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« Bater boul »

16 novembre 2013, 03:15

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« Bater boul »

Cet hémicycle – aussi appelé « Tempo », en raison de sa forme principalement – qui contient nos élus n’est guère apte à faire revivre le football mauricien. Nos députés peuvent-ils faire abstraction du communalisme (concept mauricien), dans le nouveau « Sports Bill » qui est censé remplir à nouveau nos stades, alors qu’ils sont eux-mêmes issus du système C ? S’ils ne veulent pas, ou ne peuvent pas, réformer le système électoral, avec son Best Loser System communaliste, et ce malgré les pressions de la Cour suprême et des Nations unies, comment diable (rouge) vont-ils relancer le football à Maurice ?

 

Chassons les couleurs et ouvrons les yeux : à défaut des joueurs, jeunes et dynamiques, sur une plaine carrée courant dans tous les sens derrière un ballon, nous voyons les mêmes « bater boul » parlementaires, dont beaucoup de transfuges (transferts opportuns qui n’ont rien à faire avec le talent), assis dans un décor climatisé, qui portent leur identité communale comme des joueurs de foot portent un numéro sur leur maillot. La quasi-majorité des députés, des vétérans qui ne veulent pas ranger leurs crampons, ont eux-mêmes été recrutés par les propriétaires des partis comme jadis on adhérait aux Muslim Scouts, Hindu Cadets, Tamil Cadets, Dodo Club, Racing Club, Fire Brigade, Police et autres Faucons…

 

Le front bench du gouvernement et celui de l’opposition refl ètent la crème de la crème communale qui empoisonne le mauricianisme. Si, dans le football, Saoud Lallmohamed a réussi à passer des Muslim Scouts au Racing Club, ce n’est certainement pas à cause de sa communauté ou de son accent, mais en raison de son talent de footballeur. Suivant ce raisonnement, peut-on s’attendre à ce que Navin Ramgoolam pose un jour sa candidature à Port-Louis, lui qui se targue d’être un enfant de Plaine-Verte ? Après sa déroute quatre-bornaise, Bérenger pourrait-il se faire élire ailleurs qu’à Stanley/Rose-Hill, comme jadis Virahsawmy se faisait élire à Triolet ? Est-ce dû à un manque de talent ? Et si on leur imposait la régionalisation à eux aussi ?

 

La faute à qui alors? A la régionalisation, pardi. Commode, cette méthode de tirer sur un terme abstrait qui ne peut pas se défendre de lui-même, et auquel personne ne s’identifi e. La régionalisation (pas les régions, puisque ce serait s’aventurer ici sur un terrain glissant politiquement) est alors accusée par tous de tous les maux. Carton rouge à la régionalisation pour avoir tué les élites dans certaines star schools, achevé les jeux intercollèges qui mobilisaient des jeunes de tous les coins du pays et, surtout, tué le football mauricien et des talents comme Sébastien Bax, Sattar Mohyddin, Claude Lim Hon, Suraj Teelwah.

 

C’est clair que sur le plan footballistique, les arguments contre la régionalisation sont aussi parlants qu’un Thierry Roland jubilant après un but des coqs bleus : en 13 ans, notre sélection nationale a dégringolé au classement de la FIFA pour atteindre la 198e place sur les 209 pays du classement mondial ! La déroute du football mauricien a été humiliante : après avoir été la championne des Jeux des îles, jadis acclamée par une nation entière, la sélection mauricienne a dû aller jouer des matchs internationaux à La Réunion, car nous n’avions pas de terrain disponible chez nous à un certain moment. Aujourd’hui, les matchs se jouent devant bien moins de spectateurs qu’à un meeting du Parti Malin à Curepipe.

 

Alors que visons-nous vraiment ? Remonter le classement de la FIFA et le niveau du football local ? Pour cela, il nous faudrait aussi une police forte et entraînée pouvant assurer la sécurité avant, pendant et après les matchs de foot – imaginez-vous la Grande-Bretagne bannissant Liverpool, Manchester United, ou Arsenal à cause des hooligans qui saccagent tout ? Ou promouvoir une vraie cohésion nationale qui passe par une nouvelle façon de se représenter au Parlement, comme dans la vie de tous les jours, dans son quartier, qu’on soit riche ou pauvre, amateur de football ou pas ?

 

Si nous refusons de voir les limites de notre multiculturalisme, et si nous ne réalisons pas, dès maintenant, l’interculturel « sur cette planète qui est notre île à tous », préparons-nous à voir nos enfants entrer dans la guerre, prévient notre collègue Issa Asgarally. Préfaçant le bouquin de celui-ci, JMG Le Clézio met le doigt sur notre mal : le rêve de l’arc-en-ciel est menacé à chaque instant par l’enfermement dans l’identité communautaire. C’est pour cela qu’il nous faut de nouveaux dirigeants capables de promouvoir une culture qui n’alimente plus la violence, mais qui nous aide à vivre ensemble, à aller tous au stade supporter la seule équipe qui importe : Maurice United…