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Le règne des ripoux

12 juin 2023, 14:39

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Rivalité malsaine entre unités de police par rapport au «reward money» ; non-respect de l’identité des sources ou indics ; disparition et revente de drogues saisies ; perquisitions pour piéger ou intimider ; colis de drogue «plantés» ou «augmentés » ; combines entre flics; complots à plusieurs niveaux ; chantages ; fausses preuves ; trahison entre trafiquants et guerre de gangs ; trafic coordonné de la prison centrale avec l’aide de facilitateurs en uniforme ou en civil ; mandat d'arrêt déjà signé mais non rempli; conseils judicieux d’hommes et femmes de loi payés rubis sur ongle dans le dos de la MRA; démantèlement recommandé de notre brigade antidrogue après la commission d’enquête Lam Shang Leen; mais démantèlement avorté parce que le PM trouvait que l’ADSU de Choolun Bhojoo travaillait bien; mutation ensuite du même Bhojoo et retour en force de l’ASP Ashik Jagai ; création de la terrible PHQ Special Striking Team; arrestation des petits marchands ou des mules alors que les gros bonnets restent protégés; signes de richesse extérieure de certains policiers engagés dans la lutte contre la drogue ;120 grosses saisies de drogue qui n’engendrent que... trois condamnations durant les cinq dernières années. Les faits sont têtus mais nous détournons encore le regard de l’essentiel : une bonne partie de notre société demeure sous l’emprise du trafic de drogue, dont le chiffre d’affaires n’est pas loin de notre Produit intérieur brut ! Une économie parallèle.

Depuis vendredi, avec les nouvelles bandes sonores que la presse a rendu publiques, le public commence à s’inquiéter davantage du règne actuel de certains ripoux qui semblent avoir pris la loi entre leurs mains non pas pour servir, mais pour se servir. Les extraits sonores que nous avons écoutés ne révèlent rien de nouveau : des ripoux ont toujours existé au sein de la police, mais la majorité des policiers, qui font leur travail honnêtement malgré les challenges, arrivaient jusqu’ici à les contenir. Ce n’est plus le cas. Les ripoux ont compris qu’il leur faut effectuer des manoeuvres politiques et intégrer les ramifications mafieuses qui sont à la tête du juteux trafic des drogues pour avoir leur part du gâteau qui ne cesse de croître. 

Dans notre pays déjà miné par des scandales politiques à répétition, les dernières bandes sonores entre un présumé trafiquant de drogue et deux membres de la brigade antidrogue révèlent des dysfonctionnements encore plus profonds. Elles jettent surtout une lumière crue sur certaines pratiques qui ont défrayé la chronique ces derniers temps : l’affaire John Brown, l’assassinat de Manan Fakoo, la saisie des armes à feu, l’arrestation de Bruneau Laurette, la sortie du bois du dénommé Franklin, l’impuissance de la commission rogatoire de St-Denis d’avoir la collaboration des autorités mauriciennes sur le dossier Franklin, l’arrestation de Vimen Sabapati...

Comme dans nombreux d’autres pays en développement, le trafic de drogue et son corollaire, la corruption, entravent le développement économique, politique et social. Ils favorisent un pourrissement à tous les échelons et représentent un obstacle majeur à la croissance économique, à la bonne gouvernance et aux libertés fondamentales, comme la liberté d’expression ou le droit des citoyens à demander des comptes à leur gouvernement, par exemple, sur le réseau Franklin, le chassé de Grand-Bassin et les rôles précis de l’Attorney General et du PPS Rajanah Dhaliah. 

Au lieu d'évoquer de «simple allégations» en réponse à la PNQ de Xavier-Luc Duval, Pravind Jugnauth, comme ministre de l’Intérieur, a raté une occasion de prendre le taureau par les cornes. Il n'a pas d'autre choix s’il ne veut pas que la police soit perçue comme l’institution la plus corrompue du pays. Il doit demander l’aide de l’opposition, de la presse, de la société civile pour reprendre le dessus sur la mafia qu’il a luimême identifiée comme un grave problème. Pour enquêter sur la police, l’aide des pays amis est nécessaire pour enrayer la «gangstérisation» du pays. Il doit agir vite afin d’éviter qu’on glisse davantage vers qu’on ce pourrait devenir : un État mafieux. Car la frontière aujourd’hui entre certains ripoux, des politiciens et les trafiquants nous paraît plus poreuse que jamais. Les Amsterdam Boys seraient des gamins dans le trafic actuel.