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Au prix de l’eau

27 novembre 2011, 06:29

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Heureux qui, comme Tassarajen Pillay Chedumbrum, peut annoncer une baisse significative des tarifs d’un service public. Si le ministre des télécoms va respecter son engagement dès jeudi prochain, un de ses collègues, Rashid Beebeejaun, va devoir honorer le sien dans un peu plus d’un mois. Sauf que là où Pillay avait promis une baisse de l’ADSL, le ministre des Utilités publiques a annoncé, il y a plus de six mois, une hausse « inévitable » des tarifs d’eau.


Depuis la confi rmation de la hausse par le Conseil des ministres, le 14 octobre dernier, la machine à faux procès s’est mise en marche. Pêle-mêle, on a trouvé que la décision est « indécente », voire « inhumaine ». Il ne sert à rien d’attiser le feu populiste sur la question de l’eau. Déjà, à cause de la nature de la hausse elle-même. Si l’on en croit la version actuelle, 98 000 foyers consommant moins de 10 m³ d’eau mensuellement ne seront pas concernés par les nouveaux tarifs. Les autres subiront une augmentation moyenne de 35 %.


Que représente vraiment cette hausse ? La facture d’un ménage de quatre personnes ayant une consommation raisonnable d’eau ne dépasse que très rarement Rs 150. Ainsi la « scandaleuse » et « inhumaine » hausse n’amènera ces quelques milliers de foyers à ne dépenser qu’environ Rs 50 additionnelles chaque mois. Les autres foyers, qui ont par exemple intégré la piscine dans leur « way of life » ne pourront, eux, qu’accepter de payer leur goût pour un certain confort.


Malgré tout cela, le prix de l’eau reste dérisoire dans le pays. Avec un sou, un Mauricien peut en effet acheter 2,2 litres d’eau à la Central Water authority (CWA), dans la limite de 10 000 litres. Peut-on vraiment dire que c’est là un prix signifi catif ? Dans les faits, le litre d’eau que paye le consommateur à la CWA ne refl ète même pas le coût réel du traitement du liquide dans nos stations de pompage et de traitement.


A la longue, les Mauriciens ont, par conséquent, presque intériorisé le fait que l’eau, malgré sa rareté, ne coûte rien... ou presque. C’est cette même mentalité qui a conduit des millions d’Américains à rouler dans des « trucks » consommant 20 litres de carburant aux 100 km pendant des décennies. Puis tout a changé. Parce qu’ils ont fi ni par prendre conscience que leur « gasoline », loin d’être une ressource inépuisable, est également une commodité dont le prix allait fatalement augmenter.


Tant mieux donc si l’augmentation du prix de l’eau fait office de mise en garde générale aux Mauriciens.Toutefois, ce rappel à l’ordre ne saurait être unilatéral. Car ce ne sont pas seulement les citoyens qui doivent prendre leurs responsabilités par rapport à la gestion de la ressource, mais les pouvoirs publics également.


Rashid Beebeejaun a expliqué la semaine dernière qu’un budget de Rs 10 milliards était nécessaire pour améliorer la distribution d’eau dans le pays. Si la population doit accepter la hausse des tarifs d’eau. Elle doit également être en mesure d’obtenir des réponses précises de la part du gouvernement et de Beebeejaun.


Les questions sont en effet nombreuses. Quand, où et sur quels projets commencera-t-on à investir pour régler nos problèmes d’eau ? Entre 2006 et maintenant, le volume d’eau perdu dans le réseau de la CWA est passé de 45 % à presque 50 %. Pourquoi, au lieu de s’améliorer, la situation s’est-elle dégradée à ce niveau ? Qui en sont les responsables ? La rénovation du réseau d’eau nécessite que l’on connaisse avec précision tous les tracés des tuyaux de la CWA. Celle-ci est-elle en mesure d’affirmer qu’elle a ces informations ? Ou alors est-ce que les plans d’une importante partie du réseau, vieille de plusieurs décennies, ont été tout simplement perdus ?


Un gouvernement doit pouvoir parler un langage de vérité à ceux qui l’ont élu. Nous pouvons estimer que Beebeejaun et le gouvernement ont été responsables en ne retardant pas davantage la décision de la hausse du prix de l’eau. Il leur faut maintenant nous démontrer qu’ils sont également responsables en répondant aux questions que l’on se pose, depuis quelques années, sur la capacité de nos politiques et de la CWA à gérer le dossier de l’eau.