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Certitude et Incertitudes

8 décembre 2013, 08:35

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Certitude et Incertitudes

«Je me tiens ici devant vous, non comme un prophète, mais en humble serviteur […]. Mes dix mille jours d’emprisonnement sont enfin derrière moi […]. Je place les années de vie qui me restent entre vos mains. » Ces mots, Nelson Rolihlahla Mandela les a prononcés, l’après-midi du 11 février 1990, au Cap, à la grille de sa dernière prison. Il a, à ce moment, plus de 70 ans. Se détachant du poster qui orne les murs des révolutionnaires aux côtés du mahatma Gandhi et de Che Guevara, Mandela est propulsé dans le ciel ce jour-là, adopté par une humanité en quête de héros, de modèles, devenu une étoile mondiale, une légende vivante.

 

En langue xhosa, « rolihlahla » veut à peu près dire « semeur de troubles ». A contre-pied, Mandela a abandonné le costume d’activiste armé, qui combattait avec violence le système de développement séparé (apartheid), pour incarner un démocrate pacifique, maniant la réconciliation et le pardon comme armes politiques, afin d’instaurer la règle du « un homme, une voix », évitant à l’Afrique du Sud ce qui aurait pu facilement être la plus sanglante des guerres civiles du monde.

 

Aujourd’hui, mort, mais pas tout à fait, Mandela est au panthéon, au paradis des grands. On le savait malade. Cela fait cinq mois que le monde retient son souffle. Dans les rédactions, l’hommage spécial était déjà rédigé. Dans les rues de Johannesburg, nous racontent nos confrères Abdoollah Earally et Loïc Forget, il y a quelques larmes, mais on célèbre surtout sa vie, son oeuvre. On danse. On chante cette voie de l’ubuntu, qui peint l’univers comme un tout organique, ce chemin qui mène à l’harmonie. Le peuple est en transe, oubliant un quotidien pas toujours gai…

 

Mandela a soulagé ceux qui souffraient avec lui alors qu’il luttait courageusement contre sa maladie. Sa mort s’inscrit dans la normalité des choses : un homme, aussi immortel dans nos coeurs soit-il, doit mourir, un jour ou l’autre. C’est notre seule certitude.

 

***

 

La route de l’après-Mandela est jonchée d’incertitudes. Passées les funérailles du 15 décembre, le réveil sera brutal pour ceux qui dirigent l’Afrique du Sud. Les défis socioéconomiques sont aujourd’hui en berne, comme tous les drapeaux du monde, vendredi, mais ils vont se relever sous peu. Le taux de chômage national a dépassé 25%. Chez les jeunes Noirs, ce chiffre atteint 55 %. L’ANC, miné par des scandales de corruption, ne semble pas disposé à quitter le pouvoir et tentera toujours de surfer sur la nostalgie Mandela. Le fossé entre une minorité riche (la couleur de l’argent est la seule qui compte désormais) et une majorité pauvre se creuse. La violence politique se dégrade tous les jours un peu plus et indique la fragilité potentielle du pays. L’apartheid a changé de forme. L’oeuvre de Mandela sera-t-elle aussi éphémère que notre vie ?