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Ambivalences sémantiques

19 avril 2011, 00:00

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Les événements au Moyen-Orient et dans certains pays africains ont été suffisants pour que les médias occidentaux ne se mettent à parler de révolution. D’un certain point de vue, l’utilisation de ce substantif peut paraître excessive. Mais, selon les «valeurs» spécifiques aux Occidentaux, c’est tout ce qu’il y a de plus approprié pour qualifier les insurrections en cours. Ce brouillage sémantique sert la logique économique, culturelle et politique de l’Occident. C’est la première vérité. Il s’agit donc de comprendre le mécanisme de récupération qui sous-tend tout le mouvement. 

Il existe des valeurs parmi les plus chères de l’Occident qui sont déclinées selon le mode universel. Et l’Occident ne transige pas sur ces valeurs. La liberté est l’une d’elles. Comment, dans un tel contexte, résister à interpréter les mouvements d’insurrection comme une saillie libertaire émanant des pays qui ont subi le joug des rais, guides et autres dictateurs qui ont tiré leur légitimité sur les valeurs d’un islam supérieur ou des tiraillements ethniques en terres africaines.

L’aspiration à un plus grand respect des droits de l’homme et le désir de démocratie sont les autres motivations des mouvements qui secouent ces pays du Moyen-Orient et de l’Afrique, toujours selon la logique occidentale. Or les droits de l’homme et la démocratie sont les plus grandes «créations» du monde occidental. Ce sont des principes qui naissent à partir d’un compromis avec le christianisme et le régime monarchique. D’où les révolutions française et d’Angleterre. Légitimement dans ces cas, on peut parler de révolution. Parce qu’il y a une rupture radicale avec un mode de vie et un mode de pensée.

Peut-on, en contrepartie, parler des révolutionnaires pour ces jeunes de la Libye ou de Côte d’Ivoire qui animent les insurrections, voire des pogromes dans certains cas isolés? On pourrait difficilement envisager, dans le moyen terme, une révolution au niveau des modes de vie. Les cas de l’Irak et de l’Afghanistan en témoignent. Les Etats-Unis et ses alliés y étaient allés pour apporter la démocratie. Aujourd’hui, ces pays baignent dans un vide idéologique et politique. Si on allait donc chercher ailleurs les causes de ces insurrections au lieu de les mettre sur la seule nécessité d’adopter des valeurs occidentales?

Pour commencer, il faudrait parler de soulèvements au lieu des révolutions. Révolution, c’est un terme qui sert trop les intérêts politiques et culturels du monde occidental dans le présent cas. Soulèvement donc qui entraîne une réaction en chaîne dans des pays qui connaissent le même sort depuis des décennies. C’est toute une conjonction de conditions objectives qui poussent, depuis quelque temps, des jeunes et des femmes qui veulent voir partir les politiques en place parc qu’il y a un rêve d’un lendemain meilleur. Et cela ne se fait pas pour assouvir le seul besoin de liberté. Ces insurgés ne répondent-ils pas à l’appel d’une technologie qui véhicule une morale propre à la modernité. Le mimétisme et les possibilités qu’offre la modernité sont suffisamment d’éléments pour amener des peuples entiers à se révolter. Et si les modèles et les chantres de cette modernité sont à même à vous apporter leur aide, il devient encore plus facile de se lancer dans la révolte. C’est un fait.
Cependant, à la longue, tout est une question de civilisations et de cultures. Et là, même l’internet n’y pourra rien. On a vu, à travers de multiples exemples, comment le flou identitaire et culturel peut être source de poussées extrémistes. Le monde occidental aura tort de se réjouir de ce qui se passe aujourd’hui. Le désenchantement n’en sera que plus brutal. Il est donc plus approprié de parler d’émancipation politique au lieu de grandes thèses sur la liberté, la démocratie et le droit de l’hommisme, des valeurs surtout occidentales.

Car derrière le rideau, se joue une autre pièce. Celle où le capitalisme moral se met au service des valeurs du marché occidental. Sur ce plan, il ne peut y avoir d’ambiguïtés sémantiques.