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Callikan, le hérisson
Ce coup-ci le bouillant Shakeel Mohamed est tombé sur un os. Si ce n’est pas déjà le cas, le ministre du Travail apprendra bien assez vite qu’on ne réclame pas aussi facilement du patron de la « Mauritius Broadcasting Corporation » (MBC) qu’il justifie ses décisions. En effet, par essence, un organe de propagande gouvernemental – la MBC en est bien un – ne rend de comptes qu’à deux personnes : le ministre de l’Information et le chef du gouvernement. Puisque dans le contexte local, Navin Ramgoolam est coiffé des deux casquettes, Mohamed attendra longtemps avant que Dan Callikan ne réponde à sa convocation.
Dans le conflit qui oppose le patron de la MBC à Mohamed (voir page 8) ce sont deux mondes et deux conceptions du pouvoir qui s’affrontent. Shakeel Mohamed, veut à tout prix asseoir son image de ministre hyperactif prompt à dégainer et à demander des comptes à tout ce que le pays compte de patrons indélicats. Mais Callikan n’est pas de ce monde-là. En bon mandarin, il exerce un pouvoir qui lui a été directement conféré par le Premier ministre. Il est différent.
Pour démontrer qui des deux belligérants perdra la partie, il convient de faire un léger flash-back à février dernier. Callikan était alors l’objet de la vive colère d’Ah Fat Lan Hing Choy, le très influent trésorier du Parti travailliste (PTr) et proche de Ramgoolam. Outré par « le traitement honteux » infligé à sa fille – une employée de la MBC -, Ah Fat avait entrepris de dire publiquement sa colère tout en menaçant de démissionner de son poste au PTr si rien n’était fait pour rétablir la situation. Rien n’a été fait ! Ramgoolam est intervenu en personne pour calmer Ah Fat. Tandis que Callikan a vaqué à ses occupations. Récemment, nous avons même appris d’un des protagonistes de l’affaire que la fi lle d’Ah Fat allait bientôt démissionner de la MBC…
La conclusion semble donc s’imposer d’elle même. Callikan : qui s’y frotte s’y pique. Shakeel Mohamed le sait-il ? Plus fondamentalement d’ailleurs, la question pourrait être : pourquoi Callikan apparaît- il comme un homme intouchable ? Est-ce au nom d’un quelconque lien « fraternel » et « philosophique » avec le Premier ministre que Callikan bénéficie d’une telle latitude ? Probablement pas !
Si la MBC est gardée par un hérisson, c’est parce que le Premier ministre n’a pas intérêt à ce que qui que ce soit – ses ministres y compris – ne s’intéresse de trop près au fonctionnement de la radiotélévision nationale. En effet, si Ramgoolam et ses prédécesseurs ont tous pratiqué la même politique, c’est parce que depuis sa création, la station de la rue Pasteur bafoue allègrement les principes d’indépendance et d’impartialité qui sont pourtant les fondements de la loi qui l’institue. C’est donc pour que la MBC continue à ne pas tourner rond que son patron ne rend de comptes qu’au Premier ministre.
Les conséquences d’une rupture de cet ordre établi seraient graves. Mohamed créerait un dangereux précédent s’il arrive à imposer son arbitrage dans le cas Rehana Ameer. Il établirait, en effet, la règle de l’intervention du ministre du Travail dans le fonctionnement interne de la MBC. Dès lors, on peut imaginer que certains employés de la radiotélévision nationale « mis au placard » depuis juillet 2005 songeront à solliciter Mohamed afi n de faire valoir leur droit. Tout comme on peut s’attendre à ce que la « Mauritius Broadcasting Service Staff Association » questionne plus systématiquement certains exercices de recrutement ou de promotion.
La MBC deviendrait vite ingouvernable. Pire, sa direction devra justifier régulièrement ses choix et décisions. De là à imaginer qu’on questionne ensuite le traitement de l’information et les choix éditoriaux du patron de la radiotélévision…il n’y a qu’un pas. Ce scénario cauchemardesque pour Callikan et Ramgoolam ne se produira pas. Parce que demain, Mohamed attendra Callikan en vain. L’affaire Ameer sera donc gérée selon les méthodes habituelles…en toute opacité. Ainsi vont – et iront – les choses dans la fabrique à propagande.
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