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Ceux qui diront non
C’est la saison du oui ! Navin Ramgoolam et Paul Bérenger vont se le dire officiellement dans les jours à venir. Et peu importe si la nouvelle loi électorale est votée avant ou après les prochaines élections générales, les noces des deux leaders politiques seront célébrées dans la ferveur d’un cinglant 60-0 administré au MSM. Mais est-ce que l’ensemble des 1,3 million de Mauriciens auront le coeur à la fête?
Sans surprise, l’argumentaire de vente classique sera ressorti pour nous vanter les bienfaits d’une chromothérapie rouge/mauve. A force d’avoir été bassinés avec, nous les connaissons tous… par coeur. D’abord, l’alliance PTr/MMM a le mérite d’apaiser les tensions - notamment ethniques - du pays. Ensuite, elle porte au pouvoir une « dream team » composée des meilleures compétences locales. Toutes susceptibles d’aider la nation à relever les défi s sociétaux et économiques du moment et de l’avenir.
Les considérations plus personnelles, voire égoïstes, de ce mariage de raison sont moins vendables. Navin Ramgoolam cherche à régner localement et rayonner internationalement sans avoir à gérer le « day to day business » du gouvernement. Tandis que Paul Bérenger souhaite, lui, finir sa vénérable carrière politique en apothéose tout en préparant sa succession au MMM. Diffi cile d’expliquer comment la poursuite de ces deux objectifs concourt significativement à améliorer le quotidien des Mauriciens !
C’est donc sur le terrain démocratique qu’on tentera de placer l’avancée. Grâce à la IIe République, le Premier ministre ne sera plus tout puissant, il exercera ses prérogatives dans un cadre institutionnel rationalisé. Tandis que la réforme électorale permettra enfin aux citoyens d’élire des Mauriciens à part entière et non des candidats ayant l’obligation de se choisir une appartenance ethnique ou communautaire pour prétendre briguer les suffrages.
Malgré ses bienfaits, la réforme institutionnelle ne parviendra pas à éradiquer tous les travers de notre système politique. Les jeux d’alliances sont ainsi toujours promis à un bel avenir. Puisque le nouveau mode de scrutin reposera aux trois quarts sur le système First Past The Post, tous les partis politiques installés continueront à trouver un intérêt à participer à des sessions de koz koze sporadiques (pré et post élections) afin de contracter ou de changer d’alliance au moment opportun.
Ce statu quo dans le fonctionnement des rapports de forces politiques ne permettra pas aux principaux leaders de remonter dans l’estime de l’électorat. Cet immobilisme pourrait même conduire une importante partie des votants à lancer à terme une motion de blâme – dans et en dehors des urnes – contre l’accaparement du jeu électoral par les principaux partis.
En fait, la motion de censure a été déposée, en toute discrétion, depuis des années. Une analyse sommaire des statistiques de participation aux élections générales depuis l’indépendance démontre en effet l’érosion de l’intérêt des électeurs au fi l des rendez-vous nationaux. En 1982, seuls 12 électeurs sur 100 avaient décidé de bouder les urnes. Lors du scrutin de 2010, le taux de désabusés est passé à 23%.
C’est à partir de 1991 que le désintérêt des électeurs pour les grand-messes politiques a commencé à se manifester de manière fl agrante. Cette année-là, le premier épisode de la telenovela « Tout est possible en politique » avait été joué dans les urnes. Les épisodes se sont succédé : « Le remariage d’Anerood et Paul » en 1991, « Paul trompe Anerood avec Navin » en 1995, « Anerood et Paul se marient pour la troisième fois » en 2000, puis « Navin trompe Paul avec Pravind » en 2010. Tout au long, un nombre de plus en plus grand d’électeurs/spectateurs déçus a choisi de rester chez lui, préférant zapper le programme.
Combien seront-ils à zapper le prochain épisode: « Navin et Paul se marient pour faire chambre à part » ? Vu le peu d’enjeux d’un scrutin opposant le bloc PTr/MMM au MSM, il est déjà fort probable que bien plus de 23 électeurs sur 100 décideront finalement de ne pas exercer leur devoir civique. Rien ne dit, de plus, que les 70% de votants consentiront tous à regarder les mêmes acteurs rejouer dans le même feuilleton pathétique.
Dès lors se posera une nouvelle question : si les partis installés perdent leur crédibilité auprès d’une frange de plus en plus importante de l’électorat, qui sera en mesure dans les années à venir d’incarner l’alternance à une classe politique dégénérescente ? Les candidatures sont ouvertes.
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