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Au paradis
Un sentiment de révolte. Voilà ce que de nombreux Mauriciens disent ressentir à la suite du meurtre de Michaela Harte, l’Irlandaise tuée à l’hôtel Legends ce lundi lors de ce qui semble être un cambriolage qui a mal tourné. Nous avons toutes les raisons d’être choqués. Car ce fait divers écorne l’image que le Mauricien a de lui-même et de ses compatriotes. Ce drame fait mentir cette réputation dont nous nous enorgueillissons tous : notre « légendaire » sens de l’accueil et de l’hospitalité. Et voilà qu’un de nos invités est tué. Chez nous. Par les nôtres ! Il ne s’agit pas toutefois de créer une responsabilité collective là où il n’y en a pas. Non, tous les Mauriciens n’ont pas du sang sur les mains. Non, il n’est pas interdit de dire qu’on est Mauricien à Belfast, Glasgow ou Londres…sous peine d’être couvert de honte et lynché. C’est pourtant ce que disent certains Mauriciens ; principalement établis à l’étranger. Notamment sur lexpress.mu.
Les journaux et tabloïds britanniques pourtant si friands de sensationnalisme et s’abandonnant parfois à des jugements à l’emporte-pièce ne se sont d’ailleurs pas mis à dénoncer une nation de « tourist-killers ». Si le « Telegraph », ce jeudi, titre « we’re not even safe in paradise » c’est pour mieux conclure qu’il n’y a justement… rien à conclure de cet épisode. A part le fait qu’un drame peut arriver même au moment où on s’y attend le moins.
Le meurtre de Michaela Harte doit toutefois nous conduire à regarder quelques réalités en face. Par exemple, certaines petites cachotteries finissent par coûter très cher aux hôteliers. Il est en effet un secret pour personne que de petits vols sont régulièrement commis dans les établissements, même les plus réputés de l’île. Or, soucieux de leur image, ces hôtels s’arrangent dans la plupart des cas pour que ni la police ni les assurances n’interviennent. Soit en remplaçant illico les objets volés ou alors en dédommageant généreusement leurs propriétaires.
Quand ils sont pris, les voleurs sont renvoyés en toute discrétion afin de ne pas nuire à la réputation de l’hôtel. Le problème c’est qu’ils se font ensuite réembaucher ailleurs… Si leurs larcins restent impunis, les employés indélicats continuent à sévir dans l’hôtel. Jusqu’au jour où ils sont pris la main dans le sac par leur employeur. Ou par un touriste revenant à sa chambre. On sait désormais comment une telle situation peut dégénérer…
Certes, les hôtels restent extrêmement vigilants face à ce type de phénomène. Mais l’affaire Harte doit sans doute les amener à décupler l’intensité de la traque des délinquants qui sévissent chez eux. Il ne s’agit plus d’exiler les brebis galeuses une bergerie plus loin. Mais bien de systématiquement recourir à la police pour que chaque personne suspectée réponde devant la justice. Eventuellement même de créer un fi chier de partage dans l’hôtellerie afin que toute personne trouvée coupable de vol ou de toute activité criminelle soit interdite d’exercer dans l’industrie.
La vigilance des hôteliers, si elle est importante, n’est pas malheureusement non plus la solution à tous les problèmes. Car un sentiment plus inquiétant se développe chez une partie des Mauriciens. Celui consistant à voir dans le touriste une sorte de portemonnaie sur patte. Certes l’immense majorité d’entre nous est « tourist friendly. » Mais l’activité de certains, même s’ils n’ont stricto sensu rien d’illégal, s’apparente davantage à du vol qu’à du commerce. C’est le cas de ces chauffeurs de taxi qui demandent Rs 2 000 pour une course qui en vaut Rs 750. Ou alors du vendeur du marché de Port-Louis qui encaisse Rs 3 000 pour un châle que l’on trouve à Rs 200 trois rues plus loin.
Pour une partie de Mauriciens, il est comme devenu normal de plumer les touristes. Car, selon eux, ils sont tous outrancièrement riches et méritent qu’on leur fasse le coup de Robin des Bois. C’est loin d’être la vérité. Celle-ci ne frappera d’ailleurs pas le valet de chambre qui n’aura jamais l’idée de rentrer par effraction dans une maison pour en voler les propriétaires. Mais qui trouvera acceptable de pénétrer dans la chambre d’un touriste pour y subtiliser un appareil photo ou les 300 euros que l’occupant aura négligemment laissé traîner sur sa table de chevet.
Le paradis, comme le dit le « Telegraph », n’est pas nécessairement un lieu sûr. Maurice n’est pas un paradis. Mais par nos actions nous pouvons encore la faire mériter sa réputation de « lieu sûr ».
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