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Budget : l'économie sacrifiée ?

2 juin 2023, 09:15

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Sur toile de fond d’une économie mondiale qui ralentit, notre ministre des Finances fera ce soir un grand oral qui devra à la fois tenir compte de la crise polymorphe qui nous impacte et de l’échéance électorale encore incertaine (à cause de l’appel de Suren Dayal au Privy Council). Les défis multidimensionnels auxquels le peuple est confronté dépassent de loin la seule circonscription de Rivière-des-Anguilles/ Souillac de Renganaden Padayachy : après la pandémie dont la feuille de route est loin d’être finalisée, il y a toujours : 1) le conflit en Ukraine dont on ne connaît ni l’impact, ni l’issue; 2) la lutte pour contenir l’inflation sur les plans international et national ; 3) le chaos sur le marché énergétique et l’incertitude des prix des produits pétroliers (excessivement chers chez nous qui finançons la note Betamax ;lePrice Stabilisation Account de la State Trading Corporation qui accuse un déficit de Rs 4,7 milliards ! ; 4) le déclin progressif de la démocratie d’une part et, d’autre part, la poussée de l’autocratisation et du populisme qui chamboulent les relations internationales ; et 5) la crise climatique et ses conséquences inégales sur différentes parties du globe ; ce qui rend difficile l’élaboration de politiques de lutte et d’adaptation.

Le FMI prévoyait, il y a quelques semaines, que, selon les prévisions de référence, la croissance devrait ralentir de 3,4 % en 2022 à 2,8 % en 2023, avant de s’établir à 3,0 % en 2024. Et si dans le scénario de référence, l’inflation globale mondiale passe de 8,7 % en 2022 à 7 % en 2023 (sous l’effet de la baisse des prix des produits de base), il importe de relever que l’inflation sous-jacente ne va pas diminuer plus rapidement. Un consensus qui se dégage : dans la plupart des pays, l’inflation ne devrait pas revenir à son niveau cible avant 2025.(Voir tableau ci-dessus).

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Cette année encore, l’on surveillera le ministre des Finances sur la forme et sur le fond. Comment fera-t-il cette foisci pour jongler avec le Consolidated Fund et le Capital Fund afin de réconcilier les revendications et attentes citoyennes, tout en respectant les consignes des institutions internationales, qui sont inquiètes de notre trajectoire économique (surtout l’endettement public) ?

En juin 2020, quelques mois après le début de la crise sanitaire,l’expressécrivait ceci pour le premier Budget de Renganaden Padayachy : «Que son discours du Budget soit en français ou en anglais, ce n’est pas cela qui compte. Ce qui importe, c’est que ses mesures, en ce temps de crise, parviennent à redonner du peps à l’économie et confiance aux investisseurs et partenaires sociaux. Les temps et les lois ont changé durant ces dernières semaines : avec le coronavirus qui a plongé le monde entier dans un chaos inimaginable et in-imaginé et la manne financière (de Rs 158 milliards) provenant de la Banque de Maurice, le ministre des Finances peut se permettre des mesures fortes et innovantes afin de relancer les secteurs du tourisme, des services financiers et de la construction, tout en favorisant l’émergence du développement durable, des énergies renouvelables, de l’économie bleue et de l’agriculture raisonnée. Le tout dans une double stratégie nationale de relance et d’adaptation au changement climatique, l’autre enjeu occulté, ces temps derniers, par le Black Swan qu’est le Covid-19.»

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À la crise sanitaire – qui a provoqué une contraction inédite de 15,2 % en 2020 par rapport à 2019 – est venu, comme rappelé plus haut, se greffer la guerre en Ukraine. Pandémie et guerre, deux mots que nous entendrons encore et encore. Certes, les deux facteurs exogènes pèsent lourd dans la balance nationale, mais on ne devrait pas pour autant oublier nos gaspillages et pillages de l’argent public, comme révélés de manière répétée par la presse, le Bureau de l’Audit et le Public Accounts Committee. Car en vérité : l’économie donnait des signes d’essoufflement depuis 2015 au moins, en termes d’endettement en hausse, de croissance en baisse et de balance commerciale problématique.

Padayachy a utilisé la Banque centrale comme un ATM. Résultat des ponctions gouvernementales : celle-ci dépend largement d’une roupie dévaluée pour générer des surplus et des réserves, quitte à doper l’inflation. Et quand la roupie s’apprécie, c’est le bilan financier de la Banque centrale qu’il faut alors… masquer ! Fait notable : depuis 2014, la roupie s’est dépréciée d’au moins 40 % vis-à-vis du dollar. Cela pèse lourd dans le panier du consommateur d’un pays qui ne produit pas grand-chose, même pas des bicyclettes.

Outre l’économie, et ses indicateurs macroéconomiques (dette publique, déficit budgétaire, balance commerciale), l’exercice de cet après-midi devrait surtout se focaliser sur le moral des consommateurs-électeurs.

Va-t-on enfin vers un ciblage à visage humain : relancer une vraie Solidarity Tax, réserver la pension universelle à ceux qui sont vraiment dans le besoin, corriger les imperfections de la CSG, protéger l’emploi (au lieu de tenter de préserver tous les emplois) tout en boostant la productivité, et créer de nouveaux piliers économiques, s’armer contre le changement climatique en réduisant nos importations de produits pétroliers.

Dans le ciel mauricien, il y a quand même une embellie pour l’industrie manufacturière, le tourisme et le secteur des services. Dans quelques heures, l’on verra si Padayachy peut passer des théories internationales aux réalités mauriciennes. Le Budget 2023-24 sera forcément social et politique, car les prochaines élections peuvent intervenir n’importe quand, entre maintenant et début 2025…