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Scandales politiques à la sauce singapourienne

20 juillet 2023, 14:31

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Deux faits suffisamment rares pour que l’on en discute ici.

Primo, le ministre singapourien des Transports, Subramaniam Iswaran, a été arrêté, puis libéré sous caution, la semaine dernière. C’est le Bureau d’enquête sur les pratiques de corruption (CPIB) qui a annoncé la nouvelle, selon laquelle le ministre a été arrêté pour ses liens d’affaires avec le magnat de l’hôtellerie, Ong Beng Seng, considéré comme l’une des 25 plus grandes fortunes de Singapour. Au centre de l’affaire :un juteux contrat entourant le Grand Prix de Formule 1 jusqu’en 2028.

Deuxio, le président du Parlement, Tan Chuan-Jin, et la députée Cheng Li Hui ont démissionné du Parlement et du Parti d’action populaire (PAP) après avoir entretenu une relation inappropriée. Le speaker avait aussi prononcé des mots anti-parlementaires alors que son micro était ouvert. Le Premier ministre Lee Hsien Loong a déclaré que M. Tan et Mme Cheng avaient fauté. Qu’il avait accepté leur démission. Point à la ligne. Dans sa lettre de démission, M. Tan explique qu’il se retire de la politique pour se consacrer à sa famille. Mme Cheng, quant à elle, a présenté ses excuses au parti, ainsi qu’à ses électeurs et bénévoles.

Contrairement à Maurice, à Singapour,l’un des pays les moins corrompus au monde, les officiels du gouvernement, dont le speaker, les ministres et les députés perçoivent des salaires officiels équivalents au gratin du secteur privé pour précisément décourager la corruption ; ils ne touchent pas des dessous-de-table (au nom d’un financement politique opaque) et leur conduite morale se doit d’être exemplaire. Leur vie privée n’est plus privée du moment qu’ils acceptent la mission de service public. Par conséquent, ces deux affaires font grand bruit et embarrassent singulièrement le gouvernement singapourien.

Dans le premier cas, le Premier ministreLee Hsien Loong n’a pas tardé à ordonner à Subramaniam Iswaran de se mettre en congé afin de ne pas gêner l’enquête en cours. Ce qui est normal dans un pays où l’État de droit est respecté. Là-bas, le PM ne dit pas qu’il a déjà mené son enquête avant l’institution chargée de le faire selon la loi, et leCPIB ne fonctionne aucunement comme l’ICAC, où les enquêtes sur les politiciens et proches du pouvoir dorment dans des tiroirs fermés à clef. On n’a pas non plus entendu le gouvernement affichant sa solidarité au ministre.

Dans le deuxième cas, Lee Hsien Loong a accepté les démissions «avec tristesse» mais a conclu que c’était la meilleure chose à faire, au nom de la moralité publique. Le Premier ministre Lee a souligné que les démissions étaient nécessaires pour maintenir les normes de conduite élevées du PAP. Il a tenu à ajouter que bien que M. Tan se soit excusé publiquement, le fait qu’il ait prononcé ces mots en tant que président du Parlement rendait la situation plus grave, c.-à-d. intolérable.

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Malgré la réactivité du gouvernement, une partie de la presse singapourienne se montre critique et apostrophe le pouvoir. Elle dénonce le fait que le ministre des Transports et le milliardaire Ong Beng Seng ont en réalité été arrêtés le mardi 11 juillet, mais que la nouvelle a été communiquée trois jours plus tard. Comme les enquêtes sont toujours en cours, la presse se garde de spéculer sur la culpabilité ou l’innocence des suspects.

Cependant, elle ne manque pas de discuter de la manière dont le premier scandale politique a été géré d’un point de vue communicationnel, en questionnant, en particulier, si cela est à la hauteur de l’engagement pris par gouvernement d’être «franc et transparent» à tout moment.

La presse rappelle que les politiciens ont beaucoup évoqué leur capacité à «se contrôler eux-mêmes». Par exemple, selon le code de conduite ministériel, les ministres doivent divulguer leurs intérêts financiers.Il faut aussi rappeler la lutte que le président Ong Teng Cheong a dû mener pour forcer le gouvernement à rendre publique l’étendue réelle des réserves qu’il était constitutionnellement responsable de protéger. L’ancien ministre d’État Goh Chok Tong a souvent mis l’accent sur le «mensonge séduisant de la transparence sélective». Selon lui, les mécanismes juridiques, comme une loi sur la liberté d’information qui consacre le droit du public à savoir et le devoir du gouvernement de le dire, demeurent les seuls moyens par lesquels une véritable transparence peut être atteinte. Surtout, il ne faut pas compter uniquement sur la bonne volonté des politiciens pour décider de ce que nous devons savoir et quand ! Comme dans les cas d’Angus Road, du curry cerf à Grand-Bassin, de Bet365, etc.