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Retours de bâton

28 juin 2023, 15:05

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La rébellion d’Evgueni Prigojine, patron du groupe de mercenaires Wagner, a exposé, à la face du monde, de nombreuses failles sécuritaires de la Russie de Poutine. C’est le retour de manivelle d’une force armée que le chef du Kremlin pensait pouvoir contrôler bien avant l’invasion de l’Ukraine. 

La démonstration de force, même si elle n’a pas dépassé 36 heures, orchestrée par Prigojine, aura des conséquences durables sur l’image totalitaire que voulait projeter Poutine. Aujourd’hui, la queue entre les jambes, le dirigeant russe parle de trahison, mais cela cache bien plus. Les liens incestueux entre les forces militaires du gouvernement russe et celles du privé, dont Wagner est le porte-drapeau, révèlent de profonds désaccords entre les différents clans qui gravitent autour du Kremlin. 

Wagner se présente comme une compagnie militaire privée qui a une autonomie d’action une fois sa mission assignée. Dotée de plusieurs armées composées de dizaines de milliers de combattants, elle possède des armes sophistiquées qui pourraient s’emparer de bien des capitales à travers le monde. Selon une enquête de la BBC, qui cite Tracey German, chercheur en sécurité et conflits au King’s College de Londres : «The Wagner Group›s first operation was helping Russia annex Crimea in 2014 (...) In the weeks before Russia’s invasion of Ukraine, it is thought Wagner carried out «false flag» attacks to give the Kremlin a pretext for invading.» 

Récemment, le ton est monté de plusieurs crans. Prigojine, surnommé l’ancien «chef de Poutine» (il faisait du catering et de l’espionnage avant Wagner) a plusieurs fois accusé le ministre de La Défense russe, Sergei Shoigu, de vouloir démanteler le groupe Wagner afin de l’absorber au sein des forces armées russes, qui sont épuisées et pas motivées, alors que le camp ukrainien, aidé par l’Europe et les États-Unis, mène une redoutable contre-offensive. 

Sans le groupe Wagner, Poutine se sait acculé dans une guerre qu’il a commencée et qu’il n’arrive manifestement pas à conclure. La mission de paix des dirigeants africains, menée par Cyril Ramaphosa, a d’ailleurs poussé Poutine à fléchir sa ligne offensive ; et Poutine a saisi la perche du drapeau blanc. Tactiquement. 

Mais on verra bien si Poutine va rester tranquille. Il a toujours l’option nucléaire sous la main s’il sent qu’il va perdre la face ou la guerre. Effrayant ! 

Autre retour de bâton. Celui infligé par Cyril Ramaphosa, décidément en forme et sur tous les fronts, aux dirigeants de l’hémisphère Nord, lors du récent sommet pour un nouveau pacte financier mondial, à Paris. Comme beaucoup d’Africains, il n’a pas digéré le traitement infligé par les pays du Nord lors de la pandémie, alors qu’on appelle aujourd’hui à une solidarité internationale pour contrer la menace commune qu’est le changement climatique. Ses propos méritent que l’on s’y attarde. 

«Western nations had bought all the vaccines in the world and were hoarding them. And it got worse: when we said we wanted to manufacture our own vaccines and when we went to the WTO (World Trade Organization), there was a lot of resistance, enormous resistance. We kept saying: what is more important? Life or profits by your big pharmaceutical companies?» 

«We felt like life in the northern hemisphere is much more important than life in the global south. A promise to provide $100 billion a year was made at a COP climate summit in 2009 but is yet to be fulfilled.» 

Le cri du coeur de Ramaphosa et les paroles lourdes de sens de la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, donnent une perspective autre sur le monde et les rapports difficiles entre pays et blocs : «Nous sommes à Paris avec le coeur lourd mais avec espoir. Il nous faut une transformation absolue du système financier et pas seulement une réforme de nos institutions.»

Et Mme Mottley de conclure : «Qui se lèvera et tiendra bon pour les droits des peuples, pour ceux qui sont morts dans cette pandémie [le Covid-19], pour ceux qui meurent de la crise climatique, pour les petits ÉVtats insulaires qui ont besoin d’un réchauffement inférieur à 1,5°C pour survivre ? Si nous pouvons résoudre des problèmes hautement complexes comme l’envoi de gens sur la Lune ou les calvities masculines, on doit pouvoir régler de petits problèmes comme la faim et la pauvreté...»