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Azor/Bahloo : Le calvaire du fils

21 décembre 2011, 08:08

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L’Affaire Azor Adelaïde, le livre de Eric Bahloo, le fils de Ignace Bahloo, l’un des inculpés de ce « célèbre crime politique à Maurice », est avant tout une manière d’exorcisme. Eric Bahloo, qui avait 7 ans quand la cervelle de Ton Azor s’est répandue sur l’asphalte de la rue Chasteauneuf à Curepipe le 23 novembre 1971, a traîné ce boulet pendant une bonne partie de sa vie, souvent en se culpabilisant.

Ce livre lui a permis de se libérer. L’écriture, comme on le sait, évacue les démons vieux de quarante ans. Dans le même souffle, Eric Bahloo estime avoir réhabilité son père, condamné à cinq ans de réclusion. C’était un compte qu’il devait régler avec lui-même en fait et tant mieux si après tant d’années, il a retrouvé maintenant la paix et la sérénité. L’on peut comprendre le calvaire qu’il a vécu avec les siens d’avoir porté un nom sous le sceau de l’opprobre.

Eric Bahloo, dans sa démonstration, estime que son père a été « victime du système ». Soit. Ce qui lui permet d’associer aussi dans sa quête de rédemption, toute la famille de Azor Adélaïde, (sa veuve et ses enfants, plus particulièrement Jocelyn), autre victime du « système ». C’est un sentiment qui l’honore de n’avoir pas oublié toute la souffrance de cette famille dont l’avenir a été fracassé par un coup de feu tiré en pleine rue de Curepipe.
Que le livre exhume certains éléments de ce douloureux dossier pour mieux éclairer ses zones d’ombre, personne ne s’en plaint. Que Eric Bahloo vienne confirmer la présence d’une personne supplémentaire sur le lieu du crime ; qu’on ait voulu protéger cet « assassin » en haut lieu ; qu’on n’ait jamais retrouvé l’arme du crime ; qu’on ait livré en pâture à la justice quelques ‘tapeurs’PMSD notoires comme victimes expiatoires dans un ‘deal’conclu au plus haut échelon de l’Etat pour, semble-t-il, éviter un ‘remake’de 65 ou de 68… il appartenait aux responsables d’alors d’assumer leurs responsabilités.

Eric Bahloo va très loin en alléguant ainsi la thèse d’un complot ourdi par un membre du gouvernement, et non des moindres, pour contaminer l’enquête policière, contraindre les ‘innocents’à porter le chapeau et ainsi pervertir le cours de la justice. Tout cela au nom de la raison d’Etat. C’est à ceux-là que Eric Bahloo doit aller demander des comptes.

Toutefois, l’émotion que Bahloo fils a ressentie en rédigeant son livre, sa quête de vérité, sa soif de justice, sa colère rentrée et son souci de réhabilitation n’excusent pas pour autant les libertés qu’il a prises avec l’histoire.

Seuls quelques irréductibles PMSD encore aujourd’hui et quelques tapeurs vieillissants croient que la violence politique, à cette époque, a été inventée par le MMM. Eric Bahloo le croit à partir des témoignages recueillis, quand il avait 7 ans, de sources parentales.

Le PMSD — faut-il le rappeler ? — était au gouvernement, protégé par de multiples appareils d’Etat. Ses tapeurs, disposant d’importants moyens financiers, souvent ivres et défoncés par la drogue au volant de grosses cylindrées opéraient, armés, en toute impunité (et souvent avec la complicité de la police) et semaient la terreur dans les régions urbaines. Le PMSD estimait que le MMM braconnait sur son territoire et comme tel, seule la violence pouvait mettre au pas ces jeunes moustachus rebelles portant cheveux longs. A-t-on déjà vu un dirigeant PMSD tabassé avec du sang dégoulinant de ses arcades sourcilières ?

Chaque jour apportait son lot de violence dont étaient victimes les dirigeants du MMM. Censurée sous l’état d’urgence, la presse ne pouvait en parler. Le MMM n’avait pas d’autre choix que d’organiser la résistance afin de protéger ses dirigeants dans leurs déplacements. Sans ces militants musclés, le MMM n’aurait pu faire campagne en 1976. Et même en 1982. Il a fallu rendre coup pour coup et c’est ainsi que, petit à petit, la peur a changé de camp. Sans que cela ait fait un quelconque martyr bleu.

Pour en revenir à la Cité-Vuillemin où réside encore la famille de Azor Adélaïde, après l’assassinat, des militants en colère ont saccagé complètement une maison PMSD, 200 mètres plus loin, près du terrain de foot. Une famille (les BD….), qui n’avait rien à se reprocher par rapport à ces événements, a été en quelque sorte un dommage collatéral.

Heureusement, il n’y a pas eu de blessés. Les enfants qui avaient l’âge de Eric Bahloo et de Jocelyn Adélaïde à l’époque en sont encore traumatisés !
Moralité : il ne faut pas que le calvaire du fils crucifie l’histoire.