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Dynasties et ressources humaines
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Dynasties et ressources humaines
La recomposition du paysage politique soulève de multiples questionnements. L’équation entre les hommes et les femmes demeure centrale et problématique.
Face au regroupement des trois plus vieux partis politiques de l’échiquier, le MSM ne peut que souhaiter une implosion, c.-à-d. que les propriétaires du PTr, MMM et PMSD s’entre-déchirent par rapport aux tickets pour les prochaines législatives, la constitution d’un shadow front bench (avec ou sans Shakeel Mohamed ?) et aux autres nominations stratégiques.
Personne n’est dupe. Le trio Ramgoolam-Bérenger-Duval n’a fait que kick the can down the road par rapport au sujet qui, trop souvent, fâche et gâche les ménages (surtout s’ils sont à trois) – l’alignement des ressources humaines émanant non pas d’une, mais de trois basses-cours distinctes ! – en mettant, pour le moment, l’accent essentiellement sur les points de leur programme électoral (qu’ils disent être en train de finaliser). Ainsi, ils ont parlé, à Mare-d’Albert, de l’avènement d’une Freedom of Information Act et d’une MBC indépendante (vieilles promesses qu’on tend à brandir quand on est dans l’opposition), d’une ICAC et d’une police débarrassées de toute ingérence politicienne, d’un comité parlementaire permanent pour filtrer les nominations tant au sein des organismes de régulation (comme la Banque centrale) qu’au sein des corps parapublics (CEB, CWA, etc.) et des compagnies publiques comme Air Mauritius et Mauritius Telecom (où des Arian et des Sauzier surveillent nos bijoux de famille).
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À Maurice, on tend à remanier ceux d’en bas, mais à la tête du système politique, c’est toujours les mêmes patronymes qui tournent et qui tirent les ficelles. Si la méritocratie n’est pas programmée dans nos gènes, cependant elle s’infirme ou se confirme dans l’action, dans la durée, dans la transmission des valeurs. À l’heure où l’on parle des fils et des filles à papa ou maman, il importe que l’on place cette tendance patronymique dans le contexte de la brève histoire des dynasties politiques du pays. Et qu’on discerne entre les trois ou quatre principales dynasties que nous connaissons : Ramgoolam, Jugnauth, Duval et maintenant Bérenger. À un degré moindre, nous avons les Boolell, Mohamed, Uteem, etc.
Ainsi, face à la realpolitik mauricienne, les guéguerres de pouvoir pour contrôler telle ou telle frange de l’électorat, ou tel ou tel arrondissement d’une circonscription ne sont en fait que des divertissements de pacotille. Les affrontements médiatisés sont maintes fois des jeux de façade. Les seconds couteaux des principales dynasties, des gens certes passionnés par la politique mais qui l’exercent à un niveau bien inférieur à celui pratiqué par les Ramgoolam, Jugnauth, Duval et Bérenger.
Qualitativement et quantitativement, les dynasties politiques mauriciennes sont dissemblables. Chez la famille Jugnauth (en incluant la belle-famille de Pravind et en excluant l’oncle Ashok), la dynastie vise à asseoir son pouvoir et tout l’argent que ce pouvoir rapporte. C’est une succession voulue, encouragée, imposée, quitte à passer par une imposte.
Chez les Ramgoolam, c’est autre chose. SSR ne voulait pas que son fils fasse de la politique. L’histoire nous dit que c’est Paul Bérenger qui l’a encouragé à délaisser les brumes londoniennes pour contrer l’empereur soleil. Il est passé par les urnes et son père n’était plus de ce monde. En l’absence de successeurs naturels, on ne peut accuser Navin Ramgoolam de vouloir, comme SAJ, bâtir une dynastie.
Paul Bérenger, lui, n’a pas de père politicien. D’ailleurs, c’est sir Gaëtan Duval qui déclare, en 1995, que «mon héritier politique, c’est Paul Bérenger», surprenant ce dernier et tous les militants ! Mais, par contre, Bérenger ne nous surprend plus quand il laisse sa fille dominer les membres de son état-major. Comme dans le cas des Jugnauth, ce n’est pas nécessairement la méritocratie qui provoquerait ce choix biologique, mais cela pourrait être des intérêts politiques, et surtout, le plaisir d’influencer et d’orienter. Bérenger, désormais quasi inexistant au Parlement, derrière le virulent Xavier-Luc Duval, est plus compatible à l’image du politicien européen ou américain qui tout en acceptant tous les bénéfices que sa future position lui conférera, n’ira pas jusqu’à mettre ouvertement la main dans le coffre, ce qui jaillirait sur l’image «propre» dont il essaie tant bien que mal de faire usage dans sa vie politique. Seul hic au tableau : il ne combat plus les dynasties politiques ; l’âge lui ayant appris qu’il serait mieux pour lui de ne plus envoyer des pierres…
C’est évident qu’outre l’héritage politique, les fils et filles des propriétaires de partis politiques (aur)ont à gérer de gros sous, des caisses occultes, qui ne sont sujettes à aucune réglementation. Ces sous dont on ne voit qu’une partie de l’iceberg dans quelques rares rapports financiers, mais qui restent quand même largement cachés, en l’absence d’une loi sur le financement des partis politiques. Ce financement politique qui demeure un indicateur incontournable de la bonne gouvernance et dont la législation possible reste aux mains de ceux que cela gênerait le plus. Pas surprenant donc que ni Ramgoolam, ni Duval ou Bérenger n’ont pris d’initiative à ce propos, surtout lorsqu’il leur faudra trouver des fonds pour contrer la Money Politics du Sun Trust.
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