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Leave and let die

5 juillet 2023, 09:48

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L’argent est-il le nerf de la guerre psychologique ?

Quand l’inflation frappe, la question des salaires revient immanquablement sur le tapis des lamentations. Tout le monde veut gagner de l’argent, un peu plus si possible : l’entreprise et ses actionnaires, les cadres, les employés, les clients, les retraités. 

Une quinzaine de milliers de nos jeunes qui atteindront leurs 18 ans attendent impatiemment fin juillet pour empocher les Rs 20 000 promises. Les clubs de troisième âge se préparent en fonction des Rs 13 500 qui leur seront créditées avant les prochaines législatives. Les syndicalistes nourrissent leur espoir d’une révision du salaire minimum qui sera emballé dans du papier cadeau électoral. Les commerçants savent que le pouvoir d’achat accru va alimenter l’inflation et que les prix seront hors de contrôle. 

L’équilibre entre coût de la vie et qualité/cadre de vie est difficile à atteindre, surtout quand nous avons un gouvernement dépensier qui finance les cadeaux avec de l’argent virtuel provenant de la Banque centrale, régulateur où les écarts de salaires entre nominés politiques et employés lambda sont jugés révoltants. 

Si Maurice était attractif pour «work, live and play», on aurait vu une flopée de professionnels et grosses pointures fortunées succomber aux sirènes de l’Economic Development Board qui ambitionnait, il y a quelques années, d’attirer, grâce à un nébuleux Mauritian Diaspora Scheme, 50 000 d’entre eux. Mais sans aucune étude sérieuse sur ce que recherchent de jeunes professionnels de la diaspora mauricienne, ils ne se bousculent pas à l’aéroport SSR. Qui est surtout témoin de la marée qui choisit de «leave» au lieu de «live», ne parlons pas de «play». 

Certes, cela représenterait un gros potentiel économique si on réussit à faire retourner ces jeunes issus des deuxième et troisième générations de familles mauriciennes ayant mis le cap sur l’Europe ou l’Australie ou l’Amérique du Nord. Imaginez le transfert d’expertise et la bouffée d’oxygène que cela apporterait à notre productivité molle ! 

*** 

La politique dicte tout ! L’appel du pied à la diaspora mauricienne ne fonctionnera pas tant que l’on ne retrouve pas la voie de la démocratisation. Aujourd’hui, en revanche, on s’inquiète surtout du phénomène de la fuite des cerveaux qui a eu, avant même notre indépendance, des effets négatifs – insoupçonnés et incalculés – sur notre croissance et notre développement économique. 

Si l’émigration s’accélère ces temps-ci, c’est parce que les jeunes en ont marre de vivre dans un pays où les coups de piston deviennent le seul moyen de joindre les deux bouts et de mettre des roupies (dont la valeur dégringole) de côté. 

Ce n’est pas uniquement la faute de ce gouvernement qui pense qu’il peut tout acheter avec notre argent. C’est aussi en raison de la mondialisation qui tend à paupériser les pays vulnérables comme le nôtre, en forçant nos meilleurs diplômés ou travailleurs à l’exil, loin de leurs parents, à la recherche d’une vie meilleure. 

Quelques études démontrent que tant que les facteurs conduisant à l’émigration (crises économiques, inflation en hausse continue, taux de chômage élevé, manque de services sociaux adaptés comme la santé et l’éducation, communalisme, népotisme et absence d’égalité des chances et de justice sociale, police politisée, etc.) persisteront, les expatriés ne reviendront pas, sauf pour des vacances afin de resserrer des liens familiaux et sociaux. Nous parlons à beaucoup de membres de la diaspora qui ne veulent pas rentrer au pays. Leur explication : il n’est pas facile de cohabiter avec certaines mentalités étriquées (proportionnelles sans doute à la superficie du territoire) et des passe-droits dignes d’une république bananière, avec une police qui ne respecte plus l’État de droit et la Constitution... 

Comment alors changer la donne ? On devrait d’abord recenser et renforcer les liens avec la diaspora mauricienne. Il faudrait écouter leurs vieilles doléances et leur donner le droit de voter (en respectant des critères d’éligibilité à instaurer) et d’avoir voix au chapitre. C’est possible avec Internet. Il y en a pas mal qui en ont marre de l’Europe noyée dans ses difficultés économiques et identitaires. Avec une stratégie bien pensée et ficelée, on pourrait ralentir l’hémorragie des cerveaux et notre émigration pourrait évoluer progressivement et positivement en notre faveur. Pour cela, il nous faut une authentique volonté politique au-delà des discours et promesses budgétaires. Il faut des dirigeants crédibles qui inspirent confiance. Il faut un genuine feel good factor.