourant le communiqué émis par la Financial Intelligence Unit (FIU) et diffusé par le Government Information Service. Le communiqué, qui vient rappeler le rôle de la FIU et défendre la directrice Carine Charlette-Katinic (CCK) et les officiers de l’organisme, en maintenant que CCK n’est apparentée à aucun membre du cabinet et que la FIU est apolitique, travaille avec le FBI, se finit ainsi : «The FIU is greatly indebted to: (a) its Director and Officers (…) for their assistance in investigating matters of a scale which have never been uncovered in our jurisdiction.» C’est un peu comme si le PMO sort un communiqué pour remercier Pravind Jugnauth, ou encore, Steve Obeegadoo qui est décoré Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (GCSK), comme Alan Ganoo l’a été alors que l’affaire Franklin éclatait. Encore heureux que le ministre-cerf ne l’ait pas été… 

Donc, la FIU veut nous faire avaler que le gel des avoirs de Bruneau Laurette, de Sherry Singh et d’autres n’a rien de politique. Logique, nous dit-on, puisque sa directrice est d’un niveau remarquable, si l’on en juge par sa bio data: «She was appointed in March 2021 as Director of the FIU (…) CCK is very proud and feels honoured to serve her country as the Director General of the FIU Mauritius – the organization focused on safeguarding Mauritius’ reputation as a jurisdiction of the highest standards. Above all else, Carine is passionate about her work, risk management and compliance.» Quelle chance pour le pays, pourrait-on dire. Mais l’autoglorification dont elle fait maladroitement preuve depuis qu’elle accorde des interviews à la presse ne lui fait pas honneur. Et nuit à son action, pourtant nécessaire. Aussi, elle doit prendre ses distances de ces conseillers qui transforment les institutions en forces mafieuses. 

*** 

Les autorités doivent comprendre que l’information publique, davantage que la communication institutionnelle, demeure un élément clé pour changer la mauvaise perception dont le centre financier fait fréquemment l’objet. À titre d’exemple, les Mauritius Leaks, publiées en juillet 2019 à la suite d’une collaboration entre notre rédaction et l’International Consortium of Journalists (ICIJ), étaient des signaux sur lesquels il fallait travailler en bonne intelligence, au lieu de tirer sur le messager et de se focaliser sur le message essentiel. 

Pravind Jugnauth, sur les conseils de ses ministres, avait qualifié notre démarche d’«antipatriotique», alors que nous ne faisions que faire remonter à la surface ce qui se tramait contre nous, peu avant notre inclusion sur la liste noire. L’ICIJ et l’express n’avaient fait que relever des faits qui, du reste, n’ont jamais été contestés. Chacun – opérateurs de l’offshore, autorités censées réglementer le secteur, lecteurs et citoyens – était libre de tirer ses propres conclusions de ces faits mis en avant pour sonner l’alerte. 

Certes, à l’époque, on s’attendait à la levée des boucliers des opérateurs et du gouvernement. Car, comme dans le sillage des Panama Papers, Offshore Leaks et Paradise Papers, les Mauritius Leaks avaient agité l’opinion et provoqué maints débats, certains stériles, d’autres constructifs. Maurice entre «optimisation et évasion fiscale». Maurice, «l’île qui siphonne les rentrées fiscales de l’Afrique». Ou encore Maurice, «havre de paix et paradis fiscal des Sud-Africains»… 

Dans notre article liminaire qui avait révélé les Mauritius Leaks aux Mauriciens (en date du 23 juillet 2019), nous avions pris soin d’écrire : «Les documents ne démontrent pas des pratiques illégales, comme dans le cas des Panama Papers, mais ils suffisent pour démontrer le modus operandi traditionnel – et légal – des Management Companies mauriciennes pour aider leurs clients à fuir les taxes élevées dans leurs pays d’opération. Tout en gardant leurs fonds à Maurice, où les sociétés offshores ne sont taxées qu’à hauteur de 3 % maximum. Ces révélations choquent le monde, mais particulièrement les pays africains avec qui Maurice a signé des traités de non-double imposition (…)». Par la suite, le projet de loi contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme s’est avéré une réaction, certes tardive, positive ; il est venu compléter la série de réformes entreprises par Maurice sous les pressions combinées de la Grande péninsule (qui a choisi d’enterrer son DTAA avec nous), du GAFI, de l’Union européenne et de l’OCDE. 

L’un des pères de l’offshore mauricien, Rama Sithanen, a raison d’insister qu’il y a quatre aspects à considérer sur la réputation de notre secteur offshore : 1) What we think we are (Government, EDB, FIU) ; 2) What they think we are (perceptions des pays concurrents et de la presse internationale) ; 3) What we really are (are there some rotten fruits in the basket? Should we do some ‘soul searching’ ?) ; 4) What they want us to become (GAFI, Union européenne, OCDE). 

On l’a souvent dit : entre les réalités plurielles et les perceptions, tout n’est ni tout à fait blanc, ni tout noir dans le monde, il y a beaucoup de zones grises. Le monde post-lockdown n’est pas un jardin d’enfants. Le manque d’efficacité de nos institutions, comme l’Independent Commission against Corruption, la Financial Services Commission, la Banque de Maurice, l’Economic Development Board ou la FIU va continuer à impacter négativement notre image au lieu de protéger un secteur complexe qui emploie directement 15 000 personnes (et probablement le double, indirectement). Peupler nos institutions de petits copains et petites copines ne va pas aider notre cause commune. CCK doit se ressaisir.