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Au-delà de nos plages

15 octobre 2012, 00:00

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Il avait été pompeusement baptisé « moteur de la croissance » en 2006 par Navin Ramgoolam. Six ans plus tard, le tourisme donne l’impression de n’être qu’un groupe électrogène d’appoint au développement économique national. Les arrivées touristiques de 2012 pourraient en effet n’être que de 0,5% supérieures à celles de l’année précédente. Pour des recettes en progression d’environ 6% seulement.

Pourtant, hier encore, les touristes dépensaient 8,6% (2011), 10,5% (2010), voire 24% (2006) en plus chaque année. Le coupable de cette situation est tout trouvé : la crise.

Mais ce n’est pas la crise internationale qui est la seule fautive. Une crise endémique touche également Maurice. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, nous nous sommes engagés dans cette impasse bien avant que l’économie mondiale commence à se dégrader. Le gouvernement actuel, les hôteliers, l’office du tourisme et Air Mauritius sont tout autant responsables de cette situation. Car ils ont tous cautionné, au tournant de 2006, la politique d’attirer 2 millions de touristes à l’horizon 2015.

C’est de cette année-là que date la conversion de notre industrie du tourisme à une nouvelle religion : celle du chiffre.

Des oeillères vissées au crâne, le pays s’est bâti son unique selling proposition (USP): nous avons les plus belles plages, les meilleurs hôtels, le peuple le plus multiculturel et accueillant. Cette USP justifiait, pensait-on, la cherté de la destination. Sauf qu’au même moment, avec ou sans l’étiquette de l’élitisme ou de la richesse culturelle, les Seychelles, les Maldives, les Bermudes, Cuba ou les Baléares offraient le même produit de base sea, sun and sand (SSS) aux mêmes tarifs, voire moins cher.

Puis est arrivée la crise. Sans que le pays n’ait pris le temps de densifier son offre complémentaire au SSS. On avait l’Aapravasi Ghat, le Morne, le bazar de Port-Louis, le Festival international Kreol, Divali et notre légendaire multiculturalisme… Nous allions pouvoir surmonter la crise et maintenir les chiffres !

Sauf qu’au même moment, d’autres destinations SSS ont activement commencé à brader leur offre à coups de formules all-inclusive généralisées. De nombreux hôteliers mauriciens ont réagi promptement… en imitant leurs concurrents dans leur obsession du all inclusive.

Histoire, bien évidemment, de continuer à faire du chiffre. Une situation arrangeant tous les acteurs de l’industrie, mais aussi le gouvernement.

Toutefois, la solution toute trouvée du moment se révèle être un lourd handicap pour Maurice à la longue.

La Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) a été la première à sortir de sa torpeur à ce sujet en constatant l’évidence : la multiplication des offres all inclusive des hôtels est non seulement néfaste à l’image de la destination mais également pour l’économie locale. La BBC décrivait déjà en septembre 2011 les ravages de ce type de stratégie à Majorque. Où les « villes fantômes » remplacent lentement et sûrement les quartiers commerçants d’autrefois.

Plus près de nous, une étude Post Office (août 2012), réalisée en Grande Bretagne, enfonce le clou: un voyageur sur deux n’économise pas d’argent en choisissant le all-inclusive et 88% des touristes découvrent même de nombreux coûts cachés durant leur séjour. Si l’on ajoute à cela la perception générale selon laquelle séjourner dans un hôtel allinclusive revient à passer des vacances au rabais, on comprend mieux la menace de dégradation de l’image de marque qui guette Maurice. Ainsi que l’étonnant paradoxe dans lequel il place le pays. Les touristes éventuellement attirés par le all-inclusive local deviennent de plus en plus suspicieux face à ce type d’offre. Tandis qu’une clientèle aimant l’exclusivité boude la destination justement parce qu’elle développe une image de destination low-cost.

La MTPA semble avoir choisi une approche cohérente face aux éventuels effets dévastateurs de la nouvelle image « destination all-inclusive » de Maurice. L’office du tourisme, à raison, semble vouloir empêcher les hôtels pratiquant les offres tout compris de devenir des prisons pour touristes. En leur demandant de se catégoriser selon de nouveaux critères, d’identifier clairement le contenu de leur offre, et en leur enjoignant d’amener les touristes au contact des commerces et restaurants locaux.

Mettre de l’ordre dans l’offre hôtelière du pays est une chose. Toutefois, quand cela aura été fait, une question déterminante restera posée : quand d’autres font magistralement coexister l’offre SSS avec les vestiges de civilisations parfois millénaires, quel supplément d’âme Maurice peut-elle prétendre offrir aux touristes ? Difficile d’y répondre.