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Conflit d’intérêts

18 octobre 2010, 08:40

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«Il est normal que les ministres veillent sur leur fortune en même temps que sur celle de l’Etat.» Non, ce n’est pas une formule lapidaire du leader de l’opposition lors d’une de ses conférences de presse hebdomadaires. C’est une citation du Cardinal de Richelieu mise en exergue par Martin Hirsch dans son essai intitulé «Pour en finir avec les conflits d’intérêts» qui vient de paraître en France chez «Stock» dans lequel ce Conseiller d’Etat, de manière limpide, à partir d’exemples, décortique le mécanisme de ces conflits d’intérêts qui se confondent carrément avec l’abus de pouvoir, le favoritisme, le trafic d’influence.

Cela relève d’une heureuse coïncidence que ce livre paraît en même temps que le livret de l’«Independent Commission against Corruption» intitulé en anglais «Conflict of Interest». Selon Anil Kumar Ujoodha, le directeur de l’ICAC, «le conflit d’intérêts est indicateur, précurseur et la résultante de corruption si on ne l’élimine pas». Nous ne sommes pas plus avancés pour autant dans la mesure où la loi condamne, avec clarté, la corruption et définit mal la notion du conflit d’intérêts.

La définition du conflit d’intérêts, selon le Conseil de l’Europe, se lit comme suit : «Un conflit d’intérêts naît d’une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou paraître influer sur l’exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles». En clair, quand il s’agit d’un mélange de genres ; quand un élu ou un fonctionnaire confond sa bourse avec celle de l’Etat ; quand se prévalant de sa fonction, il s’attribue des privilèges ou il en fait profiter à d’autres, la plupart du temps à ses proches. Le livret de l’ICAC n’est pas loin de cette définition.

L’affaire Woerth-Bettancourt et les scandales qu’elle a provoqués constituent, selon tous les spécialistes des conflits d’intérêts en France, un cas d’anthologie dans ce domaine. Alain Juppé, quand il était à la mairie de Paris, s’était retrouvé dans une même situation singulière : il avait accordé à son fils un logement à un prix réduit. Bien que cela fut une pratique courante, il n’était pas moins en situation de conflit d’intérêts.

Il est réjouissant, bien que le conflit d’intérêts ne relève du pénal à Maurice, que les dispositions de l’ICAC (les sections 13/1 et 13/2) puissent épingler et traîner devant les instances judiciaires ceux qui s’en sont rendus coupables à l’instar de l’ex-président du SILWF et l’ex-président plus deux membres du «Tobacco Board». Mais à bien voir, cette pratique fait partie des moeurs de l’administration à Maurice car bon nombre d’élus (surtout au niveau des Collectivités locales) et des nominés des corps para-étatiques sont totalement ignorants de cette éthique et cette déontologie administratives.

On serait étonné toutefois qu’en France, comme le précise Martin Hirsch, aucune loi n’existe pour sanctionner ceux coupables de conflit d’intérêts. Ceux-là font valoir leur bonne foi et leur prétendue honnêteté ( Woerth et Juppé) pour s’en défendre. Ce qui est mince !

Anil Kumar Ujoodah doit multiplier les efforts dorénavant pour vulgariser le contenu de son livret afin de décourager ceux qui ont eu tendance jusqu’à maintenant de confondre leurs caisses personnelles à celles de l’Etat et considérer leurs proches comme les seuls heritiers du patrimoine national.