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Vie économique et train de vie
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Vie économique et train de vie
D’aucuns estiment que le gouvernement attend le prochain Budget pour annoncer une baisse des produits pétroliers alors que d’autres pensent que Renganaden Padayachy n’a pas les coudées aussi franches qu’il n’en donne l’air et que les dépenses liées à l’affaire Betamax sont venues compliquer la donne.
En 2020, première année de la pandémie, la croissance avait connu une contraction inédite de 15 %. Ce qui avait cassé notre business model, qui souffrait déjà de plusieurs carences structurelles, bien avant l’apparition du coronavirus. Depuis, la croissance économique se mesure par rapport à cette contraction historique. Le niveau de 2019 n’ayant toujours pas été retrouvé et nous ne sommes plus dans la ligue des High-Income Economies ; les revenus par tête d’habitant sont passés de USD 12 300 en 2019 à USD 8 600 en 2020, avant de remonter laborieusement la pente. L’aide étatique (notamment le Wage Assistance Scheme et le Self-Employed Assistance Scheme qui ont coûté environ Rs 20 milliards) pour soutenir financièrement les ménages et les entreprises (et partant, l’économie elle-même) aura réussi son pari à accroître notre résilience collective, après le terrible choc.
Alors que les consultations budgétaires sont en cours, il semble y avoir unanimité que les défis liés à la reprise sont à la fois énormes et urgents, et que la tâche du gouvernement s’avère toujours ardue, en particulier à cause du niveau insoutenable de la dette, d’un déficit budgétaire préoccupant, d’un déficit de la balance commerciale et d’une balance des paiements déficitaire, d’une inflation en hausse et d’une roupie qui se déprécie durablement.
Bref, il y a cette nécessité absolue de repenser/ restructurer l’économie post-Covid. Dans cet élan, certains acquis doivent être questionnés ou remis sur le tapis, même si le contexte pré-électoral ne s’y prête guère : le ciblage pour la pension universelle, par exemple, ou cette vieille proposition de Rama Sithanen d’augmenter l’âge de la retraite à 65 ans ; ou encore les pensions à vie des parlementaires ou anciens présidents ou vice-présidents de la République ; le nombre excédentaire de corps parapublics peuplés de chatwas politiques qui plombent les finances du pays et alourdissent davantage notre fonction publique pléthorique.
Réparer l’économie devient encore plus compliqué avec un gouvernement et une opposition dysfonctionnels, incapables de mettre leur ego de côté pour le bien commun. Et qui font de l’affrontement systématique au lieu d’œuvrer pour des réformes difficiles, mais nécessaires.
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Bloc par bloc, secteur par secteur, Maurice s’est hissé parmi les pays à revenus intermédiaires, puis, brièvement, pendant une année, au sein des pays à revenus élevés. Puis, le château de cartes s’est écroulé. Sont venus des vents contraires, de plus en plus forts : un accaparement des principaux partis politiques par des patronymes connus de la place (qui ont fini par devenir comme le secteur privé qu’ils dénonçaient à leurs débuts), une mauvaise gouvernance basée sur le népotisme ambiant et grandissant, l’argent de la drogue, qui s’est infiltré un peu partout, provoquant fraude et corruption à plusieurs niveaux, une immaturité politique au plus haut échelon, l’appât du gain facile, la fraude et la corruption.
Aujourd’hui, tous les patriotes ne peuvent que mesurer l’aggravation simultanée des inégalités. Les équilibres sociaux chancellent. Ceux du climat et du vivant s’effondrent. Les fils et filles du sol sont désemparés. Chacun craint pour son emploi, sa sécurité, son environnement, sa santé et l’avenir de ses enfants. La fuite des cerveaux s’intensifie. La marche triomphante du progrès mauricien prend de plus en plus des allures d’un vaste malentendu.
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Jadis, les décideurs politiques s’entendaient sur le fait que l’endettement du gouvernement ne devrait jamais dépasser la limite conventionnelle de 50 % du PIB. Ce principe a été scrupuleusement respecté ; puis, pour financer l’économie et boucher les trous, le plafond de la dette a été supprimé et la discipline budgétaire, condition essentielle d’un régime de ciblage de l’inflation robuste, a été supprimée.
Dans une récente interview, Ramesh Basant Roi expliquait que le succès d’un régime de ciblage d’inflation ne dépend pas exclusivement de la Banque centrale. «Je veux dire par là que les politiques anti-inflationnistes de la BoM ont toujours été annulées par le financement inflationniste des dépenses publiques (…) La discipline budgétaire est en effet une condition nécessaire au succès d’un régime de ciblage de l’inflation dans une petite économie ouverte et dépendante du commerce comme la nôtre.»
Cependant, le gouvernement ne nous donne aucunement l’impression de vouloir réduire son train de vie. Et il suffit d’une petite augmentation en pourcentage des dépenses publiques pour avoir un impact important sur la demande globale et les prix dans l’économie. Ce qui est grave : c’est que nous avons dépassé le point de basculement depuis longtemps. L’économie est au creux d’un cycle. Ce qui résulte en une tension sociale, des institutions usurpées, des valeurs traditionnelles bouleversées.
On ne voit pas encore d’embellie au milieu des nuages noirs : un bilan de la Banque centrale gravement détérioré, un bilan budgétaire encore plus tendu par le surendettement, et un déficit global de la balance des paiements aggravé par les fuites de capitaux. Ce ne sont pas des problèmes triviaux.
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