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Les autocrates et la fin de l’histoire
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Les autocrates et la fin de l’histoire
Au moment de la rédaction de cet éditorial, le flou entourait encore la mort annoncée du chef du groupe Wagner, Evgueni Prigojine. Plusieurs théories et hypothèses s’affrontent. Est-il vraiment mort ? A-t-il été tué ? Par qui ? Est-ce un hasard si l’avion de l’un des hommes les plus protégés au monde tombe du ciel, au nord de Moscou, pratiquement deux mois après son coup d’Etat avorté contre Vladimir Poutine, alors que les regards se tournent vers les BRICS qui continuent leur expansion… Sont-ce les forces ukrainiennes ou leurs alliés ?
Ni le Washington Post, normalement bien renseigné par le Pentagone, ni Reuters, encore moins la BBC ou aucun autre média international, personne ne pouvait certifier, à hier soir, si le jet privé de Prigojine avait été abattu par les défenses aériennes russes, même si l’opinion internationale semblait avoir trouvé en Poutine le parfait coupable.
Poutine, après 24 heures, a rompu le silence pesant. Il a choisi ses mots avec précaution en parlant de son ancien homme de confiance. Il a parlé de ses forces et de ses erreurs, sans aucune émotion dans la voix. Son regard est resté impassible.
Que ce soit en Ukraine, en Russie ou en Afrique, la société militaire privée de Prigojine ne cesse de soulever des passions et des questions quant à son modus operandi sur les théâtres de guerre. Le groupe Wagner prend le relais des armées traditionnelles quand cellesci n’arrivent plus à progresser, en faisant usage de la force non conventionnelle, n’ayant de comptes à rendre, comme tous les mercenaires, qu’à ceux qui le financent, et à personne d’autre. Les dernières images de lui auraient été tournées en Afrique de l’Ouest, où il y a eu trois coups d’Etat contre les intérêts postcoloniaux des Occidentaux. Ce changement de paradigme poussait à croire que Poutine et Prigojine avaient réglé leurs différends qui portaient sur des milliards et le contrôle de certaines ressources stratégiques, en s’unissant contre l’Ouest.
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La consolidation du groupe BRICS donne vie à un contrepouvoir face à l’hégémonie occidentale qui règne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (post-1945) et la chute du mur de Berlin (post-1989). Nous sommes en train d’assister à la fin de «la fin de l’histoire». Il y a plus de 30 ans, Francis Fukuyama publiait «La fin de l’histoire» où il prédisait le triomphe du modèle démocratique sur la quasi-totalité de la planète. Sa thèse, (trop ?) pleine d’optimisme sur l’avenir du monde, a depuis été critiquée et souvent moquée, à tort ou à raison. Mais aujourd’hui, après le XVe sommet de BRICS en Afrique du Sud, la question se pose plus que jamais : que veutdire «la fin de l’histoire» ? Est-ce que l’histoire du monde peut avoir une fin, voire une date de péremption comme les empires et les dynasties ?
Certes, nous constatons que le nouveau centre du pouvoir mondial s’est déplacé mais la transition et la dédollarisation ne se feront pas facilement, naturellement. Il y aura un autre choc des civilisations, peut-être encore plus violent.
Déjà les chercheurs en sciences politiques dans l’Ouest évoquent «le pacte des autocrates». Selon un livre d’Isabelle Mandraud et Julien Théron, respectivement cheffe adjointe du service international du Monde et chercheur en sécurité européenne, quelle que soit l’issue de la guerre de Poutine en Ukraine (déclenchée en 2014 et amplifiée en 2022), «l’autocratisation du monde est en marche» – rejoignant ainsi les études menées par les Suédois de V-Dem. «Si le chef du Kremlin se veut le porte-voix de la transformation de l’ordre international fondé sur les droits humains, il n’est pas le seul à mener la bataille : la Chine et l’Iran sont ses principaux alliés. D’autres pays profitent du mouvement pour conforter leurs intérêts : l’Inde, la Turquie, le Venezuela, le Mali…»
Le BRICS est peut-être une nécessité économique pour mieux refléter la transition du pouvoir entre l’Ouest et l’Est. En revanche, le nouveau panorama mondial souligne des risques pour la démocratie, telle que nous l’avons connue et défendue jusqu’ici… Comment parvenir à un équilibre quand les instruments du siècle dernier comme l’ONU sont devenus obsolètes...
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